FAQ-1-Evangile de Luc

Lecture en maison d’Evangile, Questions et réponses au fil de l’année. Section 1 : Luc 1,1 à 4,13

 

Présentation du projet des maisons d'Evangile


Sur ls pas de Jésus en Terre sainte Méditation au bord du lac de Capharnaüm  
Sur ls pas de Jésus en Terre sainte
Sur ls pas de Jésus en Terre sainte
Une invitée, étonnée de ces rencontres s'exprime: « Eh ben, si on m'avait dit que j'allais refaire du caté au bout de 30ans !! C’est super de partager l'Evangile avec des mots que l'on comprend qui nous touchent, je suis contente ! J'en apprends des choses !! Ça me change la vie. Ma fille n'a pas mis sa fille de 8 ans au caté ; elle pense que ça n'existe plus ou que c'est comme avant. Je vais lui dire ». 

 

La lecture d’un Evangile en continu proposée dans le diocèse d’Arras sous le nom de maison d’évangile a suscité un grand intérêt (plus d’un millier de maisons pour lire Marc. L’intérêt ne se dément pas avec Luc, même si la longueur du texte peut pousser au découragement. Chaque maison a eu ses propres questions à partir du texte. Cette FAQ (Foire aux Questions) rassemble questions et réponses, par section. Le style personnel du langage a été gardé. Ce document n’est pas un cours, mais la réponse à tel et tel groupe qui, après avoir lu, a souhaité un éclaircissement sur la question qu’il s’est posée. Plus d’une question mériterait développement. Dans certain cas, cela se fera par lien hypertexte pour compléter les premiers éléments donnés. Avant de lire ces réponses, il serait utile de lire le texte même de Luc, ainsi que les fiches accompagnant la lecture.


Quels principes ont guidé la mise en route des maisons d’Evangile ?
Quel est le mode d’emploi pour lire chacune des sections de Luc ?
Fiche d’accompagnement pour la section 1

 

Luc n'a pas connu Jésus: où a-t-il pris ses sources ? N'a-t-il pas un peu imaginé ?


Entre la mort de Jésus une veille de sabbat vers l’an30, et l’écriture des Evangiles, il s’est passé bien du temps, bien des évènements. Luc n’a pas connu Jésus, ni même sans doute la Palestine. Il rédige comme le rédigeaient les écrivains-historiens d’alors, sur documents rassemblés (voir Luc 1, 1-4) mais aussi en reconstituant parfois des discours, d’après ce qui lui semblait plausible. Il ne faut pas ignorer la transmission de type enseignements et témoignages que les disciples et premiers chrétiens ont pu donner dans leurs communautés. Or nous, nous avons tendance à lire les discours et récits comme si c’était réellement une copie conforme de l’original d’après un dictaphone…

 

Matheutés, enseignant Bronze, Musée de Massadae  
Matheutés, enseignant
Matheutés, enseignant
Les historiens d’alors ne procédaient pas comme les historiens d’aujourd’hui. Il leur arrivait de reconstituer leur personnage en fonction de ce qui leur semblait juste. Luc le signale dans son introduction. Si ce qu’il avait écrit « n’était pas bon », les chrétiens n’auraient pas retenu et recopié ces écrits. Tout comme Marc ou Matthieu, Luc s’est documenté ; il était entouré par une communauté de croyants. Pour Marc, on sait qu’il a suivi Pierre et Paul… Pour Luc, qui est un lettré, païen d’origine, converti au judaïsme, puis devenu chrétien par fréquentations des communautés de la diaspora (sans doute autour d’Antioche), il a d’abord reçu les témoignages des chrétiens qui l’ont mené au baptême. Luc écrit aussi en fonction de son auditoire, des gens aisés, d’Asie Mineure (Aux environ d’Antioche et de Damas. Luc ne connait pas toutes les traditions juives, ni même la géographie précise du pays. Faut-il le lui reprocher ?


Sur les traditions, par exemple, si l’on compare Luc 6 20-49 avec Matthieu 5 à 7 on mesure la différence : Luc n’écrit pas de « on vous a dit, moi je vous dis… » puisque ses destinataire, d’origine païenne pour beaucoup, n’ont pas été à l’école de la synagogue. Faut-il accuser Luc de déformation ?


Entre la mort de Jésus et la mise par écrit, il y a eu tout le temps de la catéchèse, de l’enseignement… ceux que Luc appelle témoins oculaires et serviteurs de la Parole. Les traditions que Luc a reçu n’étaient pas des coupures de journaux. Pour plus de détails voir le document que j’ai mis dans le site, suite à une conférence à Bucquoy « évangiles et apocryphes » : paragraphe “entre 30 et 70”.

 

Que sait-on de Luc ?

 

  De Luc on ne sait pas grand choses. Différentes hypothèses au cours des siècles ont été émises. Aujourd’hui, on retient pour sûr qu’il est d’origine païenne, d’Asie Mineure (Syrie) qu’il s’est converti au judaïsme en devenant prosélyte dans les communautés de la diaspora. C’est dans ces communautés juives qu’il entendra des prédications sur Jésus. Peut-être a-t-il connu Paul ?
Il connait la Bible par la traduction de la Septante (en grec). Son expérience de croyant en Jésus, il veut la faire partager auprès des gens d’origine païenne, au monde gréco-romain. Ecrivain de culture gréco-romaine, il rédige selon les règles d’alors. Pour lui, le temps de Jésus constitue le temps de la réalisation des Promesses faites à Abraham et à sa descendance. Il participe au courant chrétien qui souhaite l’ouverture de l’Evangile aux païens. La rédaction de son Evangile se situe dans les années 80-85.


Sa manière de présenter la rencontre de Jésus avec le centurion, ou de Paul avec le proconsul de Chypre donne l’impression qu’il sollicite l’attention de ses lecteurs romains afin qu’ils découvrent l’appel à entre en relation ave le Jésus de l’Evangile. Voyez les relations de Jésus ou de Paul avec le peuple romain ! « Pourquoi pas vous, qui me lisez maintenant ? » semble dire Luc qui termine son œuvre "Evangile et Actes" sur ces mots: « C'est aux païens qu'a été envoyé ce salut de Dieu. Eux du moins, ils écouteront. » (Ac 28,28)

 

Pourquoi ces récits de type merveilleux sur l’enfance de Jean et de Jésus ?


Les récits d’enfance merveilleuse sur Jean ou Jésus ne sont pas des cas isolés dans la littérature biblique et universelle. Il suffit de penser à Moïse ou Samuel. En Mésopotamie, il en est de même pour Sargon, roi de Mésopotamie (2400 av J-C), ou encore des empereurs romains. On remarquera que Lc écrit une biographoe en duo. peu-têtre est-olinspiré par la techique de Plutarque?  L'écrivain et moraliste latin Plutarque (50-125 ap J-C), originaire de Grèce, a entrepris dans son livre "Vies parallèles" de faire les biographies de 44 personnages groupés deux par deux. Il raconte ainsi les vies de Thésée et de Romulus, d'Alexandre eet de César, de Démosthène et de Cicéron. .


