FAQ-5-Actes 13 à 15, 35

D'Antioche à Antioche. Première mission hors de Palestine

Cette page répond à quelques-unes des questions posées en maison d'Evangile pour la lecture des Actes des Apôtres, ch. 13 à 15, 35.   Il est utile d'avoir d'abord lu ces chapitres ainsi que la fiche d'accompagnement n°5

 

 

Pourquoi l’Eglise d’Antioche a-t-elle imposé les mains à Barnabé et Saul, avant le départ?


La main est en quelque sorte le prolongement de la personne. Dans la Bible, imposer les mains revêt plusieurs significations : bénédiction, rites sacrificiels, bouc émissaire, rite d’initiation… Par le geste de la main, Jésus bénit et guérit, de même les disciples. Les évangiles signalent cette attitude de Jésus sur des personnes possédées du démon et qui, par sa grâce, deviennent habitées de Dieu. (Matthieu 9,18 ; Marc 5, 23 ; 7, 32). Imposer les mains devient le signe d’un pouvoir sur les personnes imposées. Ce geste est aussi une manière de confier une charge à une personne désignée, de transmettre une fonction (émissaire royal ou porte-parole). Plusieurs fois ce geste est associé au don de l’Esprit. Le geste de la communauté d’Antioche envers Barnabé et Saul manifeste de la prière de cette communauté et de la charge confiée. Barnabé et Saul ne partent pas en mission d’eux-mêmes, mais envoyés par la communauté. Nous devrions vivre du même dynamisme et de la même attitude dans nos parooisses d'aujourd'hui !

 

Barnabé et Saul avaient-ils un itinéraire?

 

Difficile de répondre à la question, car rien ne le précise. Nous pouvons seulement constater le travail de rédaction de Luc pour l'ensemble de son livre. Son projet est de manifester comment la Parole de Jésus progresse depuis Jérusalem jusqu'au coeur de l'empire romain à Rome. Après l'étape à Jérusalem (Actes 1 à 7) Luc nous a montré l'expansion des chrétiens, un peu malgré eux : en Samarie, en Judée, jusqu'à Gaza ou Joppé. Avec le chapitre 13, une nouvelle étape va être franchie: hors de la Palestine. Bien sûr il a déjà été signalé la présence de chrétiens à Damas, à Antioche, mais la mission confiée par la communauté d'Antioche à deux de ses membres témoigne d'une volonté d'ouverture de porter au loin la Parole de Jésus. C'est de proche en proche que se fera la progression : Chypre est tout proche d'Antioche. Cependant on voit le souci de Paul d'aller dans les grandes villes. Il utilise les itinéraires maritimes et terrestres que sont les grandes voies romaines. (voir carte). En quittant le proconsul il est probable qu'il ait eu les adresses de quelques amis sur la côte. A peine débarqué en Asie mineure, Paul et Barnabé vont dans une ville et ainsi de suite, de ville en ville. Certains supposent que Paul   avait envisagé, depuis Iconium et Derbé, de se rendre jusqu'à Tarse. Mais des problèmes climatiques, (routes non pratiquables) l'ont amené à rebrousser chemin pour rejoindre par mer Antioche. Le voyage suivant, section 6, ch. 15,36 à 20, commence par la visite des communautés fondées précédemment, mais Paul va pousser "plus loin".

 

Qui sont les femmes influentes ?


Les ch. 13 à 20 des Actes sont une période décisive où s’exprime la rencontre de la culture judéo-chrétienne avec le monde hellénistique : présence des femmes, et de femmes influentes, chefs d’entreprises. Au ch. 16, Lydie, est une marchande de tissus pour l’armée romaine… ce n’est pas n’importe qui !. Dans les synagogues de la diaspora, on rencontre à la fois des circoncis (juifs) et des non circoncis craignant-Dieu (ch. 13 à Antioche de Pisidie). Ces éléments au fil de la lecture montrent qu’on change progressivement d’univers.


La fin de la présence de Saul et Barnabé à Antioche est marquée par le front du refus qui commence à s’exprimer, surtout après le choix des apôtres d’aller vers les païens. “ Mais les Juifs montèrent la tête aux dames influentes qui adoraient Dieu ainsi qu'aux notables de la ville ; ils suscitèrent de la sorte une persécution contre Paul et Barnabé et les chassèrent de leur territoire. Ceux-ci, secouant contre eux la poussière de leurs pieds, se rendirent à Iconium. Ac 13, 50-51)

 

Progressivement, avec Luc et Paul nous entrons dans une autre civilisation que la juive : la civilisation gréco-romaine. Il y a d’abord le changement de nom de Saul en Paul, lors de la première rencontre avec un officiel romain à Chypre (Actes 13,9) ; puis le discours à Antioche ch. 13 qui s’adresse aux Juifs et aux craignant-Dieu dans la synagogue. Or les craignant-Dieu ne sont pas des gens circoncis ! Or à Antioche, ils se fréquentent même dans la synagogue. En monde Juif, il n’existe pas de femme chef d’entreprise, les femmes ne sont pas présentes aux assemblées ; mais en monde gréco-romain, cela est possible (par exemple Lydie, de Philippes, Actes 16, 11-15). La femme y est beaucoup plus indépendante. A plusieurs reprises on parle de femmes influentes, notables, ou de la haute société, qi ont toute leur place dans la société, chose impossible en monde Juif.

 

A la synagogue d’Antioche, il n’y a pas que des Juifs circoncis ?


