Fiche 6 Luc Animer les rencontres

Face à la fin des temps


Section 6. Ch.17, 11 à 19,28

 

Pour qui l’aurait oublié, Luc précise qu’on est sur le chemin ! En fin de section, il redira le terme du voyage, Jérusalem : « Sur ces mots, Jésus partit en avant pour monter à Jérusalem ». Luc est un écrivain consciencieux qui marque dans son texte les étapes successives du récit ordonné qu’il rédige pour Théophile. Par cette dernière phrase, il annonce l’étape suivante, un peu comme nous pourrions dire : “La suite au chapitre suivant !”

 

Lecture d’ensemble
 

 

Cette section est colorée par la perspective de la fin des temps. La question du salut est présente avec l’évocation de la vie éternelle, du Royaume de Dieu. Comme dans les sections précédentes, le salut, c’est-à-dire la réconciliation avec Dieu, est donné à ceux auxquels on ne s’attendait pas. C’est Jésus qui relève que le seul lépreux à venir le remercier est un Samaritain. Peu après, la comparaison entre la prière du pharisien et celle du publicain rappelle l’opposition permanente dans l’Evangile entre les justes et les pécheurs… et voici un Dieu qui renverse les critères habituels d’appréciation : il préfère la prière du pécheur. Ensuite, à la question : “Qui donc peut être sauvé?” (18,26) une réponse est apportée lors de la visite chez Zachée, le publicain : “Aujourd’hui le salut est entré dans cette maison” (19,9). On retiendra aussi plusieurs mises en garde, l’une sur les épreuves de la vie (17, 20-37), l’autre sur la difficulté d’entrer dans le royaume de Dieu pour qui possède des richesses (18,18-30) ; enfin sur la nécessité de mettre en œuvre ce que nous avons reçu (19, 11-27 : parabole des pièces d’or), car il ne suffit pas d’attendre sagement le retour de Jésus, il faut, aujourd’hui et jusqu’au dernier jour, demeurer actifs. Jésus ne porte pas de jugement sur l’argent, mais sur la manière dont on s’en sert : l’argent au service des relations, et non comme un but dans la vie (relire la fiche 5).

 

Zoom : à Jéricho, (19, 1-10)
 

 

Un des chemins qui menaient les pèlerins de Galilée à Jérusalem passait le long du Jourdain. Il était moins tortueux que celui qui passait par les collines et les monts de Samarie, et il permettait d’éviter les rencontres avec des Samaritains, dont l’inimitié réciproque était bien connue. Ce chemin quitte la vallée du Jourdain peu avant la Mer Morte et passe par l’oasis de Jéricho, pour monter vers Jérusalem (l’histoire du bon Samaritain est à situer sur ce chemin escarpé, de 1.300 m. de dénivelé). Marc n’avait rien signalé de cet arrêt dans Jéricho (Mc 10, 46).

 

Pour éviter trop de digressions et commentaires, commencez par refaire le portrait de Zachée, d’après Luc. Redites ce qui a changé chez Zachée à la fin du récit. N’ajoutez pas les commentaires habituels sur son profil psychologique supposé, ses sentiments intérieurs, puisque Luc n’en dit rien. Il dit seulement : “Il cherchait à voir qui était Jésus”. Point ! Excepté sa taille on ne sait rien. De Jésus, qu’est-il dit de lui ? Quelles sont ses paroles ? Pourriez-vous dire que cette petite histoire confirme le fil conducteur que Luc développe au cours de son Evangile : “ Il est venu chercher et sauver ce qui était perdu” ?

 

“Collecteur d’impôt”, pour les contemporains de Jésus, c’est synonyme de corruption et de servilité vis-à-vis de l’occupant romain. Nous retrouvons une fois de plus la logique de Luc qui insiste sur le salut accordé à qui ne le mérite pas. Luc en rajoute : c’était un chef-percepteur, et il était riche. Or c’est à lui que Jésus s’adresse. Vous aurez remarqué que Zachée n’a rien fait pour « mériter son salut », sinon grimper dans l’arbre par désir de voir qui est ce Jésus. Mais, une fois le salut entré chez lui, c’est alors que s’effectue la conversion, et elle se manifeste dans le concret de l’existence, par le partage de ses biens. C’est ce que préconisait Jean Baptiste au début de l’Evangile (3,11). Comment cela concerne-t-il les disciples de Jésus aujourd’hui ? A quel accueil du salut, à quelles transformations de vie sommes-nous appelés ?