Les auteurs de récits d'enfance ne veulent pas uniquement dire ce qui s’est passé dans l’enfance de leur personnage, ils veulent tracer pour leurs lecteurs un portrait significatif de ce que sera cet enfant.
Par exemple : Joseph et Marie ne comprirent pas les paroles de Jésus est à lire en référence avec “qui sont mes parents, mère frère sœurs” Jésus dans le Temple entouré des spécialistes de la Loi renvoie à Jésus dans Jérusalem, au ch. 20, où il répond point par points aux questions « embarrassantes » des scribes, pharisiens et sadducéens (Luc ch. 20 et 21). Dans les récits bibliques, il faut aussi décrypter le contenu des messages et cantiques où s’expriment la mission de Jean et de Jésus, et le projet de Dieu pour l’humanité. Une lecture trop historicisante risque de voiler la dimension de première annonce contenue dans ces récits.

 

 

Quel est l’ordre des évangiles.


Nous avons l’habitude de présenter les 4 dans l’ordre Matthieu, Marc, Luc et Jean. Mais le premier à avoir inventé le « genre Evangile », c’est Marc, sollicité par les communautés chrétiennes de Rome, voyant la disparition de Paul, de Pierre par le martyre, ainsi que des principaux témoins. Ensuite ce fut Luc puis Matthieu et Jean bien plus tard. De nombreuses ressemblances entre Matthieu, Marc et Luc laissent entendre qu’ils avaient accès à une (des) sources communes. Mais chacun a apporté son originalité en fonction des destinataires à qui il s’adressait.

 

Pourquoi quatre évangiles ?


Très tôt (canon de Muratori vers 150) on trouve dans l’ordre actuel les 4 évangiles Matthieu, Marc Luc et Jean. Ensuite Actes etc. L’ordre donné ne correspond pas à leur date d’écriture. L'ordre a probablement un motif purement matériel : le souci des copistes était de mettre des textes les uns à la suite des autres, en commençant leur parchemin par le texte le plus gros, ensuite selon la place, d’où Matthieu le plus long puis Marc, beaucoup plus court.

L’œuvre de Luc (Evangile + Actes) a été très tôt coupée en deux, pour mettre les 4 récits sur Jésus ensemble et ensuite les récits sur les premiers chrétiens, ce qui donne l’ordre actuel dans nos Bibles.

 

Pour l’ordre chronologique, il est acquis aujourd’hui : Marc, un peu avant 70 ; Luc vers 80-85 ; Matthieu vers 85 et enfin Jean, vers 90-95. Ces 4 évangiles ont été retenus parmi d'autres textes (apocryphes) parce qu’ils sont utiles pour grandir dans la foi. Avoir foi en Christ c’est se laisser réconcilier avec le Père dans l’Esprit. Jésus ne vient pas prêcher ni sur Lui, ni sur sa mère. Il vient signifier et apporter le don de grâce (de réconciliation) de Dieu son Père pour nous. L’annonce bonne et urgente est que Dieu nous aime « aujourd’hui » et tels que nous sommes. Parfois les chrétiens ne sont-ils pas distraits par bien des discussions qui n’ont rien à voir avec cette annonce et sa mise en œuvre. Autrefois, on parlait de "discuter du sexe des anges", allusion aux pieux bavardages de certains conciles du premier millénaire !

 
Les évangiles sont été écrits pour nous mener vers le Père et vivre dans la foi. St Jean le dit fort bien : « Jésus a fait sous les yeux de ses disciples encore beaucoup d'autres signes, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Ceux-là ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu'en croyant vous ayez la vie en son nom ». Jn 20, 30-31. Bien sûr on aimerait en savoir beaucoup plus… C’est la curiosité qui a entrainé à écrire bien des choses qui ne son tpas utiles, et qui, parfois sont fausses. Or l’essentiel c’est bien de devenir enfants de Dieu, et cela vous l’avez redit en fin de compte rendu !

Etude complémentaire, sur les évangiles canoniques et les apocryphes

 

Luc parle de “Serviteurs de la Parole”. Y a-t-il des gens qui ont refusé la mission

 

Ils sont nombreux à s’être “défilés” devant l’appel/vocation, à commencer par Moïse qui refuse en un premier temps la mission au prétexte qu’il ne sait pas parler. C’est aussi Isaïe dont l’ange purifiera les lèvres.

Le livre de Jonas sous forme de conte religieux évoque ce refus d’annoncer Dieu aux païens. En effet, la mission d’un prophète, au second siècle avant Jésus, était comprise comme mission de parler au nom de Dieu au peuple d’Israël, pas aux autres. Or, la demande faite à Jonas, est de prêcher aux païens de Ninive, ce qu’il refuse : fuite ou opposition au projet de Dieu ? Bien malgré oui, Jonas se retrouve prêchant aux païens dans Ninive. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. A la vue des nombreuses conversions Jonas, au lieu de se réjouir, entre en colère conte ce Dieu qui accorde le pardon à des païens. Cela explique les derniers dialogues du livre, où Jonas se plaint que le figuier, piqué par une bestiole et desséché, ne lui donne plus d’ombre. Et Dieu lui rétorque : “tu te fais autant de souci pour cet arbre qui ne t’a rien couté, et moi je ne devrais pas me faire de soucis pour cette ville de 120.000 habitants qui ne savaient pas distinguer le bien du mal ?” Luc reprendra en ce sens le signe de Jonas (Luc 11, 29-32).

 

Maquette à Jérusalem. Le Temple, parvis des païens, parvis des juifs, ,(non visible: le saint des saints). Temple de Jérusalem  
Maquette à Jérusalem. Le Temple, parvis des païens, parvis des juifs, ,(non visible: le saint des saints).
Maquette à Jérusalem. Le Temple, parvis des païens, parvis des juifs, ,(non visible: le saint des saints).
On connait les difficultés d’ouverture d’esprit des contemporains de Jésus, cf. la syro-phénicienne chez Marc, les juifs dans la synagogue de Nazareth en Luc 4, 23-29. Luc insiste souvent sur la foi des païens. Dans le livre des Actes, on découvre plusieurs fois l’hostilité à l’encontre de Paul de la part de juifs et même de chrétiens à cause de son ouverture aux païens au point que la dernière phrase Ac 28,28 sera : « les païens, eux du moins, ils écouteront » ! Le message du petit » prophète Jonas a eu mal à passer au temps de Jésus. Lorsqu’aujourd’hui on assiste dans l’Eglise à un repli identitaire, un abandon quasi généralisé de la Parole auprès de ceux qui ne viennent pas dans nos lieux à nous, on peut se demander si, comme Jonas hier, les chargés de la mission de l’Eglise aujourd’hui ne se refusent pas à sortir des murs catholiques.
On peut aussi signaler cet homme qui vent trouver Jésus pour avoir la vie éternelle, et repart suite à la réponse de Jésus…

 

Qui est Théophile ?


