Fiche 2 Jean 3: Nicodème

Nicodème, de nuit. Discussions sur Jésus et Jean-Baptiste

 Nicodème. Jésus et Jean-Baptiste

 

escalier contemporain Jésus-Nicodème escalier contemporain Jésus-Nicodème  Il est conseillé de lire d'abord le texte de l'Evangile, ch. 3 de Jean avant de lire cette fiche. Le texte ci-dessous est proposé en format pdf en bas de page pour être imprimé en recto-verso. Nicodème, de nuit, cherche la Lumière.

 

 

Section précédente


Le prologue présentait Jésus comme Verbe ou Parole, venant de Dieu et venu chez nous, pour nous. A ceux qui le reçoivent, Jésus donne de devenir Fils de Dieu. Jean-Baptiste est interrogé par des pharisiens de Jérusalem sur les raisons de son enseignement. Il témoigne de celui qui vient. Des disciples de Jean-Baptiste viennent ensuite à Jésus et ils s’appellent les uns les autres. En fin de semaine (ch.2), le récit des noces (l’eau changée en vin) invite les lecteurs de l’Evangile à penser aux épousailles de Dieu avec son peuple, que le Christ vient accomplir. Ensuite, Jésus monte à Jérusalem, où se révèlent des tensions entre Jésus et les autorités de Jérusalem (2,22-25). L’expulsion des vendeurs du Temple est l’occasion d’une première explication/confrontation, avec allusion à la mort/Résurrection.

 

Lecture d’ensemble.


Dans le chapitre 3, voici d’abord la rencontre avec Nicodème, suivie d’un nouvel échange au sujet des baptêmes par Jean et Jésus. Le rapport de Jean-Baptiste à Jésus rappelle à nouveau la distance entre l’un et l’autre. Cette fois-ci, Jésus est qualifié de témoin venant d’en haut. Il est reçu et il n’est pas reçu ; cela était déjà affirmé dans le prologue. En conclusion : “Celui qui croit au Fils a la vie éternelle”. Au chapitre 6, le discours sur le pain de Vie développera ce thème, mais aussi le discours d’adieu, au ch.17.

 

Jésus et Nicodeme Jésus et Nicodeme   Nicodème. Jésus est encore à Jérusalem quand survient la rencontre avec Nicodème. C’est un pharisien ; il est sans doute délégué par d’autres pharisiens. Il cherche à comprendre. Un quiproquo s’établit entre lui et Jésus au sujet de naître et renaître, qu’un jeu d’oppositions aurait dû éclairer : d’en bas, d’en haut. C’était une manière de faire comprendre que toute nouvelle naissance (ou re-naissance) ne peut venir que de Dieu (cf. prologue, 1, 13 : nés de Dieu). La suite du dialogue utilise le pluriel “nous” v.11. N’est-ce pas la trace que le dialogue entre Nicodème et Jésus est repris par les disciples puis par les premières communautés chrétiennes du temps de Jean (années 50-80) dans leurs dialogues avec les Juifs ? Les versets 16 à 17 expriment une profession de foi en l’amour de Dieu pour nous (voir ci-dessous dans le paragraphe “aller plus loin”).

 

Zoom : 3, 22-30 Jean-Baptiste et Jésus


Après la rencontre avec Nicodème, Jésus se rend au bord du Jourdain, encore en Judée semble-t-il, à proximité de Jean-Baptiste qui baptise à Aïnone, en Samarie. Dans ce récit, on parle de gens qui se font baptiser par des disciples de Jésus tandis que d’autres se font baptiser par Jean. Une brève discussion survient dont la conclusion est exprimée par le Baptiste : “Je ne suis pas le Christ, mais celui qui a été envoyé devant lui”.

 

jourdain jourdain  

 

 Une lecture de type basique ou fondamentaliste donne à penser que cela s’est passé tel que c’est écrit. Une lecture, plus soucieuse du développement du ‘courant de Jésus’ au cours du premier siècle, retiendra que les premières communautés de chrétiens ont rencontré des disciples de Jean-Baptiste lors de leur expansion à travers l’empire romain. A chaque fois, ces chrétiens ont invité à reconnaître Jésus comme l’envoyé dont Jean-Baptiste avait annoncé la venue. [Relire dans les Actes la prédication d’Apollos qui ne connaissait que le baptême de Jean (Actes, 18, 25). Ou encore les insistances de Pierre et Paul à distinguer, dans leurs prédications, Jean-Baptiste et Jésus : Ac. 11, 16 et 13, 24) ; de même Paul à Ephèse, Ac. 19]. La Voie des chrétiens a dû se frayer un chemin auprès des Juifs de la synagogue, venus autrefois se faire baptiser par Jean dans le Jourdain. A ceux-là, l’Evangile de Jean rappelle une parole du Baptiste : “Il faut qu’il grandisse et que moi, je diminue”.