 

Derrière, la maison de Ben Gourion. Sycomore Israël  
Derrière, la maison de Ben Gourion.
Derrière, la maison de Ben Gourion.
 Le récit sur Zachée récapitule le pourquoi
de la venue de Jésus. Cette rencontre avec Zachée est la dernière étape du voyage. Voici Jérusalem en vue (v.11), où Jésus ira jusqu’au bout de son dépouillement, de sa solidarité avec les pauvres et les exclus. Au long de l’Evangile, différentes figures du salut ont été présentées, des figures négatives, comme le pharisien encombré de sa richesse religieuse, ou le notable prisonnier de sa richesse matérielle. D’autres figures ont accueilli Jésus, ainsi ces hommes méprisés, les collecteurs d’impôts ; d’autres figures : des pauvres, bénéficiaires de la Bonne Nouvelle comme l’enfant ou l’aveugle. Au milieu de ces gens, il y a Jésus qui sollicite et suscite la foi. Il accueille les petits et les méprisés, il mange avec les pécheurs. Il vient “chercher et sauver ce qui est perdu”. C’est lui qui a manifesté en paroles et en actes la Bonne Nouvelle du salut. En lui, Dieu a visité son peuple ; du plus petit des hommes, il en fait son ami. Certains ne l’ont pas accepté.

 

Pour aller plus loin.
 

 

“Or c’était un Samaritain !” (17,16)
Le récit de guérison des dix lépreux est des plus brefs. Les lépreux croisés par Jésus demeurent à distance, comme la Loi leur en fait l’obligation. Leur demande est celle adressée à tout passant, pour obtenir une petite pièce ou un peu de nourriture : aie pitié de nous ! Ce sur quoi Luc porte l’attention, ce n’est pas sur la guérison, “comme si c’était normal”, mais sur le fait que l’un d’entre eux revienne rendre grâce à Dieu et à Jésus. Or, c’était un Samaritain. Là est la pointe du récit de guérison. Il est le seul, lui, l’étranger, à propos duquel Jésus parle de foi et de salut : “ta foi t’a sauvé”. Il y a là sans doute une distinction à faire entre guérison (pour les dix) et salut, c’est-à-dire se retourner vers Dieu : seul cet étranger a reconnu et accueilli Jésus sauveur. Et les autres ? Luc n’en dit rien.

 

Apocalypses en Luc.
Deux discours se succèdent au sujet des derniers temps, 17, 20-21 et 22-37, l’un avec les pharisiens, l’autre avec les disciples. Les uns et les autres semblent ne pas avoir compris le message de miséricorde de la part de Jésus. Quand Luc écrit, il a en mémoire les récits sur la destruction de Jérusalem par les Romains après quatre ans de siège, entre + 66 et 70.. Au temps de Jésus on connaissait aussi les récits de catastrophes comme Sodome, ou comme la persécution anti-juive au temps des Maccabées. Cela pouvait servir d’images pour annoncer la fin du monde.


Les versets 20 à 37 sont une composition littéraire à partir de laquelle nous devons décrypter le cœur du message de Jésus. Tout d’abord, Jésus n’est pas venu pour annoncer la date du dernier Jour. Ensuite, cette fin peut survenir à n’importe quel moment, et même ses disciples ne seront pas épargnés. Enfin et surtout, le message c’est : “le Royaume de Dieu, il est au milieu de vous !!!” (v.21) Cette réponse au présent est dans la logique de “la Bonne Nouvelle aujourd’hui” (fiche 2), mais elle ne peut pas satisfaire ceux qui subissent souffrances et outrages. Nous pouvons penser aux premiers chrétiens, déçus, déstabilisés par les persécutions et parce que le retour annoncé du Christ commençait à tarder : quand et où viendra-t-il ? Nous pouvons penser aux chrétiens d’aujourd’hui désemparés par tant d’injustices, de guerres et de violences…


Les versets 24-25 font allusion à la Passion de Jésus ; les v.33-35, aux persécutions des premiers chrétiens. La phrase insolite « là où il y a un corps, là aussi se rassembleront les vautours » est une réponse énigmatique à la question insistante : “Où donc ?” (37). En 13,18-21 Jésus avait déjà laissé entendre que le Royaume c’est comme une graine qui pousse, ou du levain dans la pâte : ce n’est pas demain, c’est dans l’aujourd’hui que ça pousse ! Mais ça n’empêche pas les catastrophes. La parabole qui suit vient compléter la réponse énigmatique.