Cela fait partie des habitudes littéraires de dédicacer le livre qu'on écrit. Théophile est-il un destinataire fictif ou réel? La tradition ne nous donne pas les moyens de trancher. 

Soit c’est un personnage historique, à qui Luc dédie son livre, soit c’est un “nom donné” globalement à tout lecteur considéré par Luc comme quelqu’un qui cherche Dieu, un ami de Dieu. Peut-être est-ce à chacun et chacune de nous que Luc dédicace son œuvre ? Ne sommes-nous pas tous des Théophile ? Luc, homme très cultivé d’Asie mineure, païen, converti au judaïsme puis au christianisme écrit à l’intention de gens comme lui, gens cultivés, désireux de Dieu et aimés de Dieu. Il souhaite leur faire découvrir et approfondir le message du Jésus grâce à son Evangile. Tous les lecteurs en maisn d'Evangile ne sont-ils pas des amis de Dieu, des Théophile?

 

Que signifie vraiment : craindre Dieu.


Dans le Magnificat, Marie dit :"...sur ceux qui le craignent" La crainte ou la peur ?. Dans nos manières de penser nous associons les mots peur et crainte comme deux mots synonymes. Cette confusion a été amplifiée par un certain modèle d’enseignement dans l’Eglise des siècles précédents, qui utilisait la peur comme méthode éducative

 

[Jean Delumeau a publié une grande étude « Le péché et la peur », Fayard 1983, 744 p., où il développe la culpabilisation en Occident du XIII au XVIIIème siècle]. On pourrait traduire plus justement : “sur ceux qui ont du respect envers Lui” Le sentiment de peur a suscité des représentations imagées de petits diables fourchus qui précipiteraient vers l’enfer les âmes damnées. Même le Dies irae des funérailles suscite ce sentiment de peur pour le jour de colère de Dieu, le Jour du Jugement. Or ce n’est pas ce que Luc transmet tout au long de son Evangile, nous aurons plusieurs fois l’occasion de le découvrir dans la lecture continue.]


On pourrait traduire l’original “sur ceux qui le craignent“ par : “sur ceux qui ont du respect envers Lui”. Pour mieux se faire comprendre, le messager précise de suite, à marie, comme à Zacharie où aux bergers : ‘ne crains pas’. La crainte de Dieu est l’expression du sentiment de se trouver devant quelque chose de tout autre que d’habitude, de quelque chose (quelqu’un) qui nous dépasse, sentiment de se trouver « en présence de Dieu », et donc sentiment de révérence (plutôt que de peur). En entendant “Ne crains pas”, l’homme convertit sa crainte en adoration, en confiance filiale qui bannit toute peur. Zacharie, Marie ou Joseph, les anges, les apôtres se voient invités à la confiance et non à la crainte. Ils continueront leur existence dans la confiance après l’illumination qu’ils ont reçue. L’amour bannit la crainte. Luc plus que les autres use de la formule (1,12.30.74 ; 2.9 ; 5,10.26 ; 8,50, 12,16 ; 24,37). Dans l’Ancien Testament aussi on découvre la crainte de Dieu comme sentiment de profond respect envers Dieu. (Isaïe 11, 1-3)

 

Zacharie est-il puni, et Marie honorée?

 

On a l’impression que Zacharie et Marie sont traités différemment : punition pour Zacharie qui devient muet, Marie honorée pour avoir osé questionner ?


Pour Zacharie comme pour Marie, il y a une “objection à la mission confiée” Objection, doute sur la possibilité de la réalisation. Pour Zacharie dire le grand âge correspond à une quasi impossibilité, mais il a oublié de penser à la mère de Samuel (1Samuel1, ou à Abraham et Sara ! L’objection de Marie n’équivaut pas à dire impossible… mais elle demande un complément d’information. Ensuite, pour chacun un signe est donné : le silence pour Zacharie, l’annonce de la naissance de Jean, (le bâton confié à Moïse). Remplacer le mot « signe » par punition ou félicitation, c’est modifier ce qu’a voulu écrire Luc, c’est aller trop loin dans l’interprétation. (Pour Moïse, il dira qu’il ne sait pas parler, qu’il est bègue).

 

Les récits d’enfance sont écrits bien après la mort et résurrection de Jésus. Le but du récit n’est pas de raconter comment çà s’est passé, mais de faire comprendre que, dès le début, ces enfants sont dans la main du Dieu, qu’une destinée particulière leur est préparée. Il en était ainsi pour Moïse, pour Samuel.

 

Point d’attention complémentaire : l’ensemble des récits d’enfance, en Luc, contient les thèmes majeurs de tout l’évangile. Il y a un travail de rédaction de Luc pour « donner le ton », ou donner la couleur de ce que sera son évangile. Par exemple le mot libérer, libération revient plusieurs fois avec le mot sauver, sauveur. Le mot paix, le renversement des valeurs, l’attention aux derniers de la société. Ce n’est pas par hasard que Luc dit que Dieu a choisi des bergers pour faire la première annonce du salut ! Est-ce que çà s’est passé comme çà ? Ce n’est pas sûr, mais Luc a voulu faire comprendre, dès le début de la vie de Jésus, quels étaient les choix de Dieu : comme écrit dans la fiche une : une option préférentielle pour les pauvres. Pour Matthieu, qui écrit à des chrétiens d’origine juive, il leur fait comprendre que les étrangers sont parmi les premiers invités : ce sont les mages ! Luc, comme Matthieu, chacun à sa manière essaie de dire les préférences de Dieu… à nous d’en tirer les conséquences !


Il est parfois difficile de mesurer la portée symbolique de ce qui est raconté par les évangélistes. Ils utilisent la forme d’un récit pour dire beaucoup plus qu’un simple fait de type historique. Ils renvoient vers utre chose qu'il faut discerner. Soouvent, c'est pour exprime quel est le désir, la pensée de Dieu à l’égard de l’homme. Saint Jean s'exprimera tout autrement.

 

Comment fonctionnent le récit d'annonciation?

 

Nazareth - Détail portail de bronze L'annonce à Marie  
Nazareth - Détail portail de bronze
Nazareth - Détail portail de bronze
En fait il y a deux annonciations, une pour Zacharie, une pour Marie.

Les deux récits d’annonciation correspondent à une forme de langage particulière, ”le schéma d’apparition”, structure de récit, fréquente dans l’Ancien et le Nouveau Testament. On y trouve successivement : présentation des personnages ; puis le cadre : la prière ; salutation de l’ange ; trouble ; message et “ne crains pas” ; mission confiée ; objection et réponse ; don d’un signe. Le signe pour Zacharie c’est tout à la fois le silence et la conception d’un enfant ; pour Marie, c’est la conception et l’annonce qu’Elisabeth est enceinte. Pourquoi est-il devenu muet, je n’en sais rien, mais dans ma méditation, j’imagine que Dieu invite Zacharie a tourner sa langue sept fois dans la bouche avant de dire à Dieu « c’est impossible ».


