Produire des fruits en leur temps.

27ème dimanche ordinaire

Isaïe 5, 1-7 ; Philippiens 4, 6-9; Matthieu 21, 33-43.

 

Il est utile de connaître le contexte dans lequel Matthieu situe la parabole des vignerons, ce récit où Jésus met en scène le propriétaire d’une vigne et des vignerons à qui il loue cette vigne. Au début du chapitre 21, Jésus entre à Jérusalem, et le climat d’hostilité à son égard s’envenime. C’est tout autre chose qu’en Galilée où Jésus est assez libre d’agir, de guérir et d’enseigner.

 

Bien sûr il y avait eu quelques escarmouches, mais ici, à peine entré dans Jérusalem, les autorités religieuses qui se considèrent comme propriétaires des lieux et des pèlerins interpellent Jésus sur l’autorité qui lui aurait permis de dire et faire de telles choses. Jésus leur avait fait comprendre que leur attitude avait transformé le Temple en caverne de bandits. La crise ouverte éclate donc dans ce chapitre. Quelques lignes après la parabole des vignerons, Matthieu rappelle les paroles de Jésus aux autorités : “Collecteurs d’impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu”. Ce ne sont pas des paroles sympathiques adressées aux autorités. Luc, à plusieurs reprises, parle de piège tendu à Jésus par les chefs de Jérusalem. Inutile d’en dire davantage sur le climat exécrable entre Jésus et les autorités de Jérusalem. La parabole des vignerons éclaire le paysage conflictuel entre Dieu et ceux à qui il a confié de gérer son peuple, le peuple de l’Alliance.

 

Les vignerons-métayers refusent de payer ce qui est dû au propriétaire du terrain et veulent, en outre s’emparer de l’héritage. Dans sa manière bien particulière de raconter l’histoire, Matthieu fait dire par les accusateurs de Jésus ce qu’il faut faire à ces métayers peu délicats : “Le maitre fera périr misérablement ces misérables et il donnera la vigne en fermage à d’autres…” Les interlocuteurs de Jésus comprennent alors qu’ils se sont eux-mêmes jugés en condamnés en parlant come ils l’ont fait. (Malheureusement le liturge qui a choisi ces textes a oublié la finale du récit où pharisiens et grands-prêtres comprennent... Dommage!)

 

Cette histoire de propriétaire et de vignerons peu scrupuleux, nous la trouvons déjà présentée par le prophète Isaïe (ch.5). Il n’est donc pas difficile de comprendre que Matthieu reprend cette histoire à l’intention du conflit Jésus-autorités juives, mais aussi des chrétiens d’origine juive, présents dans ses communautés syro-palestinienne qui voulaient reprendre les attitudes et les habitudes des anciens, grands-prêtres et chefs en Israël d’avant la destruction de Jérusalem. Dans le dilemme entre suivre les disciples de Jésus et suivre les anciens responsables en Israël, la décision de Matthieu est claire. C’est bien aux communautés issues du courant de Jésus qu’il appartient de produire des fruits qu’ils remettront e temps voulu au Père… Il n’est donc pas question de faire comme avec les anciens locataires de la vigne.

 

Il ne faut pas seulement lire cette histoire comme interpellation personnelle, il faut aussi y voir comment des courants de pensée parcourent la vigne qu’est l’Eglise en regardant en arrière, au lieu de chercher à produire des fruits en son temps.

 

Le 11 octobre 1962, Jean XXIII invitait l’Eglise universelle à ce renouvellement en déclarant au second Concile du Vatican : “Ce précieux trésor nous ne devons pas seulement le garder comme si nous n’étions préoccupés que du passé, mais nous devons nous mettre joyeusement, sans crainte, au travail qu’exige notre époque, en poursuivant la route sur laquelle l’Eglise marche depuis près de vingt siècles”… “Il faut que cette doctrine certaine et immuable soit étudiée et exposée suivant les méthodes de recherche et la présentation dont use la pensée moderne”. Jean XXIII, discours d’ouverture, 11 octobre 1962.


Puissions-nous produire, au XXIème siècle, des fruits qui ne soient pas blettes ni rassis par le temps, mais des fruits que pourront goûter les hommes de ce temps afin d’offrir à Dieu un sacrifice agréable et toujours nouveau, fruits de la terre et du travail des hommes d’aujourd’hui. EH.