Conférence du Père Gesmier

Prêtre aux périphéries de la société

 

 

En cliquant sur ce lien, vous aurez la possibilité de ré-écouter la conférence du Père Gesmier

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         Un certain cardinal Bregoglio avait dit, avant qu’il ne devienne le pape François : l’Eglise doit aller aux périphéries. Le père Henri Gesmier, prêtre de la Mission de France, a assuré cette présence d’Eglise dans les prisons durant trente années, comme éducateur. Antoine Bellier, journaliste à R.C.F. a été séduit parce qu’a vécu Henri Gesmier et nous fait partager l’expérience de celui-ci à travers un livre-interview qu’il a écrit : « Toute vie est belle »

 

Antoine Bellier  a eu envie d’écrire ce livre : « La vie est belle » parce que c’est né d’une histoire d’amitié avec « Riton » (surnom donné à Henri Gesmier par ceux qui le connaissent). Antoine a rencontré le père Gesmier, fortuitement, au Mont saint Michel. Il a été intéressé par ce prêtre qui travaillait à la prison (trente ans à Fleury-Mérogis), ce prêtre qui répondait à une vocation spécifique : s’occuper des prisonniers et ne pas rester cantonné dans un presbytère.

Le père Gesmier a compris, dit-il, que le sens de sa mission était d’être présent au monde carcéral. Il n’était pas aumônier de prison mais éducateur en prison. Antoine Bellier a voulu écrire son livre pour partager un parcours, une expérience, parce que l’on a besoin de partager les expériences les uns des autres et qu’il avait envie de faire connaître les germes d’espérance, voire de résurrection, que l’on peut trouver aussi en milieu carcéral. Il ajoute qu’il posera quelques questions (dont il connaît déjà les réponses) au père Gesmier pour jalonner son parcours et exposer comment « Riton », orphelin en Bretagne, a su, grâce à la foi, aller au-delà de ses djfficultés. Il lui demande donc :

 

_ « Pour quelles raisons as-tu choisi d’être éducateur en prison ? »

Quand j’étais à l’orphelinat, je n’y pensais pas. J’avais douze ans quand j’y suis entré. Mon père était resté six ans en captivité à cause de la guerre, Il était « lessivé » Et puis il n’avait pas fait un très bon mariage avec ma mère. Il est tombé dans l’alcool. Il est devenu employé à l’orphelinat (tenu par des sœurs. Elles avaient des préventions contre la prison, allant jusqu’à découper dans les journaux ou publications que nous pouvions lire, les articles intitulés « prison »)

Nous étions nombreux, près de deux cents gamins, parfois placés là par application de l’ordonnance de 45 instituée par de Gaulle concernant la protection des mineurs. Un jour, un jeune est arrivé. Il a été placé dans le lit à côté du mien. Il avait une mère qui buvait. Il pleurait la nuit alors je suis allé le consoler en lui disant : « Ici on est une grande famille, tu ne seras pas tout seul » On vivait très pauvrement. C’est l’Eglise qui faisait vivre tous ces gamins. Certains s’échappaient. Au bout de trois « escapades », on ne restait plus. Il m’a proposé de fuir avec lui : « on va chez ma mère ». Je n’ai pas voulu, le suivre. Il est parti. Il a été rattrapé. Avant de partir, il a pris ses affaires, a traversé la cour et s’est tourné vers moi. Je n’ai pas oublié son regard. Dix ans plus tard, j’ai reçu une lettre de lui. A l’âge de dix- neuf ans, il venait d’être condamné à vingt ans de prison. J’ai remercié le ciel pour les gens qui m’avaient accompagné et épargné ce sort.

Je suis allé le voir à la prison. Là-bas, c’est monotone. Il disait qu’il n’arriverait à rien. Je lui ai dit que j’allais lui faire passer le certificat d’études primaires. Il m’a demandé : « Pourquoi ne viendrais-tu pas faire l’école en prison ? » Et j’ai pris la décision d’accepter. J’ai d’abord fait des études d’infirmier pour avoir l’équivalence du bac puis j’ai continué pour devenir éducateur.