Remarques complémentaires : bien de nos questions sous-entendent notre désir de savoir “ce qui s’est réellement passé", pour un tel et tel personnage des récits d’enfance. Or le statut de ces récits est de signifier ce que sera la mission de Jean et de Jésus. Ces récits nous projettent dans ce que seront Jean et Jésus et non de décrire ce que fut leur petite enfance, comme on le fait dans les albums pour n os enfants aujourd’hui. Il suffit de relire les paroles mises dans la bouche de l’ange, par lesquelles il indique cette mission : rassembler devant le Seigneur pour l’un, être celui qui règnera sur le peuple de Dieu pour Jésus. C’est le même souci qui préside l’écriture des cantiques. Luc réaffirme, par la bouche de Zacharie, Marie ou Syméon, le projet qu’a Dieu de libérer les hommes du Mal, d’apporter la paix, le salut (on pourrait dire avec Paul “apporter la réconciliation par Jésus”).


Ces récits expriment la méditation des premières communautés chrétiennes sur Dieu et Jésus. Cette méditation se trouve en quelque sorte mise dans la bouche de Zacharie, Marie ou Syméon. Il ne faut jamais oublier que ces textes sont écrits bien après les évènements. sa propre méditation. Il est donc très difficile de séparer ce qui a réellement été pensé par les personnages du début de l’Evangile de ce qu’en pensait la première communauté, dans sa foi post-pascale.

 

Certains, plus observateurs du texte écrit, ont fait remarquer que, pour Zacharie, cela se passe au coeur de Temle, à Jérusalem. L'annonce à Marie, c'est chez elle, "dans sa cuisine" écrivait quelqu'un, dans une bourgade perdue de Galilée. N'est-ce pas le signe que le Dieu du Nouveau Testament s'adresse à chacun là où il vit et pas seulement dans l'espace sacré? Sur l'âge des personnages de cette première section: tous ceux qui gravitent autour du Temple sont des personnes d'un âge certain. Seul le couple Marie et Joseph, porteurs de l'avenir, est formé de trés jeunes gens. La Bonne Nouvelle, selon Luic n'est-elle pas l'Evangile de la jeunesse? 

 

Pourquoi Elisabeth se cache-t-elle ? pourquoi le nom de Jean ?


Sur le secret d’Elisabeth, nous n’avons que ce qu’en dit Luc, à savoir “Elle se cacha pendant cinq mois, disant: “C’est la grâce que le Seigneur m'a faite, quand il a jeté les yeux sur moi pour ôter mon opprobre parmi les hommes”. Humainement on peut comprendre qu’elle garde ce secret, qu’elle attende que ce soit vraiment bien sûr et qu’elle ira au terme... crainte d’être déçue, déjugée. La seule chose qui est affirmée, c’est qu’elle reconnait une grâce de Dieu. Un peu comme Marie dira : “Mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur, parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante”.

Le choix du nom nous étonne. En fait, que ce soit pour Jésus, que ce soit pour Jean ce nom est donné selon le récit, par le messager de Dieu. Ce ne sont pas les parents de Jésus ou de Jean qui choisissent ; c’est une manière pour Luc de signifier que, dès le début de leur existence, ces enfants sont dans la main de Dieu, que Dieu veille sur eux. La signification du nom est elle aussi importante. Jean signifie “Dieu fait grâce” et Jésus : “Dieu sauve”. Même dans le choix du nom, quelque chose de la bonne nouvelle apparait : cela concerne le rapport que Dieu souhaite entretenir avec les hommes. Il n’est pas de colère ou de vengeance ou de punition mais de grâce, de salut…

 

Pourquoi dit-on que Jean ne boira Ni vins ni boissons fermentées ? 1,15


Vous savez que les communautés chrétiennes connaissaient bien mieux la bible que nous. C’est à partir d’elle qu’ils ont appris à lire et à écrire, c’était leur livre d’apprentissage ; en même temps ils étaient “habitués + ou –” à faire des commentaires entre eux, et à discuter pied à pied sur les textes des prophètes. Concernant les 4 évangiles, nous savons qu’ils ont voulu relier le Jésus dont ils parlaient de l’ensemble de la tradition biblique. Pour nous, il faut réfléchir et rechercher parce que ce n’est pas naturel, pour nous de penser à Samuel. Le livre des Nombres (6,1-5) évoque la pratique des « nazirs », c’est-à-dire des gens consacrés à Dieu (ne pas parler de moine, çà n’existait pas). On les appelait hommes de Dieu. La mère de Samuel fait un vœu pour son enfant qui ressemble fort à cela (1 Samuel ch 1 et 2). Au livre des Juges, on trouve cette même pratique pour Samson (Juges 13, 4-14). En présentant cette caractéristique pour Jean-Baptiste, l’ange précise donc sa mission, d’homme de Dieu au service de Dieu… comme Samuel, comme Samson. Jésus n’aura pas la même réputation : Luc signale que Jésus est accusé d’être ivrogne, glouton et ami des pécheurs (7,34), tandis que Jean est reconnu comme ascète (7,33).

 

Marie part chez sa cousine Elisabeth, seule ou avec Joseph?

 

Va-t-elle rejoindre une caravane ? Nous avons regardé la carte et vu la distance
Marie chez Elisabeth : rien dans l’Evangile n’est précisé à ce sujet.

 

Jésus sauve, d’accord, mais de quoi ?


La question Jésus sauve est sans doute la plus importante, puisque c’est la principale affirmation aux bergers : “aujourd’hui, un sauveur vous est né !” C’est le motif pour lequel Jésus s’est fait homme, est mort et ressuscité. Sur cette question on dérape trop facilement, à cause du vocabulaire et des images héritées des catéchismes et des sermons d’autrefois.


Luc tout au long de son Evangile veut manifester que Dieu est un Dieu de miséricorde (cf.fiche 2). Les mots salut et sauver passent mal, car on pense de suite à malheur, catastrophe subie dont il faut s’extirper. Le premier sens, du mot sauver d’origine en grecque, c’est “garder en pleine vie, faire que la vie soit épanouie”. Un second sens lui est immédiatement accolé c’est libérer du mal, guérir, sauver. Quand on sait que les malades étaient plus vite morts, hier qu’aujourd’hui, ce deuxième sens a pris de l’importance, d’où le poids accordé aux guérisons par Jésus et d’autres, alors que chaque récit en dit beaucoup plus : le pardon et la réconciliation avec Dieu. Est-il plus facile de pardonner que de guérir ? (Luc 5, 17-26). Ou encore “Va en paix, ta foi t’a sauvé !”. L’image du ciel qui s’ouvre au-dessus de Jésus est aussi une manière de dire que la communication entre le ciel et la terre est à nouveau rétablie ; Dieu, en jésus parle à nouveau à son peuple, alors que ce peuple se croyait abandonné de Dieu depuis des siècles.

