Le Corps du Christ pour la Vie du monde

19ème dimanche ordinaire

1 Rois, 19, 4-8 ; Ephésiens 4,30 à 5,2 ; Jean 6, 41-51


Nous sommes toujours dans l’Evangile de Jean, chapitre 6, dans le discours composé à la suite de la multiplication des pains. Discours qui peut nous sembler étrange… Cette lecture d’aujourd’hui commence avec une remarque déjà présente dans les autres évangiles : Jésus n’est-il pas le fils de Joseph et Marie… alors, comment peut-il prétendre être fils de Dieu !

 

A partir de cette réflexion, Jean répond aussi à une objection de certains chrétiens de son époque qui nient que Jésus puisse être tout à la fois fils d’homme et fils de Dieu, c’est-à-dire, en fait, qu’ils refusent l’incarnation, que Dieu se soit réellement fait homme, comme le dit st Paul "jusqu’à la mort et la mort sur une croix" (Philippiens 12, 6-9). Ce refus de l'incarnation entrainait comme conséquence que la vie chrétienne était à situer dans le monde des idées, et non dans le concret de l’existence, dans les actes de charité posés, envers les pauvres et les opprimés en particulier (relire l’homélie de Jésus à Nazareth, Luc ch. 6).


Jean insiste sur le fait que Jésus soit vraiment envoyé de Dieu et Dieu lui-même, tout comme il l’a déjà écrit au premier chapitre. « Le Verbe était avec Dieu et il était Dieu. Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reconnu. A ceux qui le reconnaissent il donne le pouvoir de devenir Fils de Dieu. »


Ce débat fut source de conflits et d’hérésies dès le premier siècle. Il nous concerne aujourd’hui encore. Tout d’abord, est-ce vraiment la Parole de Jésus qui nous mettons au-dessus de tout ? Parfois ne préférons-nous pas la parole de (sur) tel saint ou de (sur) la Vierge Marie plutôt que de lire ce qui est écrit dans les évangiles ? Le vrai pain descendu du ciel, celui qui donne la nourriture humaine et spirituelle, c’est Lui, Jésus, envoyé du Père.


La semaine prochaine l’affirmation de manger son corps et boire son sang sera source de quiproquo : serions-nous des anthropophages ? Alors que l’expression hébraïque signifie "moi tout entier", comme on dit "boire les paroles de quelqu’un" et en même temps, qu' il y aurait "à prendre et à laisser" ! Non, pour saint Jean il faut tout prendre de Jésus et pas seulement ce qui m’intéresse. Cela interroge aussi notre foi et notre vie chrétienne aujourd’hui. N’y aurait-il pas une certaine tendance en en prendre et à en laisser, en particulier en ce qui concerne la charité? Le jeudi saint, au lieu de raconter une fois de plus l’institution de l’eucharistie, Jean préfère raconter le geste de Jésus-serviteur qui lave les pieds des invités, avec la consigne de faire de même, à la suite de Jésus.


Reconnaissons que Jean est parfois difficile à comprendre, mais il ne nous est pas interdit d’imaginer Jean en discussion avec les chrétiens contestataires ou puristes de son temps, dont certains fonderont une église parallèle. Imaginons cette tension de Jean pour faire comprendre que Jésus est vraiment envoyé par Dieu et qu’on ne peut pas le suivre seulement du bout des lèvres ou de manière purement intellectuelle. Rencontrer Jésus, devenir membre de son Corps, c’est tout autre chose que de débattre en doctes assemblées. Devenir son Corps c’est entrer avec lui dans une solidarité universelle. Cf. Jean-Paul II (lettres sur l’eucharistie) et Benoit XVI, (Le sacrement de la Charité).