_ « Quelles ont été tes premières impressions à ton arrivée dans l’univers carcéral et quelle a été l’évolution de ce monde ?... »

J’ai compris l’immense solitude de Laurent. Il y a des endroits où il faut être pour comprendre et agir. Il y a du monde en prison et je pouvais passer inaperçu dans ce grand groupe. J’ai passé le concours d’éducateur. Le matin on nous a dit qu’il fallait écrire douze pages. J’en avais écrit six…Je suis allé au bistrot d’en face et j’ai dit à quelqu’un : « Moi, j’arrête, j’ai envie de me casser, j’ai loupé l’exercice » Celui à qui je parlais m’a alors encouragé à continuer « ça peut marcher cet après-midi, allez, continue. » La suite, c’étaient des tests psychologiques, des exercices pratiques, ça m’allait. J’ai passé le test du Rorschach (dessins en forme de taches à interpréter) : pas de problèmes. J’ai été reçu et j’ai été dirigé sur Fleury-Mérogis, une des plus grandes prisons d’Europe (il y a eu là-bas jusqu’à 5 000 détenus). J’ai eu une boule au ventre lorsque je suis arrivé là, et je l’ai toujours eue depuis, à chaque fois que je rentrais dans ce monde.

En 1975, la peine de mort existait encore. A l’intérieur pesaient des règles très précises, les lois de ce que l’on appelle le « milieu ». Ca formait une sorte de famille avec des règles.

Dans les années 80 il y a eu la drogue, qui touche toutes les couches de la société. Le drogué ment à tout le monde. Un jour j’ai appris à une mère : « votre fils est à Fleury » Elle m’a répondu : « pas possible ! » puis s’est écriée « Oh, la télé » Elle s’était aperçu qu’elle avait disparu, et venait de réaliser que son fils l’avait vendue pour se payer sa drogue. Une fois que vous avez touché à ça, vous êtes pris dans un système, et ce n’est pas simple d’en sortir !! Aujourd’hui ça n’a pas diminué, surtout dans les maisons d’arrêt. Il faut toujours penser : quand un jeune prend de la drogue c’est qu’il a une raison et il ne veut pas la dire.

Puis est arrivée la période sida, maladie surtout propagée par l’échange des seringues, en particulier lors de la prise d’un « cocktail » ravageur, le speedball,  mélange de cocaïne et d’héroïne que l’on s’injecte par intraveineuse. Quand est arrivée la trithérapie pour les sidéens, on a commencé à comprendre que la maladie conduisait au décès. C’est aussi l’époque où des associations ont commencé à se créer pour venir en aide aux prisonniers. Avant, la prison, on ne s’en occupait pas.

Il y a eu aussi les changements dans les lois : la parité hommes/femmes, la législation concernant les délits d’ordre sexuel et la plainte. C’est ainsi que, dans votre région, vous avez connu l’affaire d’Outreau. On a pris en compte les problèmes affectifs (la loi n’était pas encore entrée en vigueur). On a vu arriver des gens touchés par de tels problèmes d’ordre affectif, pour des faits survenus la plupart du temps dans les familles (bien plus qu’à l’extérieur). Est arrivée aussi l’immigration de masse et on a commencé à truander les papiers. Les passeurs s’y sont mis…Tout cela, de nos jours, emplit les prisons. La loi concerne aussi l’atteinte aux biens et aux personnes. Beaucoup de jeunes, en sortant de « boite » ont des accidents et se retrouvent en prison. Ils n’y restent pas toujours longtemps mais, en tous cas, ça démolit.

La prison, c’est le prisme de la société. On peut la lire sur toutes ses faces. Moi je ne pensais pas rester travailler à la prison. Je voulais partir à Manille où j’avais une petite communauté avec pour but de sortir les jeunes de l’insupportable ; j’avais aussi pensé à l’Afrique, et puis… je suis resté.

 

_ « Ton parcours a été traversé d’un tas de rencontres, certaines très importantes. Peux-tu évoquer des visages qui t’ont marqué ? »

Oui, je me souviens de Philippe, qui est passé par des rechutes, des réinsertions. Sidéen, il, était seul, hospitalisé. Il a cependant connu des moments d’espérance malgré l’aspect désespérant de sa vie.