 

Que veut dire la purification? Est-ce la même chose que la circoncision ?


Bronze basilique Nazareth Presentation au temple  
Bronze basilique Nazareth
Bronze basilique Nazareth
Le terme exact que la liturgie a repris pour le 40ème jour après la naissance de Jésus est celui de “Présentation de Jésus au Temple”. C’était une pratique qui rappelait que tout enfant premier-né avait été sauvé lors de la libération d’Egypte. On offrait à Dieu cet enfant premier-né Ce qu’on appelle purification n’est pas le terme exact concernant les institutions juives : Jésus est présenté au Temple est un rituel juif (non obligatoire).


Le christianisme d’après le concile de Trente, dans le souci d’encadrer la vie chrétienne des paroisses a développé le rite des relevailles, ou bénédiction de la mère, car la femme qui vient d’accoucher est confusément perçue comme impure. Le jansénisme des XVII-XVIIIèmes siècles n’a fait qu’amplifier cette notion tardive de purification.


La circoncision, ablation du prépuce, existe dans plusieurs peuples. Pour le peuple hébreu, il est le rite par lequel les juifs se rattachent au peuple de l’Alliance à la suite d’Abraham. Le rite s’est imposé après le retour d’Exil, pour se distinguer des autres peuples. La première Eglise refusera d’imposer ce rite aux nouveaux chrétiens. Seul le baptême en Christ signifie l’appartenance à l’Alliance nouvelle. (Lire Actes ch.15)

 

Y a-t-il un rapport entre enfanter et pécher ?


La tradition chrétienne a été déformée par des approches philosophico-religieuses de la sexualité, qui n’ont rien à voir avec la pensée biblique. Les gnoses eet manichéismes aux premiers siècles, le jansénisme, aux 17-18èmes siècles. Ces théories sont issues d’une vision par trop pessimiste du rapport de l’homme à Dieu. Certains enseignements actuels continuent à affirmer le péché, hélas. Comment peut-on supposer que Dieu pousse au péché quand aux premiers chapitres de la Genèse il dit « croissez, multipliez-vous… ».

 

Pouvez-vous nous donner la définition de virginité de Marie.

 

Bronze basilique Nazareth Nativite  
Bronze basilique Nazareth
Bronze basilique Nazareth
La question de la virginité de Marie dépasse de beaucoup une première lecture de l’évangile de Luc. Elle invite à se tourner vers la réflexion théologique des siècles postérieurs qui a essayé d’interpréter l’affirmation de Luc, à défaut de tout expliquer. Non sans humour, un bibliste écrivait « Pendant 4 siècle, les chrétiens ont eu la pudeur instinctive de ne pas soulever certaines questions, et ce fut leur noblesse. Il faudrait être habité par un total irrespect pour poser ensuite les questions atteignant son intimité.» JP Charlier


Cette réflexion n’empêche pas de chercher à comprendre ce qu’ont voulu dire les premiers chrétiens, mais connaissons-nous le contexte culturel? Quand Luc rédige son évangile, les questions de type gynécologique ne font pas partie de l’environnement de l’époque. Une récente exposition au Havre (octobre 2009-mars2010) présente les représentations du fœtus dans l’art "Avant la naissance, 5.000 ans d'images".  Elle permet de suivre l’évolution de la pensée dans anciens. Pour eux, la génération consiste à importer un tout petit d’homme dans le ventre de la mère. Il faut attendre le XVIIIème siècle pour découvrir les explications modernes.

 

L’affirmation fondamentale qui parcourt les 4 évangiles c’est que cet “homme” Jésus est “de Dieu”. Sans s’interroger sur l’interprétation qu’en donneront les siècles postérieurs, (autre étape de la réflexion que je développe à peine), Luc fait entendre que Jésus est tout à fait homme par Marie, et tout à fait Dieu par l’Esprit-Saint. Dans le symbole des apôtres nous disons : “vrai Dieu et vrai homme”. Luc l’exprime encore sa foi en Jésus fils d’homme et fils de Dieu dans au chapitre 3, quand il présente sa généalogie : Jésus : “fils de Joseph,, croyait-on, fils de Héli, fils de…, fils de…, remontant jusqu’à Adam, fils de Dieu, donc Jésus Fils de Dieu. On peut lire en complément la page Marie toujours vierge.

 

Que signifie "Marie, cependant, retenait tous ces évènements"?


Que veut dire Luc en insistant sur cette attitude de Marie :"Marie, cependant, retenait tous ces évènements et les méditait dans son cœur" ? Plus loin on retrouve quasiment la même phrase “ sa mère gardait dans son cœur tous ces évènements”.
Ma réponse est double. Tout d’abord, il faut penser aux moyens mnémotechniques qu’utilisaient les anciens qui, pour la transmission orale, n’avaient pas notre production papier avec titre et sous-titre. A l’oreille, l’auditeur devinait (écoutant cette phrase répétée) qu’on quittait un récit pour en aborder un autre (fin de chapitre aurait-on pu écrire !).


Cependant la phrase n’est pas employée au hasard et c’est la deuxième aprtie de la réponse. Luc relève une attitude de cœur et d’esprit de Marie, faisant allusion à la méditation de l’Ecriture (l’Ancien Testament). Dans cette méditation, elle rapproche des scènes de la Bible avec des évènements qu’elle vivait. Cette attitude sera mise en valeur dans le récit des disciples d’Emmaüs, où Jésus fait remémorer aux disciples ce qu’ils ont vécu afin de pouvoir les mettre en relation avec des textes de l’Ecriture, ce que feront les chrétiens et les rédacteurs des Evangiles, Actes et lettres des apôtres. C’est la même attitude qui est demandée aux chrétiens d’aujourd’hui quand on parle de révision de vie = relire (revoir) sa vie à la lumière des témoins qui nous ont précédé et, en particulier, les saintes Ecritures.


Au-delà de la double réponse ci-dessus, cela interroge notre manière de comprendre les récits des Evangiles de l’enfance, selon Matthieu et Luc. Sont-ils des récits de style journalistique ? Racontent-ils des faits tels qu’ils se seraient passé, ou plutôt ne sont-ils pas une mise en appétit des thèmes qui seront développés par la suite ? Une présentation-miniature d’une théologie sur Jésus-Christ : qui est-il ? Que vient-il faire ? Reprendre les paroles entre guillemets dans ces récits, en particulier les “cantiques” peut aider. Les Introduction de ces évangiles sont le fruit de la méditation des premières communautés sur Jésus. Ils sont tout autre chose que la transcription d’évènements.

