Fiche4 Corinthiens 5-6

Fiche aideà lalecture

Ch.5-6 Débauches ; recours aux tribunaux païens. Liberté.

Zoom : ch 6, 12-20  Tout m’est permis ?

 

Section précédente.

Paul a commencé la lettre en mettant les points sur les i. Il a d’abord rappelé son titre d’apôtre par vocation ; ensuite il a insisté sur sa dépendance première à Dieu et à Jésus-Christ crucifié, mettant en garde contre les appartenances partisanes. Paul invente de belles images pour décrire les chrétiens : construire, planter, temple de Dieu et de l’Esprit. Peut-être avons-nous déjà perçu le caractère incisif du langage de Paul : dois-je venir chez vous avec une verges ou avec un esprit de douceur ?

 

Lecture d’ensemble ch. 5-6

Paul aborde maintenant des questions concernant la vie ordinaire. Plusieurs problèmes que nous appellerons ‘questions d’éthique’ sont apparus chez les Corinthiens. ŒD’une part la communauté tolère en son sein un frère vivant avec la femme de son père ; d’autre part des frères sont en procès devant des tribunaux païens ; Ženfin, d’autres fréquentent des prostituées. Dans ses réponses, Paul invite à méditer, au-delà du cas particulier, ce qu’il en est du rapport à Dieu, du rapport de la communauté avec son Dieu ? Paul ne fait pas d’abord référence à des règles morales, mais il se fonde sur les règles de sainteté de la communauté. Paul en appelle aussi à la valeur du corps (désormais membre du Christ et temple de l’Esprit) et sur sa conception de la liberté : tout m’est permis mais tout ne me convient pas.

 

Œ Inceste : Ce qui choque Paul, c’est que la communauté n’a pas réagi, qu’elle a laissé faire : c’est l’honneur, la perfection de la communauté qui est en cause. Une mesure disciplinaire aurait dû être prise : l’exclusion. La sainteté de la communauté est première, avant la gravité de l’acte individuel. C’est une différence majeure entre notre compréhension aujourd’hui et la compréhension du temps de Paul : tout acte délictueux déconstruit d’abord la communauté. L’appartenance à un groupe était davantage prise en considération hier qu’aujourd’hui. En être exclu était une réelle condamnation. Paul ne répond pas en donnant des recettes personnelles, mais en éclairant la question.

 

Il justifie l’exclusion à partir de quelques citations de l’Ancien Testament, citations accommodantes qui n’ont pas de rapport avec la morale sexuelle. Ces citations montrent que Paul se réfère aux us et coutumes juives. Si on oppose à Paul que cela se fait chez les païens, il répond que ce n’est pas son problème : Dieu lui-même jugera ceux du dehors 5, 12-13. Lui s’intéresse à ceux de l’intérieur, aux membres de la communauté. Sans doute a-t-on fait appel à la liberté pour justifier du silence de la communauté, elle ne s’est pas senti entachée par la faute de l’un de ses membres.

 

Précision sur la notion d’appartenance : la société gréco-romaine est essentiellement composée de groupes humains d’appartenance (confréries, groupes philosophiques, religions ou sectes) qui ont leurs règles. Y contrevenir entraîne une action disciplinaire jusqu’à l’exclusion du groupe, parce qu’on entache le groupe. Les Juifs, comme groupe ethnique et religieux, bénéficiaient d’avantages auprès des Romains et géraient en interne leurs règles. Les communautés chrétiennes se constituent en groupes de rattachement à Jésus-Christ par le baptême. Aux yeux de Paul, la communauté s’est déshonorée en laissant faire. Vivre avec la seconde femme de son père est considéré comme un interdit. Le reproche ne porte pas sur la faute individuelle, mais sur la tache qui rejaillit sur le groupe. Paul dramatise la situation. Et il utilise les règles de la Pâque (le levain à jeter dehors) pour exclure le pécheur et il utilise aussi les règles de pureté et d’exclusion (Deutéronome ch.17).

Retenons sur ce point : ce n’est pas l’individu que Paul juge, mais la communauté qui ne s’est pas purifiée.