 

Prier sans se décourager. La parabole de la veuve et du juge (18,1-8) est sans doute une réponse à ceux qui doutent de Dieu et de la prière, en particulier au moment de l’épreuve, alors que Dieu semble inscrit aux abonnés absents. Là encore, il n’est pas inutile de penser aux prières des premiers chrétiens persécutés, qui demandent à Dieu de venger ses fidèles brisés par les ennemis. Le silence de Dieu est désespérant. Tous ces gens qui supplient, comme dans les psaumes, sauront-ils ne pas se résigner à l’injustice ? Autrement dit : “le Fils de l’Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ?” Aujourd’hui encore, il y a le risque de se résigner, de ne plus être levain dans la pâte, d’oublier que la charité active est le signe de la foi reçue et de sa mise en œuvre. Comme la veuve ne se résigne pas à l’injustice, ainsi nous-mêmes…

 

Monnaie Qumran Monnaie Qumran     Les pièces d’or. On peut appeler ce dernier récit de la section “Post-scriptum”. Concernant Jésus, le Royaume et le salut, tout a été dit de la relation de Dieu avec nous. Or certains s’imaginent que Jésus monte à Jérusalem pour restaurer “enfin” le Royaume de David et bouter dehors les Romains. La leçon de Jésus sur le jour et l’heure (17, 20-37) n’a pas été entendue, d’où cette mise en scène proposée par Jésus, à partir d’une histoire réelle. Dans cette allégorie, on peut remplacer chacun des personnages par Dieu, par Jésus, par différents groupes de gens. A chacun quelque chose est remis, symbolisé par les pièces d’or. C’est chacune de nos vies. Chacun en dispose à sa guise, en toute liberté, sans consignes imposées. Au jour du retour, le Roi pourra alors juger et savoir à qui faire confiance.
Cela ressemble à la parabole des talents en Matthieu 25. Mais Luc introduit trois thèmes, en prévision de ce qui va suivre lorsqu’on sera entré dans Jérusalem : le thème de la Royauté de Jésus, celui du délai pour sa manifestation, enfin celui de la haine de nombreux opposants/ennemis. Pour notre lecture et découverte de l’ensemble de Luc, il n’est pas nécessaire d’en dire plus.

 

Prier la Parole : Zachée, lendemain de visite


Seigneur Jésus, les mots me manquent pour te dire
la joie que j'ai éprouvée lorsque tu es venu dans ma maison.
J'ai compris que l'étroitesse de mon cœur était pire que ma petite taille.
Je ne sais quel confus désir m'a poussé à vouloir te voir.


Mais c'est toi qui m'as vu le premier et qui, de mon perchoir,
m'as fait tomber de stupéfaction,
en me déclarant vouloir venir chez moi. J'en suis encore renversé.

Tu me cherchais avec l'intention de me rencontrer
alors que je te cherchais avec une curiosité de badaud.


En me considérant comme un fils d'Abraham, tu as reconnu ma foi,
et moi, j'ai eu l'impression d'avoir été l'hôte de Dieu,
comme Abraham, au chêne de Mambré,
qui accueillit sous sa tente trois mystérieux visiteurs.


J'ai découvert que la foi est la manière pour l'homme
de donner, dans sa vie, l'hospitalité à Dieu,
qu'elle est une rencontre vivante et personnelle,
qu'elle suscite la conversion, qu'elle rend l'homme grand aux yeux de Dieu.


Je voudrais, Seigneur, que tous les Zachée du monde,
qui se pensent trop petits ou trop éloignés de toi,
puissent un jour te rencontrer en entendant quelqu'un leur dire, en ton nom:
Le Seigneur veut loger chez toi.

 

N’oubliez pas de faire parvenir vos questions ou découvertes à :
Lire l’Évangile, Maison diocésaine BP1016 – 62008 Arras cedex
ou à diocese@arras.catholique.fr

 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 4596 visites