Fiche 03 Actes 6-8,1 Maison d'Evangile

La gestion des biens et Sept. Etienne

Lecture d’ensemble

Les ch. 6 à 8,1 concluent la première partie du programme annoncé par Jésus “Vous serez mes témoins à Jérusalem” (1,8). Cette 3ème section présente un trait d’organisation de la première communauté : un conflit interne concernant la gestion des biens amène à la création du groupe des Sept. Une mission précise leur est confiée : gérer la vie matérielle de la communauté. La section présente ensuite Etienne, premier de la liste des Sept. Il est amené à proclamer la foi des chrétiens, suite à un conflit entre des chrétiens et certains Juifs. L’arrestation d’Etienne et son déferrement au Sanhédrin ressemble à l’arrestation de Jésus. S’ensuit alors un très long discours où Etienne expose la foi en Jésus en reprenant les grandes figures de la Bible. Trois thèmes parcourent le discours, d’une part la fidélité de Dieu agissant pour son peuple, d’autre part la présentation de Jésus comme “nouveau” Moïse et enfin la question du “lieu” où adorer Dieu. Ce peut être une occasion pour nous de découvrir avec Etienne et les premiers disciples, comment Jésus était présenté comme héritier de toute la tradition biblique. C’est vers Lui qu’elle converge : le Dieu de Jésus n’est autre que le Dieu des pères, Abraham, Isaac Jacob.
 
 Jésus relu à la lumière des Ecritures. Il faut se rappeler que, dans le récit d’Emmaüs (Luc 24), les évènements concernant Jésus sont mis en rapport avecIcône Luc écrivain  
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les Ecritures, mais sans citer aucun texte. Etienne, ici, rappelle des étapes de l’histoire du salut. Abraham, Moïse, David, Salomon et les psaumes sont évoqués. Ce peut être pour nous l’occasion de faire un parcours dans les Ecritures, autour de l’Alliance et de la Promesse ! Le parcours proposé par Etienne est sélectif. Il faut faire un réel effort pour entrer dans la logique d’Etienne qui veut convaincre des Juifs très hostiles à Jésus que Jésus, le Juste, est bien héritier d’Abraham, et qu’il peut être comparé à Moïse.
 
Au début du procès d’Etienne, on trouve des arguments semblables à ceux utilisés contre Jésus (procès selon Marc 14,58). Cela concerne les faux témoins au sujet du Temple. L’exaspération contre Etienne deviendra telle qu’ils vont le lapider. Luc fait reposer la responsabilité de la condamnation sur les autorités, comme dans son Evangile, et non pas sur le peuple. Le récit du martyre donne plusieurs traits à comparer avec la passion de Jésus. Lors de la lapidation, Luc introduit une nouvelle figure, un jeune étudiant nommé Saul. Après avoir signalé Barnabé au ch. 4, voici Saul. Luc prépare ainsi les fils avec lesquels il va tisser la tapisserie des Actes : Pierre, Jean, Barnabé, Saul, Etienne, Philippe, etc., tous acteurs et témoins de la Parole qui se répand grâce à eux, au souffle de l’Esprit.
 
Beaucoup de mots et de noms ne nous sont pas familiers. Hellénistes, Hébreux, le groupe des Sept, Cyrénéens, Alexandrins, Cilicie, synagogue des affranchis. Un mot cependant nous est trop familier pour nous étonner : frères. C’est le premier nom que se donnaient entre eux les membres de la communauté.
·         La distinction entre Hellénistes et Hébreux semble le reflet, à l’intérieur de la communauté chrétienne, d’une diversité du judaïsme à Jérusalem. Les Juifs hellénistes sont de culture grecque, la plupart nés hors de Palestine, ce qui ne signifie pas qu’ils soient plus “ouverts” que les Hébreux, Juifs nés en Palestine.
·         Les noms des Sept. Leur consonance est grecque et non hébraïque. Ce choix est dicté par la charge qui leur est confiée : la distribution de l’aide aux hellénistes les plus démunies (les veuves).
·          Cyrénéens, Alexandrins, Cilicie, Chypre. C’est l’occasion de parcourir la carte et de constater que, dès les débuts, la communauté de Jérusalem est constituée de gens d’origines très diverses. On se souviendra que Saul est originaire de Tarse, en Cilicie, Barnabé de Chypre… 
·         La synagogue des affranchis. Il y avait à Jérusalem plusieurs synagogues, soit par quartier, soit par regroupement ethnique (ne pas confondre le rôle des synagogues avec celui du Temple). Les synagogues servaient de lieu pour la prière, la lecture et l’assemblée du sabbat. Elles servaient aussi pour l’hospitalité due aux visiteurs et le soutien aux personnes dans le besoin. C’était aussi le lieu du “conseil de la communauté”, sous l’égide des anciens. La présence d’une synagogue des affranchis laisse entendre qu’on y retrouvait des Juifs qui avaient été esclaves (eux ou leurs ascendants), probablement sous Pompée, en 63 av J-C.
N.B. La période d’histoire juive entre Hérode et la destruction de Jérusalem (- 4 à + 70) est difficile à connaître, car les Romains ont cherché à supprimer toute trace des Juifs de Jérusalem par une destruction massive de la ville, pierre par pierre en 70 (Cf. Luc 21-22). Ce qui est dit dans les Actes semble conforme à ce qu’on connaît par ailleurs, en particulier par l’historien Flavius Josèphe.
 

