Le chemin de la rencontre et du dialogue

Edito Eglise d'Arras 3-2016

 

L’Eglise catholique, en chaque début année, interpelle notre attention et notre bonne volonté : la Paix, l’Eglise en Afrique, l’immigré et l’étranger, les autres traditions religieuses chrétiennes. Ce n’est pas que l’affaire d’un instant, c’est une invitation à avoir le cœur et l’esprit en éveil sur “tout ce qui n’est pas nous”. L’expression peut donner l’impression de vouloir tout embrasser.

Depuis les attentats de janvier puis de novembre 2015, la tendance à restreindre notre horizon s’est développée. L’ampleur des flux de migrants depuis l’été 2015 a provoqué un ras-le-bol généralisé, surtout chez nous en Pas-de-Calais et à Calais même. Qu’y a-t-il de neuf qu’on n’ait déjà fait ou écrit ? Il y a toujours de bonnes raisons pour se limiter, pour se calfeutrer dans son pré carré ? Caïn le premier n’a-t-il pas interjeté : “Suis-je le gardien de mon frère ?”  (Genèse 4, 9).

 

S’il existe des théories pour justifier de ne pas s’investir devant l’autre qui frappe à la porte en le considérant comme un agresseur (cf. Samuel Huntington) il est fort heureusement possible, pour qui veut ouvrir les yeux, de découvrir des attitudes humaines d’ouverture à l’autre. Le philosophe Levinas, au siècle dernier, fondait sa philosophie et son éthique sur l’autre. Autrui est d’abord un visage qui me parle, auquel je réponds… ou refuse de répondre : “Le visage s’impose à moi sans que je puisse cesser d’être responsable de sa misère”.

 

Donner au dossier d’Eglise d’Arras le titre : “La rencontre des cultures” exprime le souhait de nous éveiller aux différentes rencontres humaines qui ont eu lieu près de chez nous ou plus loin, dans le diocèse et, sans doute, ailleurs aussi. Que ce soit une rencontre à la mosquée, que ce soit l’interpellation d’une lycéenne pour ses camarades à propos des migrants, que ce soit une réflexion sur la paix initiée par un groupe d’ados, voici quelques occasions de se réjouir et de rendre grâce.

S’il fallait regarder un peu plus loin dans le temps : les prochaines Journées mondiales de la Jeunesse, dans un monde mondialisé, peuvent-elles être l’occasion d’une nouvelle Pentecôte ou l’affirmation d’une identité chrétienne contre le reste du monde ? La préparation du 500ème anniversaire de Luther sera-t-elle l’occasion d’un dialogue et d’une meilleure compréhension les uns des autres ? Beaucoup de choses on été dites les uns contre les autres, parfois de manière injuste. Il est temps de passer du conflit à la communion… “Qu’ils soient un comme toi et moi, Père, nous sommes un”. Il n’est jamais trop tard pour reprendre le chemin du dialogue. Le voulons-nous ?

 

Est-il exagéré de souhaiter qu’à chaque eucharistie soient associés, avec le pain et le vin, les petits pas que les uns et les autres accomplissent les uns envers les autres, pour qu’ensemble nous devenions comme les grains de blé moulus et les raisins pressés, participation à l’édification du Corps complet du Christ ? La miséricorde reçue du Père, il nous revient de la communiquer par toutes les œuvres de miséricorde dont nous sommes rendus capables. Développer le corps social, lutter contre cette économie qui tue, ce sont autant d’appels du pape François. Saurons-nous l’entendre ?

 

Voici bientôt le temps où les catéchumènes amorcent leur chemin vers Pâques ? Saurons-nous, comme eux et avec le Christ, faire corps avec l’humanité souffrante pour laquelle il a donné sa vie, afin qu’elle devienne avec Lui, le corps ressuscité, enfin libéré du péché et de la mort ?

 

Abbé Emile Hennart