Les relations avec l'Islam

Edito Eglise d'Arras 8-2016

Relation avec les musulmans

Le dialogue entre chrétiens et musulmans a été et continue à être voulu au sein de l’Eglise catholique, malgré les périodes de tensions et les tentatives de certains groupes extrémistes, de quelque bord qu’ils soient. Le danger est de faire de ce dialogue un principe désincarné qui ne tienne pas compte de l’environnement de ces personnes, de la géopolitique, de la mondialisation, de l’histoire dans sa longue durée. Par exemple, le massacre de Constantinople par les croisés ne fait pas mal à notre conscience occidentale et chrétienne… Ou encore, on a tôt fait de voir dans l’attaque des tours jumelles à New-York une réponse islamiste à l’invasion de l’Irak par les américains. Ou encore, on a oublié depuis bien longtemps les années de braise et le film algérien de 1975.

 

Mosquées, Arras Mosquées, Arras  Aujourd’hui, la seule évocation de la date du 19 mars fait bouillir certains, oubliant les silences des nombreux appelés en Algérie qui, à leur retour en France ont gardé le silence sur ce qu’ils ont vu, fait ou subi. On parle quelquefois des camps de harkis dans le midi, on parle beaucoup moins des camps de marocains ou d’algériens dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Je me souviens d’un paroissien, aujourd’hui décédé, mais naguère employé dans les phosphates au Maroc, à qui il arrivait d’accompagner une virée dans le bled pour en ramener de futurs travailleurs en vue des mines en France. Il m’avait raconté ces excursions/incursions… Tout cela a pu forger des mentalités, créer des nœuds qu’il n’est pas facile de dénouer.

 

Il faudrait évoquer ici ceux qui ont voulu le dialogue, comme Charles de Foucauld dont on fête le centième anniversaire ; Mgr Duval, les moines de Thibirine et combien d’autres. Le dossier signale la nouvelle désignation du Service National des Relations avec les Musulmans ; il rappelle un article de Radio-Vatican sur le dialogue ; il présente aussi la monographie d’un prêtre qui rappelle sa longue proximité avec des maghrébins de notre région : le dialogue suppose de la durée. Il suppose aussi d’être au moins deux. Serons-nous l’un d’eux ?

 

Qui se souvient aujourd’hui des dialogues entre théologiens chrétiens et penseurs de l’Islam sous les yeux du calife de Damas et de sa cour, aux VIIIè-Xè siècles ? Samir Arbach fut un enseignant passionné de ces joutes oratoires qu’il savait conter à ses étudiants de la faculté catholique de Lille. Son beau pays est aujourd’hui couvert de ruines : Palmyre, Babylone, Moussoul. Pourra-t-il refleurir ?

 

Le désir de notre évêque est de voir consolidées la foi et la connaissance des chrétiens. Il n’est donc pas inutile de rappeler ce qui se vit dans les gestes sacramentaux, comme le soulignent les homélies mystagogiques. Au-delà des rites, et de l’aptitude à savoir refaire ces rites, il est important d’en rappeler la signification et la puissance de vie et de relations fraternelles qu’ils ont su inspirer à ceux qui nous ont précédés. Le retour aux sources, aux pères de l’Eglise, tel qu’il a été vécu avant et pendant le concile Vatican II avait été un moyen pour rejoindre la Tradition des pères de l’Eglise, pour s’en inspirer et faire un pas vers une modernité qui désarçonnait les pères conciliaires. Cela ne leur faisait pas froid aux yeux d’oser la rencontre, le dialogue avec les gens du monde d’aujourd’hui, comme le souhaitait Gaudium et Spes.

 

Faut-il donc aujourd’hui quitter les cercles restreints de nos conférences religieuses pour entendre bruire ou gémir cette génération sacrifiée à qui l’on offre une aumône en guise de salaire, pendant que d’autres s’octroient des millions par an, pour bonne conduite de leur entreprise ? Dans la formation proposée aux EAP, suite au synode, il était demandé de “connaître le monde qui nous entoure”. Certains doyennés ont honoré la demande en invitant un intervenant… mais suffit-il d’une rencontre pour connaître le monde qui nous entoure ? C’est chaque jour qu’il faut entretenir la rencontre de l’autre là où il est, afin que notre offrande du dimanche puisse signifier que cette vie est associée au pain et au vin de l’eucharistie.

Abbé Emile Hennart