Lazare pourra-t-il humecter les lèvres du riche?

26ème dimanche ordinaire

Amos 6, 1-7 ; 1 Timothée 6, 11-16 ; Luc 16, 19-31

 

L’évangile de ce jour est dans la continuité de dimanche dernier. Nous y retrouvons évoquée la question critique du rapport à l’argent. Jésus parle une fois encore en forme de parabole. Il nous campe le personnage de Lazare, miséreux qui s’est installé devant le portail d’un homme riche, accoutumé aux repas somptueux. Tous deux meurent et se retrouvent dans l’au-delà. Certains s’intéresseront à la question de l’au-delà : que se passera-t-il là-bas ? D’autres se demanderont pourquoi les oreilles sur terre restent aussi sourdes aux misères du monde. Question du temps de Jésus, question qui n’a guère évolué.

 

Jean-Paul II puis Benoit XVI ont insisté sur la dimension du repas eucharistique qui ne peut pas s’arrêter une fois prononcé « Ite missa est ». Les professeurs de liturgie parlent du prolongement éthique inhérent à la célébration eucharistique, du témoignage et de l’annonce qui en découlent. Qu’en termes élégants et savants les choses sont dites. Ils expriment dans un langage d’initié ce que les derniers papes ont dit très clairement et qu’on appelle doctrine sociale de l’Eglise.

 

Relisons l’encyclique Mane Nobiscum de Jean-Paul II, n° 27 et 28 : “L'Eucharistie n'est pas seulement une expression de communion dans la vie de l'Église; elle est aussi un projet de solidarité pour l'humanité tout entière. Dans la célébration eucharistique, l'Église renouvelle continuellement sa conscience d'être «signe et instrument» non seulement de l'union intime avec Dieu, mais aussi de l'unité de tout le genre humain. Chaque Messe, même célébrée de manière cachée et dans une région retirée du monde, porte toujours le signe de l'universalité. Le chrétien qui participe à l'Eucharistie apprend par elle à se faire artisan de communion, de paix, de solidarité, dans toutes les circonstances de la vie… . Il y a encore un point sur lequel je voudrais attirer l'attention parce que sur lui se joue d'une manière notable l'authenticité de la participation à l'Eucharistie, célébrée dans la communauté: c'est l'élan qui s'en dégage en vue d'un engagement effectif dans l'édification d'une société plus équitable et plus fraternelle. Dans l'Eucharistie, notre Dieu a manifesté la forme extrême de l'amour, bouleversant tous les critères de pouvoir qui règlent trop souvent les rapports humains, et affirmant de façon radicale le critère du service: «Si quelqu'un veut être le premier de tous, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous”.

 

Nous pouvons tout aussi bien entendre Benoit XVI, qui, sur ce point-là ne trahit ni l’Evangile, ni la tradition patristique : “Dans la perspective de la responsabilité sociale de tous les chrétiens, les Pères synodaux ont rappelé que le sacrifice du Christ est mystère de libération qui nous interpelle et qui nous provoque continuellement. J'adresse donc un appel à tous les fidèles pour qu'ils soient réellement des artisans de paix et de justice: « Celui qui participe à l'Eucharistie doit en effet s'engager à construire la paix dans notre monde marqué par beaucoup de violences et de guerres, et aujourd'hui de façon particulière, par le terrorisme, la corruption économique et l'exploitation sexuelle »”. Peut-être me reprochera-ton d’avoir choisi mes textes… Dans ce cas, reprenons les paroles même d’Amos, dans la première lecture… Ces paroles sont dû inspirer le cantique de la Vierge Marie : “Il abaisse les puissants de leur trône, il élève les humbles…” Pourquoi laisserions nous le Bon Dieu faire seul le travail, nous contentant ne manier l’encensoir et de baisser la tête à l’élévation ?

 

Il ne suffit pas de dire Seigneur, Seigneur ! pour entrer dans le Royaume, encore faut-il faire la volonté de notre Père. EH.