Rappelez-vous qu’à quelqu’un qui souffre, il faut du temps et des rencontres. Nous avons tous une place irremplaçable pour quelqu’un. Disons-nous aussi qu’aider, faire des choses, ça ne veut rien dire. L’important c’est la présence (celui qui souffre ne vous le dira jamais).
J’en reviens à Philippe. Il était dans l’un des derniers orphelinats encore en fonction. Son mal-être venait de ce qu’il cherchait sa mère. Au fond, c’est cela qui l’avait conduit à la drogue. Je l’ai beaucoup accompagné. J’ai ouvert un foyer pour accueillir les jeunes comme lui. J’étais financièrement « à sec » car je m’étais fait « dépouiller » dans le métro. En ouvrant ce foyer, je tentais de répondre à la question « où aller quand on sort de prison ? ». Lui il a mis un temps fou à me dire ce qui l’avait amené là. Il a eu le sida. Il avait des tatouages et cela l’empêchait de trouver un boulot. Quand le patron qu’il avait rencontré a vu ses mains, il a tiqué…(heureusement qu’il n’a pas vu ailleurs a dit Philippe !) Je lui ai proposé de faire enlever les tatouages, mais il a eu des complications, ça ne se résolvait pas bien. On lui a fait une prise de sang. Le résultat tardait. « J’ai quelque chose, Riton, répétait Philippe » Et en effet, c’était le sida. Il a été convoqué par des gens qui s’occupaient du sida, dont un chirurgien, chrétien ; un homme merveilleux. Philippe lui a demandé : « ma maladie, ça va finir comment ? » « Je sais pas » a répondu le médecin. Il faudra du temps pour me soigner ; a pensé Philippe. Alors il a craqué. Il a cassé tous les carreaux et il est parti. Je l’ai cherché. Je l’ai retrouvé aux Halles, complètement défoncé. On a essayé de trouver des solutions. Il a accepté de partir « au vert » dans les Cévennes. Il y a ainsi des chrétiens inconnus qui ont ouvert leur porte. J’ai dit « il y a un jeune homme de 26 ans, qui présente un syndrome de Kaposi (apparition partout sur la peau, les muqueuses, de sortes de pustules de couleur violacée). » On va essayer de voir a soufflé une toute petite dame. Elle est venue le voir pendant un mois, tous les jours, lui lavait son linge. Il disait d’elle « c’est ma grand-mère ». Un jour elle m’a embrassé et m’a dit « c’est mon deuxième petit-fils que je perds » Elle était dans la gratuité. C’est ça, la foi. Je ne l’ai jamais revue.

 

Dialogue : De l’espérance

Je savais que Philippe allait mourir. Une fois il m’a demandé « ton bon Dieu, quand je vais aller là-bas, qu’est-ce qu’il va me dire ? » « Je ne suis qu’un salopard » Alors je lui ai demandé « tu ne t’es jamais occupé de quelqu’un ? » « Si, » a-t-il répondu « une fois j’ai rencontré une fille. Elle était en manque. Je lui ai donné ma dose et c’est moi qui ai eu mal »

Il y a eu en France, l’histoire du sang contaminé. On venait chercher du sang dans les prisons (certains en donnaient pour avoir un bon sandwich et d’autres pour se racheter.) Ils proposaient même d’en donner plus que la quantité normale. « Ca servira, » disaient-ils. Quand ils ont appris que ce sang était parfois contaminé, certains ont dit « j’ai donné la mort alors que je voulais me racheter… » J’ai dit que c’était l’intention qui avait compté, qu’il fallait pardonner et d’abord se pardonner à soi.

En prison, le face à face est inéluctable. Il oblige à la vérité sur son histoire. Ces histoires, disent-ils, qui nous reviennent tout le temps. Il faut voir le positif de la vie. Dîtes du bien à vos enfants. Il faut dire à quelqu’un ce qu’il a de bien en lui (et pas toujours le renvoyer à sa « merde »). Il faut d’abord s’aimer soi-même (il faut aimer son prochain comme soi-même). Comment aimer Dieu, comment aimer l’autre si l’on ne s’aime pas ?

Il y a des conversions très fortes chez les gens en prison. En solitude qu’est-ce qu’on fait ? On peut penser et même …prier. Il y a des bancs vides aux messes paroissiales, mais là-bas les bancs sont pleins.

 

La prière, un regard vers le ciel ?

Je me souviens d’un jeune. Après une soirée mal terminée (sortie de boite) à la suite de laquelle il y avait eu des morts ; il se retrouve en prison. J’essaye de le rassurer. J’étais un peu inquiet. Il était debout devant la fenêtre. Soudain il me demande « Tu crois en Dieu ? » Je réponds « oui, j’y crois » . Il poursuit « la prison c’est chiant », puis il ajoute « comment on trouve Dieu ? » Je dis « en lisant des livres : la Torah, la Bible, le Coran (la Bible est le livre le plus lu en prison) ; on le trouve aussi par la prière. « Toi, tu lis des livres, tu pries ? » Il me dit « lire des livres, oui, mais comment tu sais que tu fais la prière ? » « Tu étais debout et tu regardais vers le ciel » C’est tout, on n’a jamais parlé de Dieu. Quand vous les avez, ces moments -là, ils ont de l’importance. C’est pour cela que je n’ai jamais voulu monter dans la hiérarchie, pour vivre ces moments qui ont changé quelque chose pour quelques- uns.

 

Quel est le sens de ton ministère de prêtre en prison ?