 

thessalonique aigle Thessalonique aigle impérial  
L'empereur est considéré comme un dieu, à partir du milieu du premier siècle.
L'empereur est considéré comme un dieu, à partir du milieu du premier siècle.
 Faire appel aux tribunaux païens. Gardons en tête la notion de communauté d’appartenance pour comprendre. Si on appartient à un groupe (ici la catégorie des chrétiens de Corinthe), pourquoi demander à des juges extérieurs au groupe, ici des païens, pour porter jugement sur des questions qui relèvent de l’organisation du groupe ? Aller trouver un tribunal païen est un non-sens aux yeux de Paul. En Matthieu, l’épisode de la correction fraternelle et du pardon fait référence au jugement par l’Eglise comme ‘dernier recours’ (Mt 18, 15-18).

 

Zoom. La liberté du chrétien 6, 12-20

Le paragraphe commence par la reprise d’une expression “Tout m’est permis”, comme si le chrétien qui interpelle Paul s’estime libre de tout, liberté caractéristique de l’idéal philosophique grec… Il est probable que Paul a aussi enseigné la liberté du chrétien “à cause du Christ”, un peu en opposition à l’obéissance à la Loi. Le sermon sur la montagne rapporté par Matthieu fait comprendre que la règle d’amour est tout autre chose que la règle d’obéissance (Mt 5 et 6).

 

Est-ce à dire : je fais ce que je veux au nom de ma liberté de jugement ? Paul est obligé de donner des précisions : si tout est permis, tout ne m’est pas profitable ! Plusieurs fois, il donnera des règles de discernement. Par exemple, il invite le chrétien à rechercher non pas son intérêt, mais l’intérêt du prochain et l’intérêt de la communauté (ce qui édifie, en 1, Co 10, 13 ou encore en 1 Co 14, 1-19, l’édification de la communauté). Paul instruit un peu comme si ma liberté était conditionnée par l’autre, proche de moi, et sa capacité de réfléchir. (Cela sera mis en application sur d’autres points de vie, aux ch. 8-9 et 10, 29).

 

Mais Paul développe encore un autre argument que celui de troubler le faible. Il se fonde sur la conscience qu’il a du Corps. Pour lui, le corps est Temple de Dieu, appelé à être habité par le Christ. Ce corps subsistera au-delà de la mort (ch.15). On ne peut donc pas faire n’importe quoi avec le corps, à la différence des païens qui considèrent le corps comme une simple enveloppe étrangère à l’esprit, enveloppe appelée à la pourriture. Pour Paul, il est impensable de dire en même temps : ‘je m’unis au corps du Christ’ et ‘je m’unis au corps d’une prostituée’. Faire un avec elle et faire un avec le Christ c’est une absurdité, car nous sommes appelés à faire un avec le Christ.

 

Qu’est-ce donc que la vraie liberté, pour Paul ?

C’est de savoir que chacun a été racheté par le Christ, qu’il devient corps du Christ, Temple de l’Esprit, qu’il participe à l’édification du Corps du Christ (cela reviendra aux ch.10, ‘Tout pour Dieu’, puis 11, sur ‘le partage du repas du Seigneur’, puis ch. 12, sur ‘le corps où tout ne fait qu’un.’). Paul défend donc autre chose qu’une règle morale. Il souhaite que l’on fasse tout pour la gloire de Dieu et pour l’édification du Corps du Christ et de la communauté. Tout, y compris dans ce qui est corporel.

La liberté n’est pas un principe philosophique, elle est invitation à mettre la charité au service du frère (voir aussi ch. 13).

 

Pour aller plus loin

 

La liste des dépravations, (6, 9-10) : “débauchés, idolâtres, efféminés, voleurs, ivrognes, etc.”, cette liste n’est pas une invention de Paul, elle fait partie des listes enseignées dans les écoles de philosophie et qu’on reprenait quasi machinalement pour rappeler toutes les perversions dont l’homme est capable. Paul reprend ces listes, par ex 1 Co 5, 10-11 ; Rm 13, 13 ; Gal 5, 19-21.