Les synagogues sont d’abord lieu de rencontre pour la lecture et les commentaires des Ecritures, lieu de prière, pour les Juifs circoncis. C’est aussi le lieu ordinaire de l’hospitalité pour les frères Juifs qui viennent d’ailleurs. Lorsque Jésus revient à Nazareth, on lui propose de faire le commentaire de l’Ecriture, et de ce qu’il a appris au cours de son voyage-pèlerinage à Jérusalem ou au bord du Jourdain (Luc 4,13) Toute synagogue devait accueillir le frère de passage (pas l’étranger païen). Ceci explique le bon accueil de départ réservé à Paul dans chaque ville.

 

A lire le discours de Paul à la synagogue d’Antioche on constate qu’il y a des circoncis et des craignant-Dieu, c’est-à-dire des païens qui observent la Loi juive, excepté la circoncision. En territoire juif, à Jérusalem en particulier, cela ne pouvait pas être possible en raison des règles sur le pur et l’impur. Mais nous sommes ici hors de Judée, en territoire païen, avec la diaspora qui, depuis longtemps s’est ouverte à son environnement et accepte en son sein des personnes non circoncis, mais “craignant-Dieu”. Paul originaire de Tarse a du faire cette expérience dans sa ville natale. Cela ne le dérange pas… Il lui fut même plus facile qu’à Pierre de reconnaitre que Dieu ne fait pas de différence entre les personnes (Ac. 10 et 11).


Cependant l’ouverture de Paul aux païens et sa manière de parler du Dieu de Jésus-Christ sont très vite contestées par les Juifs des synagogues, d’où le choix de Paul d’aller aux païens. La fin du sermon à Antioche en Actes 13, 38-39 est évidente + 13, 44-48 : “ C'était à vous d'abord qu'il fallait annoncer la parole de Dieu. Puisque vous la repoussez et ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les païens !” Lire aussi Actes 28-28, conclusion du livre qui est une parole adressée aux Juifs de Rome ! “ "Sachez-le donc : c'est aux païens qu'a été envoyé ce salut de Dieu. Eux du moins, ils écouteront." On ne peut être plus clair.

 

Qui sont les "certaines gens venues de Judée?

 

L'expression qui ouvre le ch. 15 laisse entendre que Luc connaissait les personnes nommément, mais ne voulait pas donner leur nom. Luc n'a pas envie de raviver des plaies encore vives au moment où il écrit. Il n'y avait pas unanimioté des chrétiens pour accepter le baptême des païens sans passer par le joug de la Loi mosaïque. Luc écrit aussi pour favoriser l'unité et non pour relancer les divisions.

 

Cependant nous avons un autre récit de ce qui s'est passé, dans le lettre de Paul aux Galates ch.2. Paul n'hésite pas à parler du conflit violent entre lui et Pierre, au sujet de la présence de paîens devenus chrétiens, mais non circoncis. A l'arrivée de chrétiens de Jérusalem, judéo-chrétiens, ¨Pierre a eu une attitude équivoque, en retrait par rapport à ce qu'il avait précédemment accepté. Cela peut nous sembler lointain. Malgré le beau récit du baptême de Corneille par Pierre, on ne peut pas dire que tous furent convertis et ouverts aux païens. Le chapitre 15 des Actes témoignent de la difficile progression des idées. En clôture du concile de Jérusalem, Jacques, au nom de tous écrit: "l'Esprit-Saint et nous avons décidé",  mais tous ontils accepté d'y voir une présence de l'Esprit-Saint. A chacun des conciles (assemblées générales) organisés par l'Eglise il y eut des opposants niant que l'Esprit-saint ait été à l'oeuvre dans ces assemblées. Vatican II n'échappe pas à la règle. 

 

S'abstenir de l'idolâtrie, des unions illégitimes, OK mais de la viande non saignée???

 

 La lettre de Jacques, accepte que les noouveaux baptisés d'origine païenne, ne portent plus sur eux le signe de l’Alliance (la circoncision héritée d’Abraham et imposée depuis l'Exil). Cela est conforme à l'enseingement de Paul à Antioche : ce pardon/réconciliation que vous n’avez pu obtenir en observant la Loi de Moïse, vous l’obtenez en Jésus-Christ en croyant qu’il est l’envoyé de Dieu, le Messie. Sur ce point ce n’est pas seulement un assouplissement du joug de la Loi, mais un changement radical sur “de où nous vient le salut?" 

 

Sur les autres demandes, il y a d’une part des règles de moralité et, d’autre part, des règles pour ne pas “choquer les esprits un peu plus faibles”. Paul y revient dans la lettre aux Corinthiens, ch. 8.Sur la viande saignée, ce n’est pas un détail, car la Loi juive demande de ne pas manger de viande non saignée par respect de Dieu. Le raisonnement, exprimé de manière simplifié est à comprendre ainsi : le sang représente la vie. Or la vie c’est Dieu, on ne peut donc pas toucher à la Vie, c’est-à-dire à Dieu lui-même. On retrouve ce raisonnement dans le refus la transfusion chez les Témoins de Jéhovah. Dans notre mentalité moderne, le sang n’a plus la force symbolique des temps anciens. Aujourd’hui c’est le transport d l’oxygène et autres nourritures pour la vie des cellules. Pour eux, c’est tout autre chose.

 

Toute la vie de Paul est l'expression  d'un combat, et bien après son passage, partisans et adversaires de l’annonce aux païens s'opposeront sur l'obligation ou non de se faire Juif d’abord. Cela peut-il nous consoler des égarements et conflits actuels ?
 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 5277 visites