Fiche 4 Luc Animer les rencontres

Vers Jérusalem, “l’existence croyante”


Section 4. ch.9, 51 à 13, 21

 

Lecture d’ensemble


Avec cette section commence le « voyage vers Jérusalem ». Il se déroule sur 10 chapitres, que nous répartirons en trois sections. En Marc, la section 4 insistait sur “suivre Jésus sur le chemin ». Nous avions pu constater le contraste entre Jésus qui annonce par trois fois sa Passion et sa mort, et les disciples qui ont l’esprit ailleurs. Luc accumule les occasions de paroles et de rencontres sur le chemin. Les annonces de la Passion reviennent six fois entre les ch. 9,22 et 18,31.

 

La section développe ce qu’est l’existence croyante, c’est-à-dire devenir disciple et vivre en disciple (9,51 à 10,24). Plusieurs thèmes viennent éclairer le disciple : l’amour du prochain (10,25-37) ; la prière, (11, 1 à 13), la gestion de l’argent (12, 13 à34), la vigilance (12, 35-59). D’entrée de jeu, Luc signale des difficultés dans la mission de Jésus et des 72. Pour les spécialistes, le chiffre 72 se réfère au nombre des nations issues des fils de Noé (Genèse ch.10), occasion pour Luc d’annoncer la future mission auprès des nations, au-delà du seul peuple juif. Il est probable aussi que Luc fasse allusion aux difficultés rencontrées par les premiers chrétiens lors de leur prédication en territoire païen. Mais l’essentiel pour l’instant, concerne l’attitude des disciples envoyés.


En territoire Samaritain, voici deux disciples ‘fanatiques’ qui demandent le feu du ciel pour non-accueil ! jésus va les réprimander car le Fils de l’Homme n’est pas venu pour condamner mais pour sauver des vies perdues (cf. Luc 19,10). Puis, Jésus précise ce qu’est devenir disciple : tout quitter, porter une tenue des plus dépouillée, souhaiter la paix, annoncer le Règne de Dieu, guérir. Cependant que tout cela ne soit pas motifs de gloriole.


La section sur l’existence croyante se termine par une guérison entourée de deux paraboles qui appellent à la patience et à la persévérance : la graine semée produira du fruit mais le disciple saura-t-il avoir patience et persévérance ? L’attitude du jardinier impatient (13,6) ne ressemble-t-elle pas à celle des deux disciples envoyés en Samarie et mal reçus ? Concernant la guérison le jour du sabbat, il est utile de remarquer la formulation “délivrer du lien”. La guérison est une libération, expression que nous retrouvons dans le Notre Père : “Délivre-nous du mal”. Une caractéristique du salut, en Luc, c’est la libération des chaînes, de toutes sortes de chaînes, annoncée dans le discours à Nazareth.

 

Zoom : Le bon Samaritain (10, 25-37)


Ce récit n’a pas de parallèle dans les autres évangiles. On a l’habitude de dire « la parabole du bon Samaritain », mais avons-nous remarqué qu’elle est incluse dans un dialogue qui porte sur la question d’avoir la Vie éternelle, c’est-à-dire du salut. Ainsi on trouvera les expressions : avoir part à la vie éternelle, avoir la Vie. Plus tard nous pourrons lire des expressions comme entrer dans le Royaume de Dieu, être sauvé. Ce qui préoccupe le docteur de la Loi porte sur la question du salut. Jésus répond à la question : “qui est mon prochain ?”.


On peut s’étonner qu’un spécialiste de la Loi demande à Jésus comment accéder à la Vie éternelle, au salut. Jésus le renvoie sur son terrain de compétence : que dit la Loi ? Tout le monde connait la réponse : “Aimer Dieu et son prochain”, mais le docteur de la Loi en demande un peu plus: "qui est mon prochain?". Alors Jésus répond par un exemple et déplace le terrain du débat : ce n’est plus un débat théorique sur “le prochain”, mais une réflexion sur l’existence concrète, sur la vie de relation : “lequel s’est fait le prochain ?” Avez-vous repéré le changement dans la formulation de la question entre le début et la fin du récit ?

 

 

Avec Jésus, on ne discute pas sur les idées et les principes comme le feraient des philosophes autour de Platon ou Aristote, on ne se chamaille pas comme entre rabbis légalistes : avec Jésus, on se trouve sur le terrain concret de l’existence. Jésus invite à faire révision de vie, à regarder notre agir, à en peser la consistance avec les yeux de Dieu, avec les yeux de l’amour : lequel s’est montré le prochain de l’homme tombé ? L’invitation à vivre, à regarder et à apprécier les faits de vie quotidienne, se retrouvera avec Marthe et Marie qui accueillent Jésus (10, 38-42).

 

Jésus conteste l’attitude des officiels de la religion. Dans le récit du bon Samaritain, Jésus montre du doigt un prêtre puis un lévite. Au ch. 11, 37-54, Jésus prend à partie des pharisiens et des scribes. Plus loin au ch.18, l’histoire du pharisien et du publicain est encore une contestation de ces mêmes gens en responsabilité. Certains voudraient faire de Jésus un révolutionnaire. Disons plutôt qu’il agit en réformateur ; il est celui qui nettoie l’aire à battre blé pour recueillir le grain et enlever tout ce qui, comme la paille, ne fait pas le poids au Royaume de Dieu (3, 17). C’est un reproche permanent dans l’Evangile de Luc, où ceux qui s’élèvent sont abaissés, comme le dit Isaïe : “Les pensées de Dieu ne sont pas les pensées des humains”. (Ch.55, 8).

 

En son temps, Jésus n’est pas le seul à contester le pharisaïsme et le légalisme. Plusieurs textes rabbiniques énumèrent les plaies de certains comportements. Et si Luc rapporte ces perversions religieuses, c’est aussi parce qu’elles menacent les chrétiens d’hier et d’aujourd’hui.

