Les invités au repas de noces

28ème dimanche ordinaire

Isaïe 25, 6-9 ; Philippiens 4, 12-20 ; Matthieu 22, 1-14.

 

Nous connaissons tous l’histoire de ces invités à la noce et qui ont mille raisons de refuser l’invitation “Venez tout est prêt !” Non seulement ils refusent, mais ils maltraitent et tuent les serviteurs envoyés leur rappeler l’invitation à la fête. Sans doute sommes-nous choqués par la colère du roi qui fait périr les meurtriers. Pourtant la parabole continue avec l’appel lancé à d’autres, non-invités, des mauvais comme des bons qui trainent les chemins. Tous sont invités mais tous ne se sont pas préparés à faire le passage vers ce monde proposé par le roi. Ils ont gardé leur attitude ancienne, leurs anciennes habitudes. Il ne s’agit pas seulement de vêtement comme le dit l’évangéliste, mais bien plutôt de ceux qui viennent à la bergerie déguisés en moutons, mais au-dedans d’eux-mêmes sont des loups. (Matthieu 7, 15)


Cette parabole est donc choquante si l’on oublie les conditions des chrétiens pour qui Matthieu reprend et adapte les paroles de Jésus. En insistant sur l’exécution des premiers invités, Matthieu pense sans doute au premier Israël dont la ville sainte, Jérusalem, vient d’être détruite quelques années auparavant. Sans doute tente-t-il une explication à l’inexplicable. Rappelons-nous que les chrétiens de ces communautés sont presque tous d’origine juive qui ont dû fuir l’hostilité des Juifs fidèles à la Loi de Moïse et hostiles à la nouveauté de Jésus-Christ. La destruction de Jérusalem, quelque dix ans auparavant reste pour eux un scandale inexpliqué. Matthieu tente une interprétation. Il précise même que certains sont entrés dans la communauté chrétienne tout en gardant leur hostilité fondamentale au Christ, espérant un retour au légalisme juif (les loups déguisés en brebis, l’homme qui ne porte pas le vêtement de noces). On peut reprocher à Matthieu sa tentative d’interprétation “à chaud”, interprétation de la ruine de Jérusalem qui n’est pas seulement spiritualiste, explication qui correspond aussi, dans ses conclusions, à la parabole des vignerons homicides.

 

Aujourd’hui beaucoup de chrétiens essaient de conformer leur vie à celle de Christ Jésus en privilégiant la seule dimension sacrificielle de la lettre aux Hébreux. Or nous avons ici une mise en garde que l’on retrouve dans le sermon sur la montagne : Il ne suffit pas de dire Seigneur ! Seigneur !, pour entrer dans le Royaume de Dieu. Encore faut-il poser les actes qui manifestent cette conversion, l’amour du prochain, la charité envers le frère, fut-il un inconnu, un rom ou un migrant. Mgr André Vingt-Trois semble l’avoir rappelé au nom de la commission permanente de l’épiscopat : on ne peut séparer la dimension solidarité de la dimension croyante. Chacun n’est pas un être isolé sont seule compte la relation personnelle avec Dieu, encore faut-il que la relation au frère, celui tombé sur le chemin de Jérusalem à Jéricho par exemple, ou ce petit, malade, en prison ou affamé à qui l’on aura donné ne serait-ce qu’un verre d’eau.

 

L’invité mis dehors de la maison en fête n’est pas le résultat d’une lubie du maître, mais la conséquence d’actes qui démontrent une absence de conversion. Quand dans l’évangile de Matthieu Jésus pousse le respect de la loi par ces expressions “On vous a dit… moi je vous dis…” Jésus pousse la Loi à avoir comme critère de l’agir non seulement ce qui est écrit dans la Loi, mais aussi ce qui est écrit au fond du cœur : la loi d’aimer.


Dans quelques semaines, fin octobre, nous aurons d’autres paroles très dures de Jésus traitant d’hypocrites et de "religieux de façade" ceux qui soignent leur extérieur aux yeux des hommes (n’ayons pas peur de lire tout le chapitre 23 de Matthieu). L’Evangile de Matthieu, plus que Marc ou Luc est un évangile “en situation” où l’évangéliste ne craint pas d’appeler un chat un chat. Il ne suffit donc pas de dire Seigneur, Seigneur !, et de faire ses prières dans le Temple sacré pour avoir accès au Repas du Royaume. EH