 

Du ciel, de la terre. Après les versets du zoom, nous retrouvons une profession de foi de la première Eglise à partir des paroles de Jean-Baptiste (v. 31-36). En distinguant la sphère de la terre et la sphère du ciel, l’Evangile invite à repérer ce qui vient de nous et ce qui vient de Dieu : la terre représente la sphère du créé avec nos capacités et nos limites ; en face, il y a la sphère du ciel, c’est-à-dire le monde de Dieu dont l’envoyé, Jésus, partage pleinement la condition. La foi est une adhésion confiante à Jésus, seule condition pour avoir la Vie. Cette conclusion est une invitation à donner sa confiance au Fils à qui le Père a tout remis entre les mains.

 

Pour aller plus loin.


Nicodème.
Naître d’eau et d’esprit. Jésus a-t-il pu parler ainsi ? (Il n’y avait pas de dictaphone et Jean reprend des prédications annonçant Jésus sur plusieurs dizaines d’années !). Jean développe l’image d’une nouvelle naissance et pense aux premiers chrétiens qui, par le baptême, renaissaient de l’eau et de l’Esprit. Cette manière de parler est aussi un héritage du prophète Ezéchiel qui annonçait déjà : “Je leur donnerai un seul cœur et je mettrai en eux un esprit nouveau” (Ez. 11, 19, ou 36,25), ou encore Jérémie 31, 33 : “…alors, ils seront mon peuple”. Or, cette création nouvelle annoncée par les prophètes, Nicodème et l’ensemble de peuple juif derrière lui étaient incapables de l’imaginer. Nicodème est encore dans la nuit. Pourtant on le retrouvera à la fin du récit de la fête des Tentes (Jn 7, 50-52) où les pharisiens l’accusent de vouloir devenir disciple du Galiléen. Ce même Nicodème accompagne aussi Joseph d’Arimathie lors de la mise au tombeau (19, 39). Il n’était donc pas loin de la lumière, l’Esprit travaillait en lui.

 

A propos de l’Esprit, Jésus oriente notre méditation vers l’image du souffle. L’Esprit, comme le vent, est un souffle imprévisible. C’est le même souffle qui planait sur les eaux au début du monde, le même souffle de Dieu dans les narines de l’homme créé, en Genèse 2,7 ; le même souffle qui redonnera vie aux persécutés selon l’Apocalypse, 11, 11. Souffle, inspiration divine, Esprit : les fils de l’Eglise sont invités à vivre au souffle de l’Esprit, aujourd’hui comme hier. On ne le suit pas comme si c’était une évidence de type mathématique, mais comme une inspiration dont il faut discerner l’origine, si elle est de Dieu ou non.

 

Né de la chair, né de l’Esprit 3,6. Evitons le contre-sens habituel entre chair-matériel et Esprit-spirituel ; évitons la distinction classique entre corps et âme, qui nous vient de la philosophie grecque. L’Evangile est écrit en monde juif, pour qui l’opposition est à faire entre le terrestre et le divin. C’est à rapprocher de ciel et terre, dans le zoom ci-dessus : la chair (ou la terre) représente la sphère du créé avec nos capacités et nos limites, tandis que l’Esprit désigne la puissance divine. Ce n’est pas une condamnation de tout ce qui vient de l’humain, c’est plutôt une invitation à ce que nos pensées soient de Dieu : “A ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu”.1, 13.

(On pourrait dire autrement: "de la chair" = penser à la manière des hommes: "de l'esprit" = penser à la manière de Dieu).

