Inégalités et solidarités.

Edito Eglise 'Arras n° 4

Inégalités et solidarités.

La bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de la miséricorde s’ouvre sur une méditation du visage du Christ : “ A travers sa parole, ses gestes, et toute sa personne Jésus de Nazareth révèle la miséricorde de Dieu. Nous sommes davantage appelés à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir, nous aussi, signe efficace de l’agir du Père”. Tel est le souci du pape François, aux premiers paragraphes de la bulle. L’année jubilaire y est présentée comme un temps favorable pour l’Eglise, afin que le témoignage rendu par les croyants soit plus fort et plus efficace.

 

A la suite du pape et dans le monde entier se sont ouvertes des portes de la miséricorde. Rappeler que cette ouverture coïncide avec le 50ème anniversaire du concile Vatican II est une manière de se relier au projet du bon pape Jean qui voulait une Eglise davantage miséricordieuse, qui ait d’autres paroles que celle des condamnations, discours habituels des générations précédentes. Pour ceux d’entre nous qui ont porté attention au langage du concile, il n’est pas difficile de rappeler la volonté de dialogue souvent exprimée, que ce soit envers nos frères d’autres confessions chrétiennes, envers le judaïsme ou les autres religions.

Le dernier acte du concile fut la Constitution Gaudium et Spes où était justifiée la volonté de dialogue de l’Eglise avec la société. Ce qui était déjà une belle manière de signifier la miséricorde de Dieu par un nouveau rapport au monde qui ne serait pas d’abord condamnation comme le furent les ‘anathema sit’ encore proférés par le pape Pie X, ou Pie IX à la suite des conciles doctrinaux du Moyen-âge. L’image d’une Eglise davantage marâtre que mère est ainsi restée ancrée dans les mémoires. On comprend mieux que l’Eglise et ses premiers responsables aient voulu méditer et recevoir cette miséricorde du Père afin de lui être plus conformes : “Miséricordieux comme le Père”.

 

La liturgie d’entrée en carême avec les lectures du premier dimanche de carême, le 14 février, a été une occasion de redire combien Dieu a été un guide plein d’égards pour conduire son peuple jusqu’au pays ruisselant de lait et de miel, peuple qui avait été esclave en Egypte. Faut-il relire l’ensemble de la lettre de Paul aux Romains, où il justifie son enseignement sur la puissance de la grâce et la justification, où il rappelle que nous avons autre chose à faire que de juger les autres (ch.2).

 

Durant le temps du carême nous sommes invités à produire des œuvres de miséricordes. Les peintres de la Renaissance aimaient représenter les œuvres de miséricorde corporelle à la suite de Matthieu 25 : J’avais faim, j’avais soif, j’étais un étranger j’étais nu, j’étais malade, j’étais en prison... l'Eglise a ajouté, dès le XIIIème siècle, l'ensevelissement des morts. Le dossier de carême du CCFD insiste sur la méditation mais il n’oublie pas ces œuvres de miséricorde “ici et là-bas”. Dans le précédent Eglise d’Arras était rapporté le témoignage de jeunes en lien avec les réfugiés de Calais. D’autres témoignages auraient pu être insérés.

 

Le monde occidental, héritier de la culture chrétienne de service (diaconie) peut continuer aujourd’hui ce que le Christ a fait en son temps… à condition de reconnaître combien aujourd’hui les hommes sont interconnectés et que l’analyse moderne des rapports sociaux et économiques devrait favoriser les dimensions politiques et économiques dans la mise en œuvre de la justice et de la charité. Encore faut-il que les prédicateurs le signalent. Le pape François l’évoque aux n° 20-21 de la bulle : “il n’est pas inutile de rappeler le rapport entre justice et miséricorde. Il ne s’agit pas de deux aspects contradictoires, mais de deux dimensions d’une unique réalité qui se développe progressivement jusqu’à atteindre son sommet dans la plénitude de l’amour”.

 

Puisse ce temps du carême favoriser une Eglise en sortie, qui reçoit et met en œuvre la miséricorde du Père, tel qu’inscrit dans le logo du Jubilé : “Miséricordieux comme le Père”

Abbé Emile Hennart