Annoncer la Parole, chasser les démons

Quinzième dimanche ordinaire

Amos 7, 12-15 ; Ephésiens 1, 3-14 ; Marc 6, 7-13.


La semaine dernière, c’est à propos d’Ezéchiel qu’étaient évoquées les difficultés de prononcer la parole de Dieu dans le pays. Ezéchiel est prévenu que ceux à qui il s’adresse sont des révoltés contre Dieu et des obstinés. Or, il est provoqué par Dieu à continuer à parler au nom de Yahvé. Dans l’Evangile il était rappelé que Jésus a été “mal reçu” dans son village natal, avec l’expression : un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison…

 

Ce dimanche, c’est une autre péripétie du prophète qui est évoquée. Pour comprendre la situation, il faut savoir que les rois avaient leurs prophètes patentés (pas nécessairement par le Seigneur). C’est l’un d’eux, Amasias, qui expulse le prophète Amos : ici tu es sur le domaine du roi… va-t-en voir ailleurs !

 

D’une certaine manière, les lectures d’aujourd’hui prolonge la question du rejet du prophète par Israël… Y a-t-il des domaines réservés ? Lorsque Pie XI a réfléchi sur l’éventualité d’un futur concile, il s’était déjà fort soucié de la manière d’être présent à la société. C’est avec Jean XXIII que les portes s’ouvriront. Au cours de ce concile il y eut bien des discussions, des débats pour savoir quelle attitude prendre dans les nouveaux rapports : seraient-ils d’opposition et de condamnation ? Seraient-ils de dialogue où les uns et les autres peuvent s’apporter mutuellement… Les pères du Concile ont choisi la voie du dialogue. A l'époque, la conviction des manuels de théologiecontinuait l'idée que le monde n’était que mauvais, et bien des homélies distillaient les condamnations et mises en garde. Un nouveau comportement cependant se développait depuis le début du siècle. Le ralliement à la République demandé par les papes, la conscription obligatoire pour les prêtres, changeaient peu à peu les a priori.


Cependant la question fut longtemps tranchée : “A l’Eglise, on ne fait pas de politique !" Pourtant l’Eglise a-t-elle quelque chose à dire à propos des lois sur l’immigration. De même dans le domaine économique, elle n epeut se taire et doit rappeler que certains fonctionnements posent questions. Amos rappelait les origines de sa vocation… “Je n'étais pas fait pour cela !” Mais c’est cela que je suis chargé de dire au nom de Yahvé."

 

Notre fidélité aujourd’hui au Christ ressuscité ne signifie pas silence sur la condition existentielle de l’homme et elle oblige à de nécessaires évolutions du langage et du comportement de l’Eglise au milieu des hommes, comme le rappelait Mgr Jaeger aux ordinands en juin.


Dans cet l’évangile de Marc 6, nous voyons le Christ donner quelques consignes au moment de l’envoi en mission. Il ne met pas en veilleuse le risque d’être mal accueilli voire rejeté. Selon Marc il semble bien que cette première mission fut un succès, au point que les foules accourent vers Jésus. Mais nous savons aussi que, plus Jésus avançait vers le cœur de la religion (Jérusalem), plus les obstacles et les rejets se sont multipliés. Les conflits se sont envenimés parce que le Christ interrogeait une religion rituelle pour la provoquer à une religion qui mette en avant la proximité et le service des pauvres, des derniers. Ceux-là sont venus au repas de communion initié par Jésus dans ce même chapitre de Marc (multiplication des pains que nous ne lirons pas, hélas). C’est aussi dans cet ensemble (ch.7) que Jésus accepte le dialogue avec la femme païenne, Syro-Phénicienne… jusqu’à lui accorder les miettes du pain de Dieu que lui refusaient les officiels, au nom de la séparation entre purs et impurs...

 

Sujet bien grave pour un mois de juillet ! Le temps de l’été est pour beaucoup un temps où l’on papillonne, où l’on a davantage le temps de voir ailleurs, de recevoir plus sereinement des paroles qui peuvent nous ressourcer. Réjouissons-nous de ces moments. Le cœur et l’esprit plus légers, nous pouvons mieux nous représenter en image être comme les apôtres dans la plaine de Galilée, envoyés par monts et par vaux pour inviter autour de nous à se retourner (convertir) vers le Seigneur. Quatre verbes étaient proposés à notre méditation lors du lancement du projet diocésain d’annonce et de catéchèse : “accueillir, rejoindre, proposer, accompagner”. Ces mots ne peuvent-ils inspirer notre méditation au moment où Marc nous présente Jésus envoyant ses disciples. C’est bien au milieu des bruits du monde, en aimant le monde comme le Christ et son Père l’aiment. Dans le champ du monde il y a place pour tous les ouvriers qui répondent à l’appel du Christ : venez vos aussi à ma vigne !
 

Abbé Emile Hennart