Un disciple témoigne

3ème dimanche de Pâques

 Actes 5, 27-41 ; Apocalypse 5, 11-14 ; Jean 21, 1-19

 

Le chapitre 21 de Jean que nous lisons ce dimanche est un chapitre ajouté par l’éditeur de l’Evangile de Jean, après la mort de Jean. D’une certaine manière le rédacteur final vient ici redire l’importance pour la communauté de faire confiance à Pierre et à Jean. Le style est celui des récits d’apparition. Ce récit de pèche au bord du lac n’est pas sans rappeler les premières rencontres de Jésus avec les pécheurs du lac à qui il avait dit : “Désormais je vous ferai pêcheurs d’hommes”. Après la mort de Jésus ces disciples s’en étaient retournés en Galilée, comme le note aussi Matthieu. Une autre pêche « miraculeuse » vient rappeler aux disciples la présence de Jésus au milieu d’eux. S’ensuit alors un dialogue "Pierre m’aime-tu ? Sois le berger de mes agneaux".

 

Au cas où les disciples l’aurait oublié, il y a autre chose à faire que de vouloir retourner comme avant, à la pèche sur les bords du lac ! Ce fut la tentation des disciples hier, ce peut être notre tentation aujourd’hui : comme avant… La mission dans le monde commence un certain temps après la mort de Jésus que quelques uns affirment être vivant. Les Actes des apôtres nous parlent de cinquante jours… chiffre éminemment symbolique pour situer la naissance réelle de l’Eglise et sa prédication un certain temps après l’épreuve. Si notre mémoire a enregistré l’immédiateté du départ de la mission avec fanfare et trompettes sans doute cela fut-il plus lent, mais le contraste entre le départ vers Emmaüs et le retour à Jérusalem est significatif, pour Luc, de l’effort intense qui fut celui des disciples, pour relire les Ecriture et être convaincu que Christ est vivant, qu’il donne sa paix et invite à l’annoncer jusqu’aux extrémités de la terre.

Le XIXème siècle et le début du XXème siècle ont exploité cet évangile pour monter en épingle la supériorité de la papauté au-dessus de tout… L’actuel pape François préfère qu’on le reconnaisse comme évêque de Rome "primus inter pares", comme le précisent certains commentateurs, c'est-à-dire "le premier parmi des égaux". Séparer Pierre de l’ensemble (collège) des évêques qui est confiée la mission serait une faute de compréhension. Si Matthieu signale que Pierre reçoit mission de lier et délier, cette même responsabilité est aussi confiée à toute l’Eglise (Mt ch. 17 et 1).

 

Le rapport entre Pierre et Paul dans ce long récit montre que l'un et l'autre se complète: si Pierre décide de monter dans la barque pour la pêche, si tous l'accompagnent, il faut aussi un Jean qui vienne donner le sens de l'évènement, discerner la présence du Seigneur:"c'est le Seigneur", là où les disciples n'ont manifesté qu'étonnement devant la pêche inespérée.

 

Mieux vaut donc relire cet ultime exemple comme moment où Jésus confirme leur mission dans le cadre qui leur est familier : le lac, la barque, la pêche et le retour de pêche, le repas etc. « Ils savaient que c’était le Seigneur ! »

 

Quand le rédacteur final écrit, il connaît la mort de Pierre et, plus récente, celle de Jean… Pour lui ce n’est pas la fin. Certes, la mort des fondateurs pourrait conduire à ne plus croire en l’avenir de la mission…. Bien au contraire, laissant entendre que Jésus lui-même n’ignorait pas le sort de Pierre puis de Jean, le rédacteur fait allusion à cette mort dans les derniers versets de l’évangile.

L'ultime rédacteur prend alors le nom de témoin, qui était d’abord le titre que s’était donné Jésus, témoin de la vérité, lui-même. Ainsi la mission continue grâce à des témoins… Bien d’autres choses encore ont été faites par Jésus… Si on les écrivait, le monde entier ne pourrait contenir les livres qu’on écrirait. C’est une manière de clore le livre d'Evangile, pour qu’on puisse le transmettre dans son entier… et nous n’avons rien à ajouter, sinon porter témoignage à notre tour du Christ mort et ressuscité, présent dans l’amour que l’on aura les uns pour les autres, présent quand on sera plusieurs, réunis en son nom.


Abbé Emile Hennart