C’est un va et vient, un peu comme une schizophrénie. On ne se coupe pas en rondelles.

Il y avait un problème avant le Concile. Quand on n’est pas bien, on ne peut pas étudier, alors on devenait boulanger ou boucher ou maçon ; on exerçait un métier manuel. Moi, dans l’ambiance de l’orphelinat (tenu par des religieuses) j’ai pensé à Dieu. On m’a conseillé d’en parler à l’aumônier. Je l’ai rencontré, c’était un vieux prêtre malade qui m’a asséné « Va falloir apprendre le latin ! ». On m’a retiré du milieu des copains et j’ai vécu comme au presbytère…C’était un grand décalage. La chance du Concile : jamais je ne quitterai le lieu d’où je viens. Je suis entré à la Mission de France (difficilement) et suis devenu éducateur de prison. J’ai parlé avec mon évêque. Je ne pouvais pas être un séminariste classique. Je lui ai dit « Je suis un pauvre, ne m’envoie pas à tes pauvres. Il m’a répondu « on va réfléchir ». J’ai fait mes études le soir après le boulot. J’ai été quatre ans curé de paroisse. Etre là, c’est le plus important. Quand vous allez voir quelqu’un à l’hôpital, quel réconfort pour celui qui vous reçoit ! J’ai vécu un moment très fort un samedi matin. J’étais confronté à quatre gars à histoires difficiles. L’un avait tué sa mère. Je remplaçais mon curé. En face de moi se tenait une femme qui avait perdu son fils. Le prêtre (c’est sa mission) est le lien entre l’Eglise le monde et Dieu. Et Dieu se sert de chacun d’entre nous. J’en ai voulu à Dieu de mon histoire, disait l’un. Qu’est-ce que j’ai fait moi ? Dans la foi on se trouve relié à une autre Histoire.

 

Dans le dialogue intérieur, trouve-t-on une réponse dans la Parole de Dieu ?

Oui, moi j’ai été bouleversé par une parole d’Isaïe. J’aimais voir du monde et j’en voyais à l’église alors qu’autour de moi, j’avais plutôt affaire aux êtres de la nature animale : poulets, cochons, vaches. J’aimais bien les vaches « chatouilleuses », celles qui réagissaient quand on leur prenait les pis pour les traire. Je reviens à l’église, donc, où je voyais du monde, et je passais du temps à la chapelle. J’ai demandé au bon Dieu de me trouver une famille. C’est un problème, de nos jours, la famille, avec tous les couples qui se séparent. Il faudrait à l’Eglise un regard de bienveillance sur la situation de ces couples !

Il y a eu dans ma vie des choses que je n’imaginais pas ou que je ne souhaitais pas. Ce qu’il faut c’est se laisser attirer dedans sa vie à Lui. J’en reviens à Isaïe. A l’époque on ne lisait pas la Bible. Quelqu’un m’en a prêté une et je suis tombé sur cette phrase extraordinaire : « Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles. Même si les femmes oubliaient, moi je ne t’oublierai pas. Vois, je t’ai gravé sur les paumes de mes mains » Isaïe 49,15-16.

Tout le monde est dans la main de Dieu

Voici une histoire qui m’est arrivée avec un « mino » (un jeune encore mineur) qui faisait des conneries à son arrivée en prison. Il réclamait la télé, des cigarettes, râlait. Je me disais : il va se retrouver en quartier disciplinaire. Je lui ai dit « calme-toi. On n’est pas à ton service ici. La télé, tu t’en passeras ; des cigarettes, je vais t’en trouver et aussi de quoi t’occuper. Je vais à la bibliothèque, je prends des bouquins, des trucs qui pourraient intéresser un jeune. Dans le lot, il y avait aussi la Bible. Aucun livre ne l’attirait. Il prend la Bible « c’est quoi ça ? C’est les curés qui lisent ça ! » J’ai répondu « Pique ta crise, j’irai te voir au quartier disciplinaire » Quand je l’ai revu, il se tenait tout droit, assis avec la Bible en mains et m’a dit « et on lit ça depuis plus de 2 000 ans ! » « oui et même encore avant » Il a eu des larmes et m’a dit « je comprends pourquoi on lit ça : Il y a une phrase pour chacun dans ce livre.

 

Conclusion

On m’a souvent demandé « pourquoi avez-vous une alliance au doigt ? » Il y a eu beaucoup de discussions à ce propos. On me répétait « t’es pas marié, t’es pas marié » J’ai demandé « pourquoi ? » « t’es un peu vieux ». J’ai répondu « elle est un peu vieille aussi, et puis, comme dans toutes les familles, on s’engueule de temps en temps. » Le jour de mon ordination j’ai mis cette alliance. Il y a un peu de l’alliance de ma mère dedans. Donner sa vie à Dieu, ça passe par notre histoire et c’est de la gratuité complète.