 

[Petit détail : les anges disent “gloire à Dieu… paix aux hommes” au début de l’Evangile. Comment se fait-il que des hommes retournent le compliment : “Paix au ciel, gloire au plus haut des cieux (à Dieu)…” au moment où Jésus monte à Jérusalem sur un ânon ? Je n’ai d’autre réponse, sinon une volonté de Luc de montrer que des hommes, à la suite de Jésus, commencent à retourner à Dieu le compliment adressé à Jésus au moment de sa naissance ! (Luc 2,14 et 19, 38)]

 

 

Quand et comment Jésus a-t-il su qu'il était fils de Dieu?


Une première distinction à faire, c’est de distinguer le temps de l’Ecriture des Evangiles de celui de la rédaction des discours théologiques. Il nous faut distinguer la pensée des premières communautés exprimant leur foi en Jésus envoyé et Fils de Dieu, et les développements théologiques de l’Eglise au fils des siècles. En rédigeant les Evangiles, les premiers rédacteurs ne cherchent pas à décrire la psychologie des personnages ; on peut le regretter, mais c’est ainsi : l’étude de la psychologie des individus fait partie des sciences humaines modernes, et non de l’antiquité. Luc ne fait pas une analyse psychologique de Jésus à 12 ans, ni même à 30ans lors du baptême ou de la transfiguration.

 

Dans ses récits d’évangile, Luc cherche à dire qui est Jésus, d’après lui et d’après les premières communautés chrétiennes, et non la conscience que Jésus avait de lui-même. Le pourquoi de l’Ecriture des Evangiles est exprimé par Jean de la manière suivante : “ceci a été écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu'en croyant vous ayez la vie en son nom” Jean 20,31. Une précision complémentaire vient au ch. suivant, 21,25 : tout n’a pas été écrit… “Si on les mettait par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les livres qu'on en écrirait”. Quant à Luc, il précise ses objectifs à Théophile (4,4) ; il rédige “après s’être informé soigneusement, pour que tu te rendes bien compte de la sûreté des enseignements que tu as reçus.” Le discours théologique cela viendra bien plus tard. (Pour aller plus loin sur la question, lire dans le dictionnaire Théo, 1ère édition, p.-670, 672, 677, 689 ou, dans la dernière édition 2009, p. 675-676.

 

Concernant le système matrimonial de l’époque : être fiancé, être promis, c’est quasi indissoluble, même si on vit encore chacun chez soi jusqu’aux festivités du mariage (ce qui semble le cas ici). Marie est dans cette situation de promise, mais ne vivant pas encore ave son mari. Comment cela se fera-t-il ?

 

Qu’entend-on par consolation? En quoi consiste cette consolation?

 

Le peuple juif est en attente de quelqu’un...
Au temps de Jésus, la domination des juifs est le fait des romains, et certains trouvent le temps long… Dieu parle-t-il encore, enverra-t-il son messie etc. Ils attendaient la libération, tout comme Isaïe l’avait annoncé 500 ans plus tôt. Un retour vers l’Ancien Testament n’est pas inutile… En effet, les évangiles fourmillent de citations de l’Ancien Testament, ou de renvois vers les prophètes. Ainsi le livre du second Isaïe au ch. 40 commence par : "Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui que son service est accompli, que sa faute est expiée, qu'elle a reçu de la main de Yahvé double punition pour tous ses péchés. En parlant de consolation, Luc invite ses lecteurs à comprendre le temps de Jésus comme celui de la fin de l’épreuve.

 

Syméon est celui qui voit venir en cet enfant “la libération, la délivrance, la paix, le salut”. Ce sont autant d’expressions, présentes dans les premiers chapitres de Luc, tout comme “Dieu a visité son peuple et apporté sa libération”, qui renvoient, dans l’histoire d’Israël, à l’annonce du retour d’Exil (exil, entre 587, prise de Jérusalem et 538. édit de Cyrus).

Les chrétiens verront en Jésus le Messie annoncé, mais ce n’est pas celui qui expulsera les romains. Chez les juifs, des mouvements de révolte se sont multipliés : zélotes, sicaires, galiléens. En 66 après J-C une nième révolte se déclenche à partir de la Galilée, gagne Jérusalem et l’ensemble de la région. Les romains mettront 4 ans pour reconquérir le pays et détruire totalement Jérusalem, dont il ne restera pas deux pierres debout l’une sur l’autre. (Titus, année 70). Une autre révolte, avec Bar Kokba aura encore lieu en 133-135. Cela appartient à l’histoire générale de l’humanité.

 

Le mot “consolation” repéré en maison d’Evangile exprime donc quelque chose de très important pour les juifs de ce temps. Ce serait cependant oublier que l'attente ne concernait pas la libération des romains, mais d'abord le fait que Dieu parle à son peuple, envoie quelqu'un qui soit comme Elie ou Isaïe, un prophète qui ramène vers lui un peuple qui s'égare.  Les foules qui viennent vers Jean-Baptiste attendent une parole qui signifie le pardon de Dieu. Luc exprime quelque chose du même ordre en parlant d’attente, lors de “l’entrée en scène” de Jean et Jésus : “Comme le peuple était dans l'attente et que tous se demandaient en leur cœur, au sujet de Jean, s'il n'était pas le Christ…”. ch 3,15

 

A 12 ans Jésus avait-il conscience d’être fils de Dieu


Nous avons envie d’amplifier l’interprétation à donner à la parole de Jésus « Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? »Le contexte de l’évènement à douze ans, tel qu’en parle Luc semble correspondre à la Bar Mitzva, fête où l’on remet à l’adolescent la Livre de la Thora (la Loi et les prophètes), signe qu’il devient responsable de le mettre en œuvre et de le proclamer. Ce jour-là, tout juif s’affirme fils de Dieu chargé d’annoncer ses merveilles et de suivre ses commandements. On ne peut donc pas y voir un affirmation par Jésus de ce que la tradition post-pascale affirmera : Jésus Fils de Dieu.

 

Quand Marie a-t-elle pris conscience que Jésus était fils de Dieu ?


De Marie et Joseph, Luc précise qu’ils ne comprennent pas ce qui se passe, au Temple. Ce devait être vrai aussi d’autres jours. Ils n’ont pas eu de prémonition particulière, Il faut se souvenir de la réplique de Jésus lorsqu’on lui dit que sa mère et sa parenté viennent le rechercher, parce que Jésus est considéré comme un excentrique (cf.Marc, fiche 2) : “qui sont ma mère et mes frères : ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique“ Luc 8,21.

 

Existait-il un baptême avant celui de Jean ?


