Les premiers seront derniers! Qu'est-ce?

25ème dimanche ordinaire

Isaïe 55, 6-9 ; Philippiens 1, 20-27 ; Matthieu 20, 1-16

 

Combien Jésus est éloigné de nos pratiques dites libérales, surtout en économie. Dimanche dernier déjà, nous étions invités à mesurer l’attitude de ce grand propriétaire qui, sitôt sa très lourde dette remise s’empressait de mettre en prison un de ses débiteurs qui lui devait quelque peu. Il n’était pas difficile d’actualiser à propos de la dette des nations, tant cela nous est rabâché aux oreilles : quelle comparaison entre la très lourde dette des Américains, à propos de laquelle on passe aisément et de la très légère dette de la Grèce eu égard à celle de l’Amérique. Comment ne pas recevoir le commentaire de l’Evangile comme une invitation à mettre de l’ordre, de la morale -comme disent nos ministres- dans les affaires de nos sociétés et dans l’éducation des enfants des peuples.

 

Et voici que le récit de Matthieu nous rapporte une de ces paraboles de Jésus qui sent le souffre, tant nos pensées sont éloignées de celles de Dieu… Voici un vigneron qui recherche des ouvriers pour quelques jours de vendanges. Il y a tant de chômeurs (déjà au temps de Jésus dans la Palestine envahie par les latifundia romaines, qu’il n’est pas difficile d’embaucher à toute heure, sur la lace publique). Et voici qu’au soir de cette belle journée, le maître fait remettre par son comptable une même somme d’argent, au dernier, comme au premier venu. Nous aussi, serions étonnés si l’on remettait la même salaire à chacun, plutôt que de respecter l’échelle des salaires actuelle, de 1 à 40 selon des critères qui laissent encore à désirer. Rassurez-vous, l’Evangile n’est pas un traité d’économie, mais un récit de sagesse où le bon sens affleure plus qu’on ne pense.

 

Et pourtant, à ceux qui ne travaillent même pas une demi-heure dans la journée, la société ne leur procure-t-elle pas un salaire minimum, un RSA, de quoi vivre (ou survivre) dans une société qui fait semblant d’être protectrice du pauvre, de la veuve et de l’orphelin. Ecouter l’Evangile ne dispense pas d’entendre la remise en cause de notre regard sur autrui. Il y a belle lurette qu’on a abandonné le principe de l’année sabbatique on l’on remettait les compteurs à zéro, question dette… comme le Père remet votre dette, remettez à votre tour, la dette à votre voisin !

 

Ce qui importe dans l’Evangile, ce n’est pas “le même salaire pour chacun”, mais plutôt le regard et l’attitude d’avidité de ceux qui s’estiment honnêtes et même plus honnête que leur prochain. Acceptons de continuer l’actualisation de paroles pourtant fort anciennes : qu’il s’agisse de valises africaines ou d’enveloppes parfumées, notre société est tellement confrontée à des fonctionnements bizarres qu’il vaut la peine de tout remettre à plat. “Le premier sera dernier, et le dernier premier”, est-il écrit quelque part. Avant d’en arriver là, reconnaissons que nos pensées sont fort éloignées de celles de Dieu (parole, non de Jésus, mais d’Isaïe).

 

L’Eglise est souvent plutôt silencieuse sur ces questions, et pourtant Benoît XVI a plusieurs reprises, récemment encore a insisté sur la nécessité de faire la vérité. Il rappelait l’exigence de justice et de charité devait guider les institutions et la culture pour une vie sociale au service du bien commun (Caritas in Veritate). Mais nombre de chrétiens sont plus sensibles à ses paroles sur le retour de la messe en latin, l’abandon progressif des intuitions de Jean XXIII. Il lui arrive pourtant d’aller à contrecourant de ces “bons apôtres” qui refusent d’aller à Assise. Quel est donc l’enseignement du saint d’Assise, sinon de se déposséder de ses richesses et de les donner aux pauvres.

 

On comprend ainsi mieux les raisons qui poussent certains refuser d’aller Assise, il leur faudrait devenir pauvre selon l’esprit de Jésus et de saint François ; il leur faudrait aussi accepter que Dieu distribue son amour sur eux, comme sur les autres même s’ils ne sont pas de la même religion : “Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? Ainsi les derniers seront premiers et les premiers derniers. Prochainement les maisons d’Evangile pourront lire en Matthieu 8, 11 : “Aussi, je vous le dis, beaucoup viendront du levant et du couchant prendre place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des cieux, tandis que les héritiers du Royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors : là seront les pleurs et les grincements de dents."


Abbé Emile Hennart