Témoignage 2004

maisond'arrêt maisond'arrêt  J’entre en prison depuis bientôt un quart de siècle ! En septembre, je quitte à regret l’aumônerie de la maison d’arrêt de Béthune où Monseigneur Derouet m’envoyait comme « aumônier bénévole ». après neuf années comme visiteuse, Je pouvais alors partager ma foi, mon espérance, ma vie chrétienne et la fraternité. Pour les détenus, cette vie fraternelle est un signe… de l’extérieur ils sont rejetés, exclus, et là accueillis en frères.

 

À l’aumônerie, on est frères, frères chantant un Dieu d’Amour, de tendresse, de miséricorde… le premier en Paradis n’est-il pas le bon larron ? Beaucoup aiment chanter et repartent en cellule le chant sur les lèvres et dans le cœur. Arnaud ne chantait-il pas « Peuple de frères » au mitard ? Les chants sont choisis pour leur annonce de l’Évangile dans toute sa dimension. Jésus et Marie sont reconnus, accueillis, priés dans la simplicité et sans respect humain.

 

C’est une joie de préparer la célébration du samedi, de faire lire les textes (même quelquefois avec difficulté), de nous réunir au nom d’un Père qui nous aime, d’accueillir un nouveau amené par son codétenu, même s’il n’est pas chrétien. Combien ont dû passer en prison pour entendre parler de Jésus, du Père ? Et puis ça nous permet de partager notre foi… l’Esprit Saint est là… Il nous devance. Par exemple, je me souviens de Pascal, pas chrétien, venu pour la première fois, invité par Martial, qui lui avait dit : « Ça sera bon pour ton jugement ». Il a été pour tous comme l’âne de Balaam… Je m’explique :

 

L’Évangile du samedi était Matt 10, 7-10 « L’envoi des Apôtres », celui qui allait le lire s’exerçait… Un de l’équipe dit : « C’est bien beau ça ! Guérir les malades, purifier les lépreux c’est possible, il y a des médecins… mais ressusciter les morts, expulser les démons, c’est autre chose ! On ne peut pas ! » et Pascal de se lever et de dire : « Tu n’es pas sur la même longueur d’onde… ». Je l’invite à s’expliquer. « Quand j’ai été arrêté, tu crois que je n’étais pas un mort ? J’ai brisé mon ménage, j’ai blessé mes enfants, j’étais alcoolique… rien de bien. Tu crois que je n’étais pas un mort ? Là j’ai pris conscience… Je veux demander pardon… Ce n’est pas ça chasser les démons ? ». Un silence s’est fait, chacun je pense revoyant sa vie… nous n’avions qu’à conclure par un Notre Père… Il y a bien d’autres éclairs…

 

Cette Mission d’Église m’a beaucoup apporté : on arrive toujours les mains vides, même si la préparation est faite, les chants enregistrés… la priorité est à l’amitié et si un détenu amène un copain, c’est souvent parce que celui-ci a besoin d’être écouté, reconnu, accueilli, qu’il est souffrant de quelque part ; c’est un frère que le Seigneur nous envoie.
Pour moi, l’aumônerie n’a pas été une Église bien organisée, mais une Église aimante, allant au-devant de ses enfants souffrants qui, bien souvent, ne savent pas ce qu’aimer veut dire.

 

Par l’aumônerie, bien des partages ont lieu :
Partage de savoir : aide pour lire un document, aide au courrier, traduction de feuilles de cantine, etc.
petits partages : le sucre, la ricorée…
mais surtout partage de foi, d’amitié, œcuménisme… protestants, orthodoxes, Église d’Asie, coptes et même musulmans.
bien des réconciliations aussi…

 

Mon souci… passer le relais, je crois que l’Esprit Saint a entendu mon cri. J’avais appelé Béatrice, elle partait en vacances et m’a dit qu’elle ferait la démarche dès son retour.
Mon Espérance ?… que l’Église, signe de l’Amour de Dieu, soit toujours témoin de cet Amour dans les prisons : « où la faute a abondé, la grâce surabonde ». Tant d’hommes et de femmes ont dû passer par-là pour entendre parler d’un Dieu Père.
Un évêque disait : « Mon dernier prêtre sera aumônier de prison ».


 

Mme Valérie Montaigne.