Non. Au cours du dernier siècle, en particulier chez les esséniens se développait une pratique d’ablutions et de bains quotidiens, rituels pour se purifier. Les pharisiens développeront la pratique de laver plats et cruches, tant se développait chez eux le désir de pureté devant Dieu. Jean-baptiste développe baptême (semble-t-il unique et non à répéter, comme le rituel essénien), en vue du pardon des péchés. Le baptême en régime chrétien c’est plonger dans la mort et résurrection de Jésus pour vivre de sa vie, entrer dans la communauté des disciples de Jésus et vivre la communion avec Lui et les frères. A force d’insister sur le pardon des péchés au baptême, on en a oublié le sens premier vivre en Christ, comme le signifie le vêtement blanc revêtu ce jour-là, signe de l’adhésion à Christ pour ne plus faire qu’un avec Lui.

 

Pourquoi faut-il attendre si longtemps (20 ans ) pour que Jésus il commence sa vie publique ?

Je me permets une première réponse totue personnelle et peu théologique : les Evangiles nous présentent un homme d'âge mur, proche de la quarantaine, et il n'a pas été cru. Qu'en aurait-il été d'un gringalet d'une vingtaine d'années, faisant la lecons aux anciens, scribes et oharisiens ? Plus sérieusement:   
 

 

Nous avons l’habitude de lire les évangiles, dans l'ordre chronologique où nous les recevons, concernant la vie de Jésus, du début vers la fin, comme pour toute biographie qui se respecte. C’est ce qui nous handicape pour lire les évangiles. En effet, les Evangile ont été rédigés « en commençant par la fin », c’est-à-dire à partir des discussions sur la mort résurrection de Jésus (Emmaüs) et donc les “évènements” (24, 13-19) et l'affirmation qu'il;est ressuscité. C’est-à-dire en proclamant que ce Jésus, crucifié par les juifs, Dieu l’a ressuscité. (Lire le discours de Pierre à la Pentecôte, Actes Ch 2).

 

Les apôtres ont connu Jésus alors qu’il avait bien trente ans. C’est après avoir enseigné dans les communautés les paroles de Jésus qu’ils se sont avisés d’écrire et, pour deux d'entre eux, le tout début (Marc et Jean ne l’ont pas fait). Mais le projet de Matthieu et Luc, n’est pas de raconter de manière journalistique ce qui s’est passé à la naissance de Jésus et à 12 ans etc. Ils voulaient signifier, sous forme résumée « ce que sera cet enfant ». En pointillé, c’est l’œuvre publique de Jésus qui est déjà annoncée. Cette démarche ne nous est pas familière. Luc ne donne pas d’explications; il dresse en quelque sorte un constat : Jésus, à un moment donné de l’histoire universelle, dans le parcours de son itinéraire spirituel personnel, suite à une rencontre avec Jean Baptiste, Jésus proclame le Royaume de Dieu et devient prédicateur itinérant (Nazareth, Capharnaüm et les autres villages (Luc 4, 42-44). Le visage de Dieu dont parle Jésus en surprend plus d'un, autant par les actes que par les paroles.

 

Pourquoi attendre 29 ans? Disons plutôt c’est après la trentaine que Jésus « change de métier », qu’il proclame ce qu’il a compris de Dieu… parfois contre l’opinion des croyants scribes et pharisiens. Ce n’est qu’après la fin, quand tout est terminé (Emmaüs), que les apôtres commencent à comprendre que celui qui les avait accompagnés était envoyé, fils de Dieu…. Après coup ! Et lorsqu’ils reprennent la vie de Jésus dans leurs discours et récits, leur foi d’après la résurrection influence leur manière de parler de Lui d’avant la résurrection.

 

Que veut dire engeance de vipère?


L’expression est passée dans le langage imagé pour désigner des gens qui ont la langue fourchue et qui sèment le poison. A propos des interlocuteurs de Jean-Baptiste, Luc parle des foules en général, mais Matthieu, qui connaissait mieux que Luc les mentalités locales en Judée, précise que Jean s’adressait alors aux « pharisiens et sadducéens », c’est-à-dire aux gens en responsabilité de la religion juive et donc chargés de donner le chemin qui conduit à la vie… Or il semble qu’ils étaient des empoisonneurs et pourrissaient la vie des simples gens lesquels ne pouvaient passer tout leur temps dans le Temple de Jérusalem et à respecter tous les détails des règlements inventés dans un légalisme fort éloigné de la loi de Moïse. Plus loin, les évangiles parleront de “foule sans berger” lors de la multiplication des pains, ils font allusion au fait que le petit peuple n’était plus guidé par de bons bergers

 

Tentation au désert, pourquoi 40 jours.


40 est devenu un chiffre symbolique dans la Bible pour signifier « un certain temps à la recherche de Dieu». On trouve ce chiffre à propos du déluge ; à propos du peuple hébreu au désert (40 ans = une génération). Elie marchera 40 jours au désert. Ce temps se termine par la rencontre avec Dieu. Pour Noé, la séquence se termine par l’alliance proposée par Dieu. Pour Moïse et le peuple, c’est le temps pour que se forme le peuple de Dieu, avec le don de l’alliance à l’Horeb. Elie au bout du chemin rencontre Yahvé et reçoit une nouvelle mission. Les évangiles veulent signifier pour Jésus, qu’il commence la mission avec un certain temps passé à la rencontre de Dieu.


Ce n'est pas immensité de sable, mais rocaille, lieu de vie, dépouillé, mais fertile. Au désert, Gorges d'Ein Avdat  
Ce n'est pas immensité de sable, mais rocaille, lieu de vie, dépouillé, mais fertile.
Ce n'est pas immensité de sable, mais rocaille, lieu de vie, dépouillé, mais fertile.
Aujourd’hui, on retrouve ces 40 jours avec la proposition du carême pour pour les chrétiens, afin qu’ils se préparent à célébrer Pâques. Pour les catéchumènes, c’est le dernier temps avant leur baptême dans la nuit de Pâques. Ce que l’on appelle retraite spirituelle est un temps que l’on prend, où l’on se coupe un peu du quotidien pour se consacrer à la rencontre de Dieu. Faut-il dire tentation, ou épreuve ? Luc résume en forme de récit de synthèse, au début de l’évangile,ce que seront les épreuves que Jésus doit affronter pour rester fidèle à la mission qui lui est confiée. Il faut retenir l’affirmation de la Tradition que Jésus a tout connu de la vie d’homme, y compris la souffrance, les épreuves (tentations) excepté le péché… La prière à Gethsémani est significative de cette épreuve, avec la dernière demande : “éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux mais ce que tu veux”. Luc 22, 42. Jésus écarte la tentation de se sauver soi-même. Pendant ce combat, les disciples sont endormis. N’avons-nous pas à apprendre à prier comme Jésus : “que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne”, c’est-à-dire, que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne.

 

Peut-on dire que Satan a autant de pouvoirs que Dieu ?


