Passons sur l'autre rive

12ème dimanche ordinaire

Job 38, 1-11 ; 2 Corinthiens, 5, 14-17 ; Marc 4, 35-41

 
Le court épisode appelé ‘la tempête apaisée’ ne peut être isolé du contexte dans lequel Marc l’a situé. En effet, à la fin de ch.3, il y a plusieurs discussions violentes contre Jésus. D’une part, les gens de sa parenté viennent le récupérer, car, disent-ils, Jésus a perdu la tête ; d’autre part les scribes accusent Jésus d’être lui-même possédé par le démon, et de faire des miracles avec la puissance du chef des démons ; enfin sa proche famille refuse d’entrer dans la maison où Jésus enseigne et elle demande qu’il sorte parce qu’ils ont deux mots à lui dire. Sur ce, Jésus précise qui est sa vraie parenté : « ma mère, mes frères, mes sœurs, c’est quiconque fait la volonté de Dieu ! » On est donc dans une situation de conflit et, au ch 4, parler de barque sur la mer démontée, c’est employer une comparaison qui confirme cette situation de conflit.
 
Suite aux discussions avec ses opposants, Jésus avait prononcé plusieurs paraboles qui viennent signifier l’espérance qu’il faut avoir concernant l’annonce et les fruits de l’annonce de la Parole. Ce sont les paraboles de la semence : le Père sème en abondance, même dans les terrains peu propices, et pourtant il y aura 30, 60, 100 pour un grain semé. L’espérance est encore entretenue avec la parabole de cette toute petite graine qui deviendra arbrisseau et sous lequel viendront nicher quantité d’oiseaux : celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende.
 
Cela n'exprime-t-il pas la confiance en l’avenir du Royaume, en l’avenir de ce qui a été semé? Les premiers chrétiens à qui Marc s’adressait viennent de vivre la persécution. Pierre et Paul ont été exécutés à Rome, et nombre de chrétiens sont exécutés dans le cirque des gladiateurs. On comprend aisément qu’ils doutent que leur petite Eglise de Rome ait un avenir. Les cris des apôtres noyés sous les vagues et la tempête : « Maitre nous sommes perdus ! » n’est-ce pas ces mêmes cris qui devaient lancés les premiers chrétiens : la barque de Pierre risque de couler sous l’effet de la tempête… hier, mais aujourd’hui encore ! Il appartient au Seigneur Jésus de mettre un terme au tumulte, et il appartient aux disciples de répondre à la question : "Pourquoi avoir peur, Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ?"
 
Les disciples, les premiers chrétiens ont été éprouvés par la tempête, c’est-à-dire l’hostilité agressive contre Jésus et les siens. D’autres tempêtes ont secoué l’Eglise depuis 2.000 ans, les gens de mer comprennent bien le sens de l’image. Pour les hommes de terre, on pourrait parler de tirer à hue et à dia, devant et à gauche, au point d’être écartelés, alors qu’il faut aller de l’avant et non retourner dans le sein de sa mère, comme le pensait Nicodème mais aussi les néo-conservateurs de siècles plus récents. L’eau ne peut remonter vers la source, elle doit continuer à descendre et à irriguer les nouvelles terres qu’elles traversent !
 
Pour conclure, revenons aux premiers mots de l’évangile de ce jour : passons sur l’autre rive ! L’image mérite encore d’être décryptée : quittons nos lieux de certitudes, nos bases arrière, allons sur l’autre rive. N’est-ce pas aller à la rencontre de l’autre, différent, de l’étranger, qu’il soit de Tibériade ou de Gérasa, mais aussi qu’il soit homme de la modernité ou étranger à notre culture, car c’est vers eux, sur une autre rive que la notre que chacun est appelé à aller. Ne nous laissons pas noyer par les prophètes du passé, allons sur l’autre rive, nous y rencontrerons des femmes et des hommes heureux de découvrir que le Dieu de Jésus-Christ s’est rendu proche d’eux. EH.