 

Pour aller plus loin.


Les destinataires de la Bonne Nouvelle. Si au début de la section, des Samaritains n’ont pas accueilli une première annonce faite par deux disciples, à la fin de la section, une parabole invitera à la patience. Tout au long de l’Evangile et des Actes, Luc oppose souvent le bon accueil par les païens et le refus par les croyants. C’était déjà contenu dans la discussion avec les gens de Nazareth. Au ch. 11, Jésus oppose les païens de Sodome aux croyants des bords du lac. Puis il rend grâce pour l’annonce reçue par les plus petits et non les sages. Pour Jésus et plus tard pour Paul dans les Actes, les étrangers et les lointains accueillent mieux la Parole de Jésus. A propos du centurion (7,9) Jésus avait dit : “je n’ai jamais trouvé une foi pareille en Israël”.

 

L’histoire de Jonas, c’est celle d’un prophète qui refuse d’aller prêcher chez les païens de Ninive ; il faudra l’intervention de Dieu pour qu’il aille dans cette ville. Ensuite Jonas, étonné par la pénitence et la conversion des Ninivites, regrette que Dieu ait pardonné aux païens et ne les ait pas exterminés. Quant à l’histoire du Samaritain, personnage honni des juifs, c’est lui qui est honoré, dans la bouche même du pharisien, pour avoir fait œuvre de charité et accompli la Loi à la différence du prêtre et du lévite. Serions-nous différents, aujourd’hui, des gens d’hier que Jésus rencontrait ?

 

Marthe et Marie (10, 38-42). Le texte de Luc emploie, par deux fois, le mot Seigneur pour désigner Jésus, signe que le récit est influencé par la foi des chrétiens d’après la Résurrection ; il était impensable d’appeler ainsi Jésus auparavant. Entre le service de la table et l’écoute de la Parole, Marthe voudrait que sa sœur se consacre aussi au service de la table. Jésus invite à établir une hiérarchie entre les différentes activités. Peut-on dire que Jésus choisit l’écoute de sa parole contre le service de la table ? Ne devons-nous pas comprendre que, dans ce récit, Luc s’adresse aux premières communautés chrétiennes et les invite à ne pas se laisser déborder au point d’en oublier l’écoute de la Parole du maître ? La suite logique de ce récit sera une réflexion sur la prière.

 

La prière. Dans la section, plusieurs récits ont comme sujet la prière. Au ch. 10, il y a l’action de grâce de Jésus, puis la demande des disciples pour que Jésus leur apprenne à prier, et la réponse de Jésus qui « transmet » sa prière, “Père, …”. Une invocation, deux vœux, trois demandes (chacun peut relire le texte de Luc). La prière de Jésus s’adresse à Dieu, Père, que l’on honore en faisant des vœux pour lui. Ensuite seulement des demandes pour nous : le pain, le pardon et l’absence de tentations. La traduction maladroite « ne nous soumets pas à la tentation » laisse entendre qu’elle viendrait de Dieu. Il serait plus approprié de traduire “ne nous laisse pas entrer en tentation” ou “préserve-nous d’entrer dans les vues du tentateur” ; de fait le démon est toujours prêt à nous retourner contre Dieu (11, 14-26). A l’image de la prière de Jésus, telle devrait être notre prière aujourd’hui. Luc entoure les prières de Jésus de récits, comme autant d’illustrations de l’attitude de Dieu à notre égard.


Ecouter la Parole et la mettre en pratique. 11, 27-28. Hier comme aujourd’hui, bien des gens veulent honorer tous ceux qui ont approché Jésus comme, dans ce récit, la femme qui veut honorer la mère de Jésus. A ceux-là, Jésus demande de recentrer la vie sur l’essentiel : “Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent (la mettent en pratique)!” Sans commentaire ! (Voir aussi 6,41et 8, 27).


Les biens de la terre (12, 13 à 48) Plusieurs récits invitent à reconsidérer le rapport aux biens. Ce sont autant d’invitations à user des biens non pour soi-même, mais au service des frères, dans la vigilance au service de ceux qui nous entourent. Ceci fait partie des fondements de l’enseignement social de l’Eglise. (Benoit XVI… Caritas in Veritate § 2, 7, 13 etc.)
L’appel au discernement. Nous avions donné à la section le titre “l’existence croyante”. La fin de la section (13, 1-21) est à recevoir comme une succession de conseils adressés aux disciples. Tout d’abord savoir que la vie chrétienne ne dispense pas des épreuves et des conflits, ensuite qu’il y aura toujours à savoir discerner pour conduire sa vie et se convertir, enfin c’est un appel à produire du fruit (délivrer des liens du mal) dans la patience (le figuier) et la persévérance (la graine de sénevé).

 

Prier la Parole

 

Pour que le monde, Pour que le monde
Découvre en ton Eglise, en ton Eglise,
Le visage du Christ, le visage du Christ.

 

1 - Seigneur, fais de ton peuple
Un peuple en marche sur les chemins de vie.

 

2 - Seigneur, fais de ton peuple
Un peuple en lutte, épris de ta justice.

 

3 - Seigneur, fais de ton peuple
Un peuple en fête heureux de vivre ensemble.

 

4 - Seigneur, fais de ton peuple
Un peuple libre, portant l´espoir du monde.

 

5 - Seigneur, fais de ton peuple
Un peuple pauvre, conscient de ses faiblesses.

 

N’oubliez pas de faire parvenir vos questions ou découvertes à :
Lire l’Évangile, Maison diocésaine BP1016 – 62008 Arras cedex
ou à diocese@arras.catholique.fr

 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 4950 visites