Jésus tient tête à Satan, en reprenant les paroles du deutéronome, c’est-à-dire le texte même de la Loi ; il ne discute pas avec Satan… Ce dernier s’en va jusqu’au temps fixé… Le retour de Satan, c’est au début de la dernière section (22,3 : Satan entra en Judas…). La mort de Jésus semble signifier que Satan a le dessus sur Jésus fils de Dieu… Mais Dieu ne l’a pas laissé dans la mort, telle est notre foi. En allant jusqu’au bout de son amour déclaré pour nous, Jésus ne cède pas au tentateur, qui veut lui concéder certains avantages moyennant d’abandonner sa mission…
Que Satan ait beaucoup de pouvoir, cela ne fait guère de doute. Il suffit de voir les haines et refus d’aimer et de partager aujourd’hui. Mais on ne peut dire qu’il aura le dernier mot. Les textes dits « apocalyptiques » laissent entendre que la lutte est féroce, jusqu’aux derniers temps, mais ce sont les fils de Dieu, qui auront le dernier mot. (Relire par ex. Marc ch 13, section 5, ou Luc 21, 25-36, mais il faut lire entre les lignes, et jusqu’au bout ! Laisser dire que Satan a autant de pouvoir que Dieu est une pensée issue d’une conception dualiste du monde que le christianisme a toujours rejeté.
 

En attente

Magnificat parle de renversement des valeurs. Qui sont les pauvres?

Riches et pauvres dans l'Evangile

Une certaine subtilité voudrait que l’on atténue l’expression du magnificat, puis des béatitudes selon Luc (6, 19-25), en disant “il y a les riches qui sont pauvres de cœur…” (les pauvres de cœur, c’est dans Matthieu (5,2-12), pas dans Luc. Quand Luc écrit, il pense aux chrétiens de sa communauté, communauté aisée mais où il y avait aussi des pauvres. Il suffit de rappeler la réflexion et aux reproches de Paul aux Corinthiens (1 Co 11, 17-22 ).


Pour comprendre un peu mieux ce que l’Ancien Testament puis Jésus entendent par pauvre, il faut revenir à la Tradition biblique qui parle beaucoup des pauvres, ceux dont Dieu se soucie Les pauvres dont parle Jésus sont ceux que la tradition juive appelait le petit peuple, (ceux d’en-bas diraient certains aujourd’hui…), les catégories dont on ne s’occupe pas, les catégories méprisées par les savants, pharisiens et docteurs de la Loi ! Paul dira : ceux qui ne comptent pour rien, qui sont “sans naissance” ceux-là, Dieu les choisit pour annoncer… (Paul oppose Sagesse et Puissance avec folie et faiblesse, 1 Corinthiens 1, 17 à 2). Les pauvres, on en parle en bien des pages de la Bible, Deutéronome, prophètes, psaumes. La pauvre crie vers le Seigneur….

 

Le pauvre est celui auquel il manque quelque chose pour vivre, au sens économique d’abord, mais aussi au sens spirituel. Ceux-là sont ouverts à la relation avec Dieu. Ce n’est donc pas selon le poids du compte en banque que l’on peut apprécier riches et pauvres, mais sur l’aptitude à s’ouvrir à l’autre et à Dieu. Je ne pense pas m’éloigner de la pensée de Jésus quand, triste, il laisse partir le jeune homme riche, non parce qu’il avait de grands biens, mais parce que cela rendait difficile l’ouverture à Dieu : il est plus difficile à un riche d’entrer dans le Royaume qu’à un chameau de passer par le trou d’une aiguille…. Luc 18,25 (d’autres traductions se réfèrent à une porte de Jérusalem, difficile à franchir par une bête de caravane portant encore son chargement).


Ce que Luc, à la suite de Jésus, entend par le mot pauvre peut être précisé à l’aide de la parabole sur la prière du pharisien et du publicain. Ni l'un ni l'autre ne sont des pauvres. L’un sait qu’il a tout, et rend grâce à Dieu car il n’a besoin de rien. L’autre sait qu’il ne vaut pas grand-chose et le reconnait devant Dieu, (Luc 18, 10-14). Ce dernier sera entendu et axaucé. A la fin de ce récit, Jésus reprend une parole que l’on trouve déjà dans le Magnificat et évoque le renversement des valeurs et ce à quoi Dieu est attentif. “Le publicain se frappait la poitrine, en disant : Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ! Je vous le dis : ce dernier descendit chez lui justifié, l'autre non. Car tout homme qui s'élève sera abaissé, mais celui qui s'abaisse sera élevé”. 
 

 

Jean Baptiste et les Esséniens, a-t-il vécu avec eux?

 

Rien dans les évangiles ne le dit, mais compte tenu des découvertes faites à Qumran, du rite d’ablutions et du baptême proposé par Jean, il est très vraisemblable qu’il a été en lien avec eux, peut-être même a-t-il vécu avec eux, (la présentation vidéo faite au musée de Qumran le laisse entendre). Mais Jean ne serait pas resté chez eux à vivre en séparé des hommes. Il proclame une conversion des cœurs…, répond à l’attente des gens qui espéraient une autre parole que des rites, pour devenir proche de Dieu. Il s'installe à un lieu de passage des pèlerins se rendant à Jérusalem, sans doute un passage à gué, proche tout à la fois de Qumran et de Jéricho.   Quand Jésus le rencontre, une autre étape de la révélation arrive : Jésus ne restera pas à l’écart, dans l'attente que les bonnes volontés viennent à sa rencontre. Jésus remonte dans sa patrie en Galilée, chez les gens, puis à Capharnaüm et dans les autres villes, car là aussi il lui faut annoncer « le Royaume Dieu s’est approché de vous » Luc 4, 42-44. C'et un choix d'aller vers les gens porter la Bonne Nouvelle.

 

On peut retenir, de manière simplifiée, que Jean est proche des courants esséniens, mais il s'en sépare et ne vit pas en séparé du monde. Il va les attendre au bord du Jourdain et participer au renouveau par ses prédications. Jésus va rejoindre Jean-Baptiste, mais trés vite il s'en séparera. Car, pour Jésus, la prédication doit se faire au milieu des gens, là où ils vivent (Nazareth, Capharnaüm eet autres villages). En comparant esséniens, Jean-Baptiste et Jésus, il est possible de comprendre comment vivre la mission auprès de l'humanité. En comparant l'annonce à Zacharie, dans le Temple, et l'annonce à Marie, chez elle à Nazareth, certains comprennent qu'on ne peut enfermer la Parole de Dieu dans un Temple, aussi sacré soit-il.

 

  A lire en section 2,
 section 2, Luc 4,13 à 6, 49.  "Heureux vous, les pauvres! Hélas pour vous, les riches"  Prochainement, Section 3

 

Le rôle des anges. Les démons

Comment comprendre les rapports entre l'Ancien et le Nouveau Testament?

Généalogie de Jésus: comment Luc fait-il pour remonter si loin?

Jean-Baptiste et Jésus.

 

 20100127-500