Introduction du livret Evangile de Jean

Courte présentation de Jean et de son Evangile

Le désir de découvrir le quatrième évangile dans sa totalité l’emporte sur des appréhensions légitimes. Pour quelques maisons d’Evangile c’est une première expérience de lecture en continu, de lecture à plusieurs. Il faudra se familiariser avec les règles du jeu (fiche 0), accepter de ne pas tout comprendre en une seule lecture. L’essentiel pour tous, anciens et nouveaux lecteurs, est de regarder les personnages dont nous parle saint Jean, de regarder la manière dont Jésus se rend proche d’eux, en paroles et en actes. C’est une invitation à découvrir la manière dont ces gens rencontrent Jésus et lui parlent. Ne sommes-nous pas l’un d’eux à la recherche de Jésus ? Il est de Dieu et il est venu habiter au milieu de nous (ch.1). Comme les premiers chrétiens se réunissaient dans leur maison pour partager la vie de Jésus, partageons ce que nous avons compris de Jésus venu pour que nous ayons la Vie en abondance.

 

Aux sources de l’Evangile


Samaritaine-Jésus Samaritaine-Jésus   Le 4ème évangile a été rédigé en grande partie dans les années 80-100. La Tradition l’attribue à Jean, fils de Zébédée, l’un des Douze. En fait, Jean est le fondateur d’une “école johannique” qui a rédigé l’Evangile. La première communauté autour de Jean dans les disciples de Jean-Baptiste qui se tournent vers Jésus. Des samaritains ont aussi pu en faire partie. La communauté s'adjoint des groupes de Juifs opposés au Temple de Jérusalem, qui suivent Jésus. La rédaction reprend diverses sources, certaines ont pu être écrites en Palestine et en Syrie, mais c’est probablement dans les communautés à Ephèse que s’achève l’écriture de l’Evangile. L’Evangile de Jean est l’œuvre d’une communauté de disciples. Le “disciple bien-aimé” est-il Jean l’apôtre ? Peut-être, mais il n’est pas solitaire. Edité après 85, l’Evangile circulait déjà en Egypte en 110. Nous retiendrons que, dès le début du 2ème siècle, il est reçu comme Evangile apostolique, tout comme Matthieu, Marc et Luc. Il fait partie du bien commun de “la Grande Eglise”. Il est cité dans les premières listes d’écrits chrétiens (canon de Muratori, vers 170).

 

Une théologie sous tensions


Les communautés johanniques furent marquées par de nombreuses tensions et ruptures dont le texte porte les traces : séparation d’avec les héritiers de Jean-Baptiste, rapprochement avec les opposants au Temple de Jérusalem, avec les convertis de Samarie, l’exclusion des chrétiens hors de la synagogue et le refus des Juifs de reconnaître en Jésus le Christ ; tensions et dissensions philosophico-théologiques sur “Qui est Jésus ?”, est-il vraiment Dieu, est-il vraiment homme ? Ces tensions furent à l’origine de déviations portant sur la connaissance de Dieu au détriment de la rencontre avec Jésus. Nicodème, la Samaritaine et l’aveugle-né sont des modèles de la rencontre. La réponse de Jean aux déviationnistes se lit dès les premières lignes : “Le verbe était Dieu et il s’est fait chair”. Notre credo en porte les traces : “engendré, non pas créé ; vrai Dieu et vrai homme…”.

 

Quatre évangiles différents au service de l’annonce.


Palestine carte.jpg Palestine carte.jpg    Luc et Matthieu ne s’interrogeaient pas sur l’“avant la conception de Jésus”, mais ils disent son origine. Jean propose une théologie où Jésus est présent au commencement : dès avant le monde il était avec Dieu… il était Dieu. Jean a du préciser sa pensée, éviter les risques de mauvaise compréhension, refuser de se laisser entrainer vers le monde des idées. D’où l’insistance dès le début pour dire qu’Il est venu chez les siens, qu’Il a planté sa tente au milieu de nous… Une preuve de ce débat, c’est l’affirmation de la première lettre de Jean : “Ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons”. L’Evangile est d’abord le témoignage de croyants qui utilisent la persuasion du langage “pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu'en croyant vous ayez la vie en son nom” Jn 20, 31…

 

Plan et style


Deux parties se distinguent nettement. La première, ou “livre des signes”, ch. 1 à 12 : le Verbe se révèle au monde et aux siens, mais ils ne l’acceptent pas. La seconde, ou “livre de la Gloire” ch.13 à 20 : à ceux qui l’acceptent, le Verbe montre sa gloire en retournant vers le Père par sa mort, sa résurrection et son ascension. Glorifié, il communique l’Esprit. Un prologue introduit à la compréhension de l’Evangile ; un épilogue (ch. 21) rédigé par un ultime rédacteur rappelle l’attachement de l’Eglise de St Jean à l’Eglise de St Pierre.
La première partie raconte peu de miracles. Ils sont appelés signes et sont suivis de longs développements ou discours. La seconde partie commence avec la Cène, où le lavement des pieds prend la place du repas eucharistique. Il est suivi du discours d’adieu. Viennent ensuite le livret de la Passion et les récits autour de la Résurrection.
Le langage de Jean use des jeux d’opposition : lumière/ténèbres ; vérité/mensonge ; en-bas/en-haut ; vie/mort, servitude/liberté. Des termes chers à Jean reviennent fréquemment : aimer, la vérité, connaître, les juifs, le monde, témoigner, le Père, envoyer, garder, manifester, la lumière, demeurer.


Dimension eschatologique. (tourné vers la fin des temps)


Pour Matthieu, Marc et Luc, le jugement est présenté comme survenant au dernier jour, à la fin des temps. Pour Jean, le Jugement est déjà réalisé dès le moment de la rencontre avec le Fils, dans l’acceptation ou le refus : “Qui ne croit pas est déjà condamné” (3, 18), “Celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m'a envoyé a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie (5, 24).

 

Qui sont “les Juifs” ?


Lorsque Jean écrit, le monde juif d’avant 70 a disparu. A la place se met en place un judaïsme palestinien dominé par le courant pharisien opposé au messianisme chrétien. Dans les années 80, à Javné, ils décrètent exclu de la synagogue tout Juif qui proclame Jésus comme envoyé de Dieu. Quand Jean emploie le mot Juif, il pense surtout à ceux qu’il fréquente vers 80-90 et qui ont radicalisé l’opposition Juifs/chrétiens. Par méconnaissance du contexte historique, les chrétiens des premiers siècles ont manqué de discernement et développé un anti-judaïsme qui se transformera, au fil des siècles, en antisémitisme. Il faudra attendre les fruits du Concile Vatican II pour renouer les liens avec “nos frères aînés dans la foi”, supprimer le mot déicide du langage liturgique (prière du Vendredi saint).

 

Ainsi, il aura fallu bien du temps et des conversions pour découvrir que Jésus a été pétri dans le judaïsme, tout comme Paul. Pour saint Jean, Jésus est “plein de grâce et de vérité”, celui par qui nous vient la communion avec le Père, pour ne former qu’un seul corps les uns avec les autres. Jésus est le fruit de l’amour gratuit de Dieu pour nous et de sa vraie fidélité, Lui dont parle l’Ancien Testament comme “Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité” (Exode 34,6). Puissions-nous recevoir Jésus, le Fils par qui il nous est donné de voir le Père. Que l’Esprit fasse de nous des témoins à la suite de Jésus et des disciples.
Abbé Emile Hennart


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