Paul insiste pour dire que l’œuvre de purification est d’abord l’œuvre de Dieu… Ce serait à redire quand on insiste sur l’œuvre personnelle qui purifie devant Dieu… La miséricorde est à ce niveau ; elle n’est pas le fruit de nos œuvres de réparation. Vous avez été lavés, sous-entendu par Dieu ; vous avez été purifiés, sous-entendu par Dieu ; vous avez été sanctifiés par… v. 11. Cette insistance mérite d’être relevée, sinon on en revient à une religion où la contrition personnelle justifierait. Ce n’est pas l’enseignement de Paul. La miséricorde vient de Dieu.

 

Etre Temple de l’Esprit 6,19 : Paul, Juif, doit ici avoir une toute autre opinion du corps et de la matérialité que les gens du monde grec. Pour eux, le corps n’est qu’une enveloppe charnelle appelée à disparaître. Sous l’influence de la philosophie grecque, le monde occidental a aussi pris l’habitude de séparer le corps et l’âme. Or la philosophie religieuse juive parle tout autrement. Nous sommes ‘tout un’ : souffle du Dieu vivant, vie. Peut-on séparer le souffle de Dieu de ce qui le supporte ? La question n’a pas de sens ! Méfions-nous donc de ces évidences courantes qui ne sont pas d’origine biblique. Cela demande de notre part une petite gymnastique de l’esprit. Pour Paul, nous sommes tout un, nous sommes corps du Christ, temple de l’Esprit…

Nous sommes corps et âme, indissociable : voir revue Croire :  http://www.croire.com/Definitions/Mots-de-la-foi/Mort/Que-deviennent-l-ame-et-l-esprit-apres-la-mort 

 

 

Petit rappel. Remarques sur les techniques de lecture : Porter attention aux acteurs nommés (personnes ou sujets de verbe actif) est un moyen pour détourner notre esprit de ce que nous avons déjà en mémoire, afin d’avoir l’esprit plus libre, plus attentif à des détails du texte. Observer les détails empêche de lire trop vite, parce que cela requiert toute notre attention !

Rappelons-nous les 4 intuitions des maisons d’Evangile : lire l’ensemble ; lire ensemble ; oser prendre la parole ; devenir familier de l’Ecriture.

Nous faisons le choix de commencer par “lire ce qui est écrit”, même si l’on ne comprend pas tout, plutôt que d’inviter à parcourir les nombreux textes explicatifs. Des précisions sont utiles, concernant Paul, son itinéraire, les Thessaloniciens… mais la première source est le texte de Paul. On pourra relire le 2ème voyage de Paul en Actes 16 et 17. Son arrivée à Thessalonique, puis à Athènes, son arrivée à Corinthe (Ac 16,16 à 18, 18). Il existe aussi des biographies : Marie-Françoise Baslez ou Alain Decaux, ou encore des commentaires spécifiques de chaque lettre. Mais rien ne remplace notre confrontation personnelle au texte puis la méditation personnelle.

 

Prier la Parole : Dieu nous a tous appelés A 14-56-1

Nous sommes le corps du Christ,

Chacun de nous est un membre de ce corps.

Chacun reçoit la grâce de l'Esprit

Pour le bien du corps entier.

 

Dieu nous a tous appelés à tenir la même espérance,

Pour former un seul corps baptisé dans l'Esprit.

Dieu nous a tous appelés à la même sainteté,

Pour former un seul corps baptisé dans l'Esprit.

 

Dieu nous a tous appelés des ténèbres à sa lumière,

pour former un seul corps baptisé dans l'Esprit.

Dieu nous a tous appelés à l'amour et au pardon,

pour former un seul corps baptisé dans l'Esprit.

 

Dieu nous a tous appelés à la paix que donne sa grâce,

pour former un seul corps baptisé dans l'Esprit.

Dieu nous a tous appelés sous la croix de Jésus-Christ,

pour former un seul corps baptisé dans l'Esprit.

 

Dieu nous a tous appelés à la gloire de son Royaume,

Pour former un seul corps baptisé dans l'Esprit.

Dieu nous a tous appelés pour les noces de l'Agneau,

Pour former un seul corps baptisé dans l'Esprit.

 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 2158 visites