J’ai aimé une femme à l’école d’infirmiers. Je ne lui étais pas indifférent. Chacun a respecté la liberté de l’autre. Nous avons échangé nos téléphones. Elle s’est mariée et je suis devenu prêtre. Elle a été formidable, elle ne m’a pas accaparé. Quand on vit l’ordination, il y a un moment où l’on est allongé sur le sol, j’ai pleuré à chaudes larmes. J’ai parfois fait des conneries avec mon corps. J’en ai parlé à quelqu’un qui m’a ôté la culpabilité de l’acte. Un jour, j’ai perdu mon alliance dans des buissons. J’ai hurlé de rage et je l’ai cherchée partout. Je l’ai retrouvée sur une feuille !

 

Echange avec le public

 

Pendant un temps il y a eu une remise en cause des prêtres ouvriers. Comment voyez-vous cela ?

Il faut être honnête, on n’est pas objectifs. N’oublions pas que cela a été un mouvement d’Eglise. Ca se voulait une proximité avec le monde et ça n’a pas toujours été compris par Rome. On avait peur de l’engagement des prêtres dans un possible syndicalisme. Souvenez-vous qu’il y avait peu d’ouvriers, alors, qui avaient de l’éducation. Quand il y avait des tracts à rédiger, des pétitions, la correction était souvent réalisée par un prêtre. Ils ont fait tout cela pour garder la proximité avec les ouvriers.

La suppression par l’Eglise des prêtres ouvriers a coupé la façon d’avoir une autre relation à la proximité. Maintenant il n’y a plus (ou si peu) de proximité avec les gens…Les jeunes d’aujourd’hui ne veulent plus devenir prêtres. Moi j’étais éducateur  pas prêtre-ouvrier. Je prenais les règles de l’Etat. Quant aux prêtres ouvriers, on les a trop vite « descendus » sans les connaitre. Moi j’ai choisi mon métier parce que je ne voulais pas être curé dans un presbytère. J’ai connu un type qui avait fait polytechnique. Il a tout lâché et il est devenu prêtre-ouvrier, dans un milieu maghrébin. Je ne voulais pas être comme lui, mais comme lui qui me révélait la proximité. Moi je voulais être un prêtre autre et voulais que l’on soit respectueux de ce choix.

Quel regard portez-vous sur la laïcité à la française ?

C’est la religion laïque. On s’oppose à tout et on refait autre chose. J’ai été à l’origine du « GENEPI » qui a décidé de dispenser des cours dans les prisons et même des cours de niveau supérieur. Je me souviens que dans le cadre de l’aumônerie il y avait un pasteur, un imam, un catho chargés de venir en aide aux détenus. Le musulman était dans la revendication la plus complète. L’aumônier catho devait s’occuper de 1 200 détenus. Il a partagé son salaire en deux pour obtenir la venue d’un autre aumônier. La laïcité « fait force de loi. » L’arrivée des diacres est une réussite. Nous ne voulons pas faire du prosélytisme mais être une présence. Les prêtres ouvriers étaient comme des moines. Ils assuraient une présence gratuite de l’Eglise pour ce monde.

Quelqu’un pose une question à propos du Concile et de l’évolution de l’Eglise.

Le Concile a amené un virage très important. Il a été une ouverture sur le monde. Avant, le monde était considéré comme mauvais. L’Eglise était « crispée » sur elle-même. On ne lisait pas la Bible par exemple. Avec l’arrivée de l’Islam dans notre culture, tout devient plus compliqué.

Comment la foi peut-elle traverser l’évolution du monde ?

Le Concile a secoué la structure de l’Eglise. Avant, la foi faisait partie de la société. Maintenant, il y a l’arrivée d’autres religions

Comment êtes-vous devenu chapelain du Mont saint Michel ?

Je ne pensais pas arriver là. Je pensais aller aux Philippines. Je crois de moins en moins aux « grosses » associations. Les petits groupes permettent de garder des rapports humains. C’est ça l’important. Pensez à la ferveur des jeunes qui vont à Taizé, où ils sont heureux de se retrouver. Maintenant que je suis Chapelain au Mont saint Michel, j’accueille les touristes et les pèlerins. Le Mont saint Michel est un lieu très fréquenté. Il accueille ceux qui sont « mal », et puis je passe beaucoup de temps à prier, et je vais bientôt devenir exorciste.

 

Article publié par Michèle Leclercq • Publié • 5098 visites