Savoirs, de la transmission à l’apprenan

Transmission des savoirs, apprentissages, formations initiales et continues, accélération des connaissances et de leurs remises en cause, ce sont autant d’expressions qui témoignent des besoins de formations tout autant que du désarroi des détenteurs de savoirs devant leurs transmissions inopérantes.

La journée enjeux et questions du 7 février dernier à Condette était une invitation aux animateurs et formateurs à se mettre en état d’apprentissage, devenant observateurs de l’apprenance. Mot ignoré de nos dictionnaires ! Pourtant nous devinons que ce mot a quelque chose à voir avec l’apprentissage, qu’il exprime quelque chose sur notre rapport au savoir et aux manières d’apprendre.

 

Eduquer et/ou favoriser l’apprentissage

Petits ou grands clercs, ou simples laïcs, les religieux que nous sommes ont été formés aux méthodes d’enseignement où un clerc, quelqu’un qui sait, transmet ses connaissances à un autre pour qu’à son tour il devienne instruit. Sans doute cette présentation est-elle caricaturale d’une manière de faire où l’un donne et l’autre reçoit.

Certains ont entendu parler de la maïeutique, cette forme d’apprentissage par laquelle Socrate se flattait de faire accoucher les pensées par un art de poser les questions. Au-dela des sourires convenus, force est de reconnaitre que nous retenons beaucoup mieux ce que nous avons découvert par nous-mêmes, plus que ce que nous avons reçu du savoir de l’autre. C’est en forgeant que l’on devient forgeron, affirme le diction ! Faut-il opposer transmission et acquisition ou expérimentation ?

 

L’apprenance

Au cours de cette journée, les participants ont été amenés non plus à rechercher les meilleures techniques pour transmettre, mais à se mettre du côté de celui qui apprend : l’individu en état d’éducation, lui qui est le premier acteur de la démarche éducative. Comment cela se passe-t-il pour lui ? Chacun fut alors amené à relire sa propre expérience dans le dédale des connaissances acquises et de leurs acquisitions : Comment ai-je appris ce que je sais ? (la réponse n’est pas unique)
 
Comme illustration de la démarche, la proposition d’ateliers lors de formations. Ils ne devraient pas être de simples lieux d’assimilation, mais des lieux où l’esprit mis en demeure est de découvrir des réponses qui lui resteront davantage acquises. Ces nouvelles connaissances resteront gravées dans les esprits et les cœurs plus que si quelqu’un avait donné, du haut de la chaire de son savoir, la réponse à une question qu’il ne s’était pas encore posée. C’est le cas quand l’atelier est proposé comme premier temps de la pédagogie, le chargé de formation venant alors rassembler et compléter ce qui a pu être découvert.
L’apprenance est une aptitude qui se développe tout au long de la vie. Il importe donc de créer chez les individus les conditions d’une ouverture d’esprit leur donnant les moyens de se mettre en position d’apprendre tout au long de la vie. La « tête bien pleine » n’est plus le modèle de référence. Apprendre, n’est-ce pas un processus d’acquisition ou de modification durable de connaissances, que nous résumons par acquisition de savoir, de savoir-faire et de savoir-être. En d’autres termes, on passe de la transmission à la construction de la personne ; de l’instruction à l’appropriation de savoirs.

Cette démarche n’est pas à prendre comme le dernier cri des méthodes éducatives, c’est une parmi d’autre qui invite l’éducateur à impliquer davantage l’auditoire dans l’acquisition de savoirs, de savoir-faire, de savoir-être. Le résultat se manifeste par la mémorisation et/ou la compréhension et/ou l’action.

 

Et en catéchèse quoi de neuf ?

L’intervenante ne s’est pas située dans le domaine du religieux, mais chacun a pu appliquer sa présentation à l’expérience catéchétique et catéchuménale : comment les évolutions actuelles prennent en compte de nouvelles approches de l’apprenance ? Les évêques parlent par exemple de proposer la foi, ce qui déplace la notion d’enseignement vers celle de proposition. En même temps, ils invitent à vivre et partager en Eglise l’expérience croyante. L’orientation de la catéchèse appelle à se situer en état de nourrir et de mûrir sa foi tout au long de la vie. Le document précise aussi que la responsabilité catéchétique est partagée par l’ensemble du peuple de Dieu au titre de la mission reçue au baptême, mais pas n’importe comment.
« La vocation missionnaire appelle le choix d’une pédagogie d’initiation : « nous appelons pédagogie d’initiation toute démarche qui travaille à rendre effectif chez une personne l’accueil de Dieu qui attire à lui (Orientation de la catéchèse, 1.3) » Question : « peut-on “proposer la foi” sans redécouvrir soi-même le Christ et son Evangile comme une nouveauté plutôt que comme un savoir ? » Tel semble être un défi actuel posé à l’ensemble des chrétiens au moment où l’on propose que la catéchèse devienne un acte ecclésial, c’est-à-dire vécu en Eglise et qui permette de faire l’expérience d’une vie en Eglise *.
 
Lors de la création des AFA (Année diocésaine de formation à l’animation), la pédagogie envisagée devait mettre en rapport l’expérience pratique des animateurs avec une recherche de l’intelligence de la foi, mettre en rapport les rencontres vécues en paroisse avec la Tradition vivante de l’Eglise. L’évolution des parcours au Cipac allait dans le même sens, avec une volonté de mise en œuvre, de modules d’activités pédagogiques et pratiques. Au moment où les pédagogies de la société valorisent un nouveau rapport aux savoirs, il serait regrettable que dans l’Eglise, on en revienne aux pratiques d’un autre temps.

*Pour plus d’information, il faudrait relire le texte d’orientation de la catéchèse en France, ou  Tabga hors série n° 3 qui reprend Ecclésia 2007, et divers articles publiés dans Eglise d’Arras. Plusieurs propositions ont été validées au niveau des diocèses de Lille, Arras et Cambrai, qui insistent sur l’expérience ecclésiale croyante dans la démarche catéchétique auprès des enfants et petits enfants : graine de parole, dimanche parole en fête, petite enfance. Il semblerait que de plus en plus de responsables voient l’intérêt de ces démarches et les mettent en œuvre.