Edito : Inconscience, ignorance, intolérance…

Eglise d'Arras n°05

lecture de la Bible, au bord du Jourdain lecture de la Bible, au bord du Jourdain  
Jerusalem Bible pele israel
Jerusalem Bible pele israel
Des mots fleurissent ces dernières semaines, qui tentent d’expliquer ou d’interpréter des actes inqualifiables. Des anthropologues et des paléologues nous ont fait découvrir que le respect des morts et leur ensevelissement remontent très loin dans la préhistoire. Faut-il donc que soit à ce point dénaturé le respect des morts qu’on en vienne à profaner les dernières traces de leur présence sur terre ? Quelle est donc l’éducation reçue et transmise ? N’est pas seulement interrogée une éducation intra-familiale mais aussi une éducation et des valeurs transmises par des peuples, des civilisations, des sociétés. Quand une civilisation en arrive à refuser à l’autre le droit d’exister –ainsi que l’affirment certaines fatwa-, on peut se demander quel type de civilisation en est porteuse.

 

Des manifestants musulmans ont porté des pancartes : “Pas en notre nom”, invitant à ne pas associer Islam et terrorisme. C’est une manière de rappeler que l’Islam d’Allah et de Mahomet n’est pas un Islam de mort ni d’assassinat. Des conférenciers et des chercheurs de différentes confessions, et parmi eux de nombreux croyants musulmans, rappellent ce qu’est le véritable Islam et quelle peut être la fidélité au Dieu unique. La tradition chrétienne aussi a été amenée, au long des siècles, à préciser ce à quoi la foi au Dieu de Jésus-Christ les convoquait. Des décennies de discussions pour ou contre la peine de mort en France, témoignent de la lente évolution des opinions et des consciences.

 

A l’objection “suis-je le gardien de mon frère ?”, prononcée par Caïn, répond la demande de Jésus “lequel s’est fait prochain de l’homme tombé sur la route ?” Au lévite qui demande : “Qui est mon prochain ?”, Jésus le provoque sur la manière de devenir le prochain de l’autre en attente. Lequel s’est fait prochain de celui qui est tombé ? Il y a là un modèle de civilisation, un appel à la responsabilité de l’un envers l’autre, plus précisément envers celui qui se trouve devant moi, que je le veuille ou non.

 

Quand fut écrit le livre de l’Exode fut insérée la phrase : “je suis un immigré en terre étrangère” et cette affirmation fut repris pour conforter les commandements : “Souviens-toi que tu as été étranger sur une terre étrangère”. Trente-cinq siècles plus tard, le philosophe juif Levinas poursuit : L’autre devant moi, qu’est-ce que j’en fais ?

 

Les débats de société ci-dessus évoqués rejoignent l’esprit du christianisme dans sa compréhension de la relation à Dieu et au frère : À qui portes-tu attention, de qui te rends-tu proche ?

 

Dans les visites pastorales que l’évêque accomplit dans un doyenné, il est amené à porter attention à telle ou telle réalité, telle ou telle activité. L’artisanat ou le médical, l’industrie ou le commerce, la catéchèse ou le service du frère, le monde agricole ou le monde de la pêche. L’essentiel n’est pas dans l’attention au ‘nec plus ultra’ de la technique, mais dans les relations qui s’établissent entre les hommes, dans cette portion d’humanité rencontrée. Le visage du Dieu invisible devient visible dans le visage de l’homme soucieux de celui dont il se rend proche. Comment ne pas être sidéré de voir combien le marin à bord de son bateau est “relié” ou, plutôt, épié depuis la terre dans ses activités de pêche ? Le maître mot s’appelle alors ‘rentabilité’… à quoi on ajoute le principe du respect des réserves halieutiques et des règles du commerce international : qu’as-tu fait de ton frère !

 

Nous sommes sans doute plus sensibles à la relation directe et interpersonnelle : le malade ou le voisin que l’on visite, le pauvre que l’on rencontre. Il arrive pourtant que la relation se fasse à distance, au sein d’un monde complexe de rapports indirects et pourtant nécessaires, inévitables, mondialisés. Le temps du carême peut être l’occasion rejoindre le Christ et d’approfondir notre responsabilité à l’égard de l’autre, qu’il soit proche ou lointain.

 

Abbé Emile Hennart