Jeux d'Ecriture

4ème dimanche de l'Avent

 

Isaïe 7, 10-16 ; Lettre aux Romains, 1, 1-7 ;

évangile, Matthieu 1, 18-24

 

A quelques jours de la Nativité de Jésus, la liturgie offre un jeu d’Ecriture. A qui serait tenté par la lecture littérale, immédiate des textes, il vaut la peine de méditer l’histoire des mots utilisés, la lignée à laquelle l’évangéliste Matthieu souhaite rattacher sa compréhension de l’évènement ‘Jésus’.

 

A Achaz de Jérusalem, roi sans héritier, le prophète Isaïe annonce, une prochaine naissance : un fils, une postérité. Déjà, à l’époque d’Isaïe il fallait comprendre le jeu d’annonce et d’Ecriture, où l’épouse qui donne une postérité est une manière d’annoncer une postérité à un peuple qui se croyait abandonné, délaissé, sans avenir. « Ton avenir est plein d’espérance » crie Jérémie. A cette époque-là on ne parlait pas d’un avenir dans l’au-delà, mais dans le futur proche et dans la Terre jadis promise à Abraham et à sa descendance : une terre, un pays, un peuple. Les prédicateurs chrétiens ont trop souvent renvoyé dans l’éternité le concret du salut de Dieu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les prisonniers sont libérés, non pas dans l’éternité, mais dans l’aujourd’hui, affirme Jésus (dimanche dernier), c’est-à-dire : Dieu se soucie de son peuple, Dieu visite son peuple.

 

Le jeu d’Ecriture, de la part de Matthieu se confirme quand on compare les uns avec les autres les récits d’annonce : à Joseph, à Marie, aux bergers, à Zacharie : un ange apparaît, une première parole “ne crains pas” suivie d’une promesse et d’une mise en œuvre : "Joseph prit chez lui Marie". C’est ainsi que Matthieu fait comprendre que Jésus est l’héritier de David, qu’il est venu rassembler ce qui était dispersé, comme le roi-berger rassemble son troupeau.

 

Le jeu d’Ecriture continuera dans l’ensemble de l’Evangile de Matthieu, tout comme il existe aussi dans les autres écrits du Nouveau Testament. Pour les premiers chrétiens en effet, il fallait reconnaitre que ce Jésus, condamné et crucifié, cette voix que les grands avaient fait taire, c’était lui qui portait l’espérance d’Israël, c’était en lui que se réalisait l’union de Dieu avec son peuple. Toute l’œuvre de Matthieu est écrite « textes d'Ecriture à l’appui », pour faire comprendre que Jésus est bien dans la lignée des paroles des prophètes, que Jésus est l’accomplissement de ce qui a été annoncé et que l’on n’avait pas voulu voir. Non pas un Messie puissant, foudre de guerre et d’autorité, mais un messie proche des petits et des humbles de la terre. Ceux-là l’ont reconnu dans son humanité, un messie qui s’est fait serviteur afin de redonner espérance à ceux qui n’en avaient plus, d’hier à aujourd’hui.

 

Lorsque Matthieu écrit, il y a bien longtemps que ces évènements sont passés. C’est alors que son Ecriture propose sens à cette vie : cet enfant, ce jeune homme devenu adulte, celui que nous avons fréquenté sur les routes de Galilée et de Judée… moi, Matthieu, publicain rencontré et appelé par Lui, j’atteste qu’il est fruit de l’Esprit-Saint, que son œuvre humaine est une œuvre divine, en lui se révèle Dieu-avec-nous.

 

En Jésus se réalise la dimension royale, de rassembler et conduire le Peuple de Dieu. Ainsi faut-il comprendre la lignée de Jésus, fils de Joseph, de la descendance de David. Dieu avec nous, "Emmanuel" devient Dieu sauve "Yoshua".

 

Toute cette histoire, ce jeu d’Ecriture n’a de sens que si aujourd’hui nous aussi, nous reconnaissons en Jésus Dieu incarné, non pour nous désincarner, mais pour transfigurer nos vies, faire de chacune de nos vies une lumière, petite ou grande, à la louange de Dieu Père et pour le salut du monde. La gloire de Dieu c’est que l’homme vive et qu’il reconnaisse celui qui est à l’origine. E.H.