Homme et Femme ?

Réflexion sur la théorie du genre

L'association Past'Opale a accueilli pour la dernière des conférences de la saison 2013, Marc Guffroy, psychiatre et spychanaliste.

 

     "La théorie du genre…Quelle question, n’est ce pas ?   Elle a été lancée, mais vous le savez tous, en septembre 2011 par une directive de l’éducation nationale  qui  demandait qu’on introduise dans le programme SVT  des classes de 1ère ES et L dés la rentrée, un chapitre intitulé « Devenir homme et femme,  influence de la société sur l’identité sexuelle. »

Ainsi donc, être homme ou femme ne serait pas seulement une question d’anatomie ! La société aurait-elle une influence sur notre identité ?

Voilà bien là  des raisons de s’étonner, n’est ce pas ?  Et les textes qui accompagnent ce projet gouvernemental précisent que : « Si la référence au sexe traduit une réalité universelle (ouf !), la construction sociale du genre est variable dans le temps et l’espace. »

Vous voyez que le texte introduit 2 termes : le sexe (mâle et femelle), et le genre ( masculin et féminin), et qu’il émet l’idée que la société aurait un impact sur le genre .  Une autre précision est ajoutée : « La société construit en nous, dés notre naissance, une IDEE des caractéristiques de notre sexe. »

Nous voilà donc face à ces 2 entités, le sexe et le genre.

Un sexe déterminé par l’anatomie ce qui n’est pas une idée…, mais un constat !                                                          

Un genre qui serait une construction sociale !!

              Pourtant, si je vous parle d’un temps que les gens de 20 ans ne peuvent pas connaître, non pas la chanson d’Aznavour, mais cette époque pas si lointaine, disons 40 ans, l’époque où il m’arrivait de faire des accouchements à domicile, que se passait-il ?  Le travail de l’accouchement avançait ; les femmes s’affairaient ; les hommes attendaient dans la pièce à coté jusqu’à ce moment où l’enfant apparaissait avec la seule phrase attendue : «  C’est un garçon » ou « C’est une fille ». Jamais personne ne disait « C’est un enfant » !  C’était l’époque où l’échographie n’existait pas ; ou en tous cas, elle n’était pas appliquée à la surveillance de la grossesse et à la découverte du sexe de l’enfant avant la naissance.

Cet enfant, garçon ou fille, arrivait dans le monde de la vie (venir au monde) et de la parole : la parole dite : c’est un garçon ou une fille.

Pour autant, His majesty the baby, comme disent les anglo-saxons, le bébé donc, lui, il est parfaitement indifférent au sexe auquel il appartient. Ce sont ses parents qui apportent de l’importance à cette précision, car elle donne d’emblée des informations cruciales sur son avenir, son devenir, sa destinée sur terre, tout ceci évidemment dans l’imaginaire des parents : le garçon poursuivra la lignée, la fille fera des enfants, etc..etc.. Imaginaire, vous le savez, à l’œuvre bien avant la naissance du bébé.

Alors, pourquoi cette directive de l’Education Nationale ?

Naît-on (naître ou être) garçon  que parce que nous avons un pénis et 2 testicules ou parce que nous allons être éduqués comme un garçon doit l’être ? cf la couleur bleue…

Naît-on fille parce que nous avons un utérus et que nous aurons des seins ou parce que nous serons élevées dans la couleur rose avec des poupées ?

Je simplifie, bien sûr, mais la question se pose de cette manière.

L’organisation Mondiale de la Santé donne une définition précise de ce qu’elle entend par ces 2 termes :

-          Le mot sexe se réfère aux caractéristiques biologiques et physiologiques qui différencient hommes et femmes

-          Le mot genre sert à évoquer les rôles qui sont déterminés socialement, les comportements, les activités, les attributs qu’une société considère comme spécifiques aux hommes et aux femmes.

Est-ce clair ?  Pourtant, ne serait-ce que l’anatomie, ce n’est pas toujours évident !  quelquefois, le problème se pose dés la naissance, car le sexe n’est pas toujours identifiable à première vue !  Est-ce un pénis et 2 testicules non descendus, ou un clitoris un peu volumineux avec 2 grandes lèvres un peu boursouflées ?

Quand j’étais interne en maternité,  le patron dans ces cas là, en attendant l’examen chromosomique, conseillait aux parents de donner à l’enfant un prénom à double appartenance, comme Claude, Dominique ou Camille. Car c’est cet examen, qui prenait du temps, qui donne la preuve attendue.  Enfin, le plus souvent !!     Car :

Nous avons tous 46 chromosomes, 44 par paires, les 2 restants sont XX ou XY

Les filles ont 2X,  les garçons ont un X et un Y              MAIS…, il y a des formules non standard

- Certaines femmes n’ont qu’un X, c’est le syndrome de Turner (petite taille, impubérisme, malformations possibles)

-  D’autres en ont 3 ou 4, sans signe particulier…

-  Certains hommes ont 2X et un Y, c’est le syndrome de Klinefelter (stérilité, retards divers)

-d’autres ont 1 X et 2 Y, voire des formules inversées (des hommes avec 2 XX, des femmes avec XY)

Et quelquefois, l’étude des chromosomes ne clarifie pas la situation, alors dans ces cas dits intersexuels, c’est le médecin et le chirurgien qui vont assigner un sexe. L’enfant devra ensuite se débrouiller avec ce choix !!!