 

 Le serpent. Pour comprendre l’histoire du serpent élevé par Moïse, en vue de la guérison des Hébreux, il faudrait relire l’épisode raconté en Nombre 21, 4-9. La mauvaise foi des Hébreux au désert est punie par la morsure des serpents.Moïse et le serpent exposé Moïse et le serpent exposé   Pour signifier leur foi en Yahvé, les Hébreux doivent se tourner vers le serpent d’airain élevé par Moïse sur un bâton. Ce sera le signe de leur foi et de leur appel à la guérison. L’évangéliste fait de ce signe une préfiguration du Christ élevé sur la croix. Au cours de nos lectures, nous aurons l’occasion de revenir sur l’association croix/résurrection, élévation/glorification… patience ! Retenons que le Christ n’est pas venu pour condamner, mais pour que le monde soit sauvé… Cela est donné gratuitement (par grâce) à quiconque croit au Fils élevé sur le bois de la croix.

 

Le jugement. Tel qu’il en est question aux v. 16-21, le jugement ne vient pas de Dieu mais de l’homme lui-même. (A nous de corriger nos idées sur le jugement dernier !!!). Le jugement semble venir de l’homme qui refuse la lumière, et non de Dieu qui le condamnerait. Ce jugement survient dans le temps présent et non à la fin des temps. Faites à nouveau la lecture de ces quelques versets, attentifs au temps des verbes ! Celui qui croit au Christ, qui fait la vérité, celui-là vient à la lumière… qui ne croit pas est déjà condamné. Cette manière de comprendre le jugement révèle une différence fondamentale entre l’Evangile de Jean et les Evangiles synoptiques. Faire la vérité : qu’est-ce que la vérité ? Sinon croire que Jésus vient de Dieu. Nous avons tout l’Evangile pour la découvrir.

 

La finale du ch.3, 31-36. Les dernières lignes du chapitre proviennent de réflexions de Jean-Baptiste, comme pour le zoom. Mais là encore, les premiers chrétiens qui accompagnent l’évangéliste dans sa rédaction les reprennent à leur compte pour exprimer leur foi en Christ, venu de Dieu en vue de dire les paroles de Dieu. Jésus avait demandé à Nicodème de croire en celui qui vient d’en haut. Il semble avoir hésité. Ce n’est pas le cas de ceux qui ont participé à la rédaction de l’Evangile. Pour eux, le Christ, Fils aimé de Dieu, est vraiment celui qui donne l’Esprit en plénitude.

 

Remarques : Dans les pages d’introduction du livret p.6, il était signalé que Jean utilise des mots et des expressions à double sens ou en opposition les uns aux autres, comme : lumière/ténèbres ou nuit ; en bas/en haut ; naître/renaître ; de la terre/du ciel ; signe ; vent/souffle/ Esprit, élevé/glorifié. Peu à peu, nous pouvons nous habituer à cette manière de parler. Il n’est pas toujours simple de parler de Jésus, l’envoyé de Dieu venu chez nous pour partager la Vie de Dieu avec nous. Mais ce langage est la manière, pour Jean, de rendre compte de ce qu’il a vu et entendu. Son objectif est de nous aider à reconnaître Jésus et à croire en lui à notre tour, pour que nous vivions de la Vie de Dieu dès aujourd’hui. Parmi les mots à double sens, physique et symbolique, le mot “nuit”, qui exprime le moment de rencontre de Nicodème, peut aussi signifier qu’il ne voit pas clair au sens spirituel. Au chapitre suivant, la Samaritaine rencontre le Christ dans la lumière de midi : n’est-ce pas elle qui voit clair et découvre que Jésus est le Messie attendu ?

 

 Prier la Parole


Le vent souffle où il veut…
Chanson de Mannick, R50, Scouarnec/Akepsimas. CD ?

 

Pour qui brûle le feu ? D'où vient la voix qui parle en toi ?

 

Le vent souffle où il veut, et toi tu entends sa voix,
Mais tu ne sais pas d'où il vient, et tu ne sais pas où il va, le vent.

 

As-tu compté les grains de sable sur les bords de la mer ?
As-tu compris le chant des vagues au pays des matins clairs ?

 

Il est si long le long voyage sur un sol inconnu,
Il est si loin l'autre rivage que tu cherches les pieds nus.

 

As-tu sondé le cœur de l'homme au secret de sa soif ?
As-tu creusé jusqu'aux racines, jusqu'aux sources de la vie ?

 

Lorsque la mort à tes paupières, éteindra le soleil,
Franchiras-tu toutes frontières pour une aube sans sommeil ?


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Dossier des évangiles : http://arras.catholique.fr/jean  
 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 10738 visites