Zoom : la création du groupe des Sept ch. 6, 1-7

Ce récit nous est familier. Prenons le temps de le décortiquer !
·         Une dispute survient au sujet de l’aide apportée aux veuves. Il faut se souvenir que les femmes dépendaient de leur mari, et qu’en cas de veuvage, rien n’était prévu pour leur venir en aide. Les communautés juives comme chrétiennes veillaient à fournir un peu de subsistance. Lors des assemblées eucharistiques, il y avait distribution des dons apportés par les uns et les autres. De cette organisation, la liturgie actuelle a gardé le geste de la quête et le lavement des mains. Que les étrangères soient moins bien traitées (désavantagées !) est, hélas, très humain.
·         La convocation d’une assemblée plénière délibérante dénote un mode de fonctionnement dans lequel les Douze invitent à prendre des décisions. Ils évoquent –déjà !- une question de disponibilité de temps pour le service de la Parole. Le service des tables ne doit pas devenir un handicap. Dans l’évangile de “Marthe et Marie”, en Luc 10, 38-42 était apparue la distinction entre l’écoute de la Parole et le service de la table, où Jésus n’oppose pas l’un à l’autre, mais rappelle la première place à donner à la Parole. Les apôtres font de même ici et demandent de trouver une solution. L’organisation doit leur permettre de respecter ce pour quoi ils sont appelés (cf. “Toi, va annoncer le Règne de Dieu !” Luc 9, 60). Leur rôle de présidence (selon notre langage actuel) est reconnu, puisque la décision est soumise à leur approbation et bénédiction.
·         Les Sept sont désignés pour l’activité caritative de l’Eglise. A retenir pour nous que l’attention et la réponse aux besoins d’une communauté a provoqué l’assemblée plénière pour trouver une organisation qui réponde au service de la Parole et au service de la charité. On peut souhaiter qu’à toute époque il en soit ainsi.
·         Frères, c’est ainsi que les Douze interpellent la communauté. Les lettres de Paul gardent les traces de cette manière de se désigner, mais bientôt, à Antioche un nouveau nom apparaîtra : le nom de chrétiens, Ac 11, 26.
Quand nous avons lu Marc et les multiplications des pains (ch. 6 et 8), nous nous sommes demandé la signification des chiffres 12 et 7 ! 12, symbole de la totalité du peuple juif, 7, symbole de la plénitude et probablement chiffre des païens. Sans doute évoquent-ils à leur manière la présence de baptisés d’origine juive et d’autres d’origine gréco-romaine : aux uns comme aux autres Jésus accorde le pain de Dieu pour que tous soient rassasiés au-delà de leurs besoins. Ce récit peut nous questionner aujourd’hui, nous inviter à trouver des solutions pour que soit honorée par l’Eglise l’annonce de la Parole, sans négliger les autres charges. Appel aussi pour que chacun ait sa place et soit reconnu dans la communauté.
 

Le discours d’Etienne

Bible illlustrée Gustave Doré Martyre de St Etienne  
Bible illlustrée Gustave Doré
Bible illlustrée Gustave Doré
Etienne va se montrer brillant prédicateur, lui qui avait été missionné pour une activité caritative. Le mobile de son arrestation est dicté par l’énervement des autorités de ce qu’on parle encore de Jésus. Points de doctrine relevés : blasphème contre Moïse (= la Loi) et contre Dieu, paroles contre le Temple. Etienne ne nie pas, il confirme et explique.
1-      Etienne évoque l’action de Dieu et sa fidélité pour ceux qu’il a choisis : Abraham, Jacob et sa descendance, Moïse et le temps au désert, David, puis Salomon. L’Alliance et Promesse sont l’initiative de Dieu. Après avoir fait allusion aux prophètes rejetés, Etienne rappelle le rejet du Juste (Jésus) par ceux à qui il s’adresse maintenant (v.51-53).
2-      La présence de Dieu se vit dans l’itinérance. Avec Abraham, Jacob et ses descendants puis Moïse et le temps au désert, jusqu’à David, la relation de Dieu avec ses élus se fait au fil du chemin : pas de lieu fixe. Abraham dresse un autel fait de quelques pierres, là où il s’arrête (Genèse 12) : Dieu est itinérant. Ce fut une révélation du prophète Ezéchiel d’affirmer que Dieu sait aller à la rencontre de son peuple hors de son Temple, révélation donnée dans la vision du char de feu (multidirectionnel) qui se déplace et va rejoindre les exilés (Ezéchiel 10). Cela annonce le débat sur le lieu où Dieu se tient, objet du conflit entre Etienne et les autorités.
3-      Le lieu où Dieu se tient. Trois phrases sont à relier entre elles : “Il ne lui donna aucune terre en partage, pas même de quoi poser le pied” (7,5) ; à rapprocher de la parole à Moïse : “le lieu où tu te tiens est une terre sainte” (7,33) ; à rapprocher enfin de la réflexion en forme de reproche à propos du Temple construit par Salomon : “Pourtant le Très-Haut n’habite pas dans des bâtiments faits par l’homme” (7,48). Telle est la réponse d’Etienne à ses accusateurs à propos du Temple. La finale (atterrissage) de son homélie-réquisitoire est des plus percutantes : “Hommes à la tête dure, votre cœurs et vos oreilles ne veulent pas connaître l’Alliance : depuis toujours vous résistez à l’Esprit ”… vous venez de livrer et de mettre à mort explicitement le Juste”(7, 51-52) ! Dans les derniers versets des Actes, nous verrons Paul déclarer aux Juifs : peuple au cœur épaissi, dur d’oreilles, yeux bouchés… (28,27). Etienne, comme Paul plus tard, reproche aux Juifs d’avoir voulu enfermer Dieu dans le Temple et ses prescriptions. A nous aujourd’hui d’avoir une spiritualité “ouverte” et non “fermée” sur la présence de Dieu auprès de nous.
Piste pour un travail personnel : la comparaison Jésus/Moïse.
A plusieurs reprises, le discours d’Etienne renvoie à Moïse, et semble établir comme un parallèle entre la figure de Moïse et Jésus le Juste. Pour ceux qui possèdent la traduction de la TOB (Traduction œcuménique de la Bible) ou de la BJ (Bible de Jérusalem), plusieurs notes renvoient à l’Exode et à Moïse. Cela peut aider à découvrir les rapprochements Moïse/Jésus.
 
Conclusion. Après la crise qui a entraîné la création du groupe des Sept, une autre crise est survenue avec l’’arrestation et l’exécution d’Etienne. Dès lors, la communauté va éclater hors de Jérusalem. Dans notre lecture continue des Actes, nous découvrons que la Parole de Dieu se développe au milieu des crises et des difficultés. Ce sera redit pour Saul dans la section suivante : “Cet homme est l’instrument que j’ai choisi pour faire parvenir mon Nom auprès des nations païennes, auprès des rois et des fils d’Israël. Et moi, je lui ferai découvrir tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon Nom” (Ac. 9, 16) Peut-être faut-il s’en souvenir aujourd’hui encore : le chemin de la Parole passe par des crises ; ne nous effrayons pas et apprenons à discerner les attentes de Dieu au-delà des nôtres.
 

Prier la parole

 
Donne à ton Eglise la fraîcheur et la force
Nous te prions, Seigneur, pour ton Église,
Et pour chacun de nous qui composons cette Église.
Aide-nous à l'aimer telle qu'elle est,
Dans ses grandeurs et dans ses faiblesses.
 
Aide-nous à reconnaître son unité
Dans les mille visages de ton peuple.
Aide-nous à surmonter les divisions,
à éviter les jugements hâtifs et à bannir les caricatures.
 
Aide-nous à découvrir, au-delà des apparences,
L’immense réseau des saintetés cachées
Qui sont les pierres vivantes de l'Église.
 
Apprends-nous à ne pas la bâtir comme un chantier programmé,
Mais à la laisser pousser et grandir
Sous le soleil d'un Dieu imprévisible.
Puisse ton Église trouver la fraîcheur et la force
Dont elle a besoin pour annoncer l'Évangile aujourd'hui.
 
Qu'en renforçant les liens de l'unité entre les évêques,
Les prêtres et les laïcs, elle renforce aussi l'Espérance.
Qu'elle apparaisse aux yeux de tous
Comme une porte ouverte et une source de vie.
Qu'elle soit toujours davantage l’Eglise des pauvres et des saints.
 
Prières en liberté Jean-Pierre Dubois-Dumée. DDB
 
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Lire l’Évangile, Maison diocésaine BP 1016 – 62008 Arras cedex
ou à hennart-eh@orange.fr
 

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