Pour en terminer avec l’anatomie, notons les hermaphrodites qui ont les caractéristiques des 2 sexes, les pseudo hermaphrodites qui ont les glandes d’un sexe, et les caractéristiques d’un autre sexe.

Les trans sexuels, eux, n’ont pas d’anomalie génétique : ils sont dotés d’un sexe biologique précis avec le sentiment d’appartenir à un autre sexe.

Quant aux homosexuels, tout le monde le sait, ils ont un capital génétique normal mais une attirance pour ceux/celles du même sexe.

Voilà donc quelques précisions sur le sexe biologique….et ses avatars.

Le genre, maintenant :  C’est donc une construction sociale : masculin ou féminin. Soulignons de suite que le genre, c’est d’abord un signe : IL ou ELLE, qui résulte d’une convention de langage. Il a été déterminé que homme, c’était du masculin,  et que femme, c’était du féminin !! comme on dit Le soleil, et La lune, le fauteuil et la chaise. Mais le fauteuil n’est pas plus mâle que la chaise n’est femelle ; en allemand, le soleil est du féminin, et la lune du masculin ! C’est ce que les linguistes appellent l’arbitraire du langage.

Le genre, c’est une construction sociale mise en place dans des habitudes de vie, dans des codes installés depuis longtemps, fort longtemps…au temps où les hommes allaient à la chasse et les femmes faisaient la cuisine, et les enfants.  Les hommes ne vont plus à la chasse, mais les femmes font toujours la cuisine, majoritairement parlant, et les enfants…

Certains ont peut-être vu ce très beau film « La source des femmes » , film de 2011 (Radu Mihaleanu)….

L’action se passe dans un bled reculé du Maroc. La source d’eau est dans la montagne, et c’est  le rôle des femmes que d’aller chercher l’eau ; un jour, elles se révoltent, font la grève de l’amour pour avoir seulement une canalisation amenant l’eau au bled, ce qui les soulagerait de la corvée.  Il faudra  un évènement : une jeune femme enceinte  n’arrive plus à assumer l’approvisionnement d’eau, et son mari, amoureux, ira la nuit, en cachette, chercher l’eau : il va se rendre compte, ainsi, de la difficulté et de la fatigue que cela représente.  Les choses vont bouger, évidemment, mais je ne vous en dis pas plus sur ce film. Le point important, c’est le rôle dans lequel sont enfermés les protagonistes, comme cet homme qui doit se cacher pour aller chercher l’eau, car dans la tradition, ce n’est pas à lui de faire cela !!

       En 1949, une femme s’est élevée contre cet état de fait, c’est Simone de Beauvoir. Elle publie un livre «  Le deuxième Sexe » où elle dénonce l’infériorisation des femmes.  C’est dans ce livre qu’il y a cette formule célèbre : « On ne naît pas femme, on le devient ».      Elle entend par là, entre autres, que si les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes, c’est parce qu’elles ont été éduquées dans cette idée de soumission.  (Le droit de vote des femmes ne date que de 1944….)

Ce texte a été à l’origine de nombreux mouvements féministes, notamment des « genders studies » nées dans les années 70. Celles-ci sont apparues aux USA pour contrecarrer les théories présentant les inégalités sociales  hommes/femmes comme naturelles (c’est la tradition ;  Dieu l’a voulu etc…), et l’asservissement des femmes par les hommes : société patriarcale, prostitution etc…

A la suite de cela, dans ces mêmes années 70, une sociologue américaine, Judith Butler, a popularisé cette théorie qui distingue les aspects sociaux de l’identité  sexuelle et de l’orientation sexuelle : pour elle, l’identité sexuelle ne correspond pas forcément avec le sexe biologique d’un individu : le genre comporte une part de CONSTRUCTION sexuelle. Elle pousse sa réflexion jusqu’à demander, dans la ligne de S. de Beauvoir : « Femme, le devient-on vraiment un jour ? »  Autrement dit, si le genre est la construction sociale du sexe, c’est qu’il n’en est pas nécessairement la prolongation !!! et s’il faut travailler sans cesse pour DEVENIR une femme,  c’est bien que le sexe ne détermine pas le genre !!

Et alors, ce qu’elle dit pour les femmes, ne serait-ce pas la même chose pour les hommes ?

     Comment se fait cette construction sociale ?   Y a-t-il une norme ?  On s’aperçoit qu’il y en a une qui est inscrite dans la tradition, les habitudes, les règles.., même si celles-ci ont tendance à bouger :  la femme actuelle n’est pas la même que celle du siècle dernier, encore moins celle du moyen âge !

Cette norme, on doit le reconnaître, était implicitement aux mains des hommes, et les mouvements féministes reprennent à juste raison les théories du genre pour interroger ces normes au lieu de se couler dedans…

Qu’est ce qu’une femme Normale ?  Celle qui entre sans broncher dans des cases prévues pour elle  par les hommes, voire par les femmes elles-mêmes ?

Un téléfilm récent décrivait la vie d’une peuplade africaine en proie à cette problématique : un homme voulait aider sa femme contrainte par la tradition à faire la corvée de bois, d’eau, la cuisine, etc… Il ne pouvait le faire qu’en cachette  sinon, lui,  aurait été rejeté de la communauté des hommes et sa femme l’aurait été de celle des femmes : on leur aurait fait honte de ne pas assumer leur place !!

Le féminisme n’introduit pas les rapports de pouvoir, il les donne à voir ; il donne à voir les injustices  et les violences faites aux femmes. Mais, réclamant plus de justice et de liberté, ce mouvement va quelquefois jusqu’à considérer la grossesse et la maternité comme entrave à leur liberté !!

 La théorie du genre qui nourrit ces mouvements est sous-tendue d’une idéologie prétendant dissocier le sexe biologique (la nature)  de sa dimension culturelle (la culture) , pour établir une égalité entre hommes et femmes ,  et promouvoir les diverses identités sexuelles. Ce faisant, il me semble que s’établit alors  une confusion entre identité sexuelle et rôle social, de même qu’il y a confusion entre identité sexuelle et orientation sexuelle. 

Commençons par identité et rôle social :   c’est  traditionnellement la femme qui donne le biberon, change les couches des bébés,   c’est son rôle  mais  ce n’est plus un rôle figé !  Que dire de tous ces jeunes pères modernes qui assument très bien cette fonction ?  Ne sont-ils plus des hommes pour autant ? Et quand un homme refuse de faire une activité ( ménagère par ex.), traditionnellement  exécutée par la femme,  n’est ce pas à ce moment là qu’il est classé parmi les « machos », ceux qui tiennent à ne pas remettre en cause la domination masculine ?  Ce fameux pouvoir des hommes…

S’il est dans l’ordre de la nature que la femme fasse des enfants et les nourrisse au sein (si elle le désire),  c’est de l’ordre de la culture si c’est elle qui lange, qui lave, qui cuisine etc…   Il n’y aura jamais égalité, car les hommes ne porteront jamais d’enfant dans leur ventre..et certains vivent cela comme une frustration, mais c’est ainsi !

Les identités sexuelles sont un fait, un fait que la théorie du genre tente de remettre en cause au nom de l’égalité, de la liberté, et même de la dignité !

L’autre confusion qui a été repérée, c’est celle qui existe entre identité  et orientation sexuelle.

Si on substitue l’orientation à l’identité, il n’y a plus ni homme ni femme, ni mâle ni femelle, mais des hétéros, des homos, des bi, des trans, tous avec la même valeur reconnue.  Il est facile là, de soupçonner l’influence des mouvements homosexuels.   La confusion à relever, c’est que, comme nous l’avons dit, l’identité  est un fait de biologie : c’est ce que nous SOMMES, ce que le transsexuel signifie très bien à sa manière : s’il est homme, il veut ETRE femme ; si elle est femme, elle veut ETRE homme.  L’orientation sexuelle elle, est un problème de DESIR, ce que l’homosexuel signifie bien, lui aussi, à sa manière : s’il est homme, il veut AVOIR un homme ; si elle est femme, elle veut AVOIR une femme.  Le désir naît de ce que nous n’avons pas, il naît du manque.

Nous voila dans ce qui constitue l’être humain parlant, c’est un être de désir.

Que veut un homme ?

Que veut une femme ?

Tous les hommes ne cherchent pas une masculinité hégémonique, triomphante, de même que toutes  les femmes ne se reconnaissent pas dans l’archétype de la féminité soumise et traditionnelle.  Heureusement.

Mais ce qu’il en est de leur désir, à l’un comme à l’autre, est-il totalement libre, ou est-il conditionné ?  Conditionné par ce simple constat que nous sommes, chacun ici présent,, un corps ?

Nous ne sommes pas de purs esprits, nous sommes des corps, qui plus est, des corps sexués !  Et je ne dis pas que nous avons un corps, je dis que nous sommes un corps   sexué, comme nous ne sommes pas un être humain, nous sommes homme OU femme, dés l’origine.

       J’aurais pu commencer cet exposé, comme à la télé, par un tonitruant «  Bonjour Madame, bonjour Mademoiselle, bonjour Monsieur », et ce faisant, j’introduisais d’emblée la dimension sexuée des être humains ici présents ; sexués dans la différence entre Madame et Monsieur,  et même sexuelle dans la différenciation entre Madame et Mademoiselle !   N’y a-t-il pas en ce moment d’ailleurs un mouvement d’opinion pour gommer cette dernière différence ? Il n’y aurait plus que des madame et des monsieur !!

En fait la première distinction,  sexuée, renvoie à l’anatomie   alors que la deuxième renvoie à l’orientation, aux comportements, à la sexualité.

Nous sommes toujours dans ce clivage identité/orientation,   et nous sommes définitivement des corps….sexués donc.  Sexués, oui, mais  sommes-nous  libres de tous nos choix ?   C’est à voir.

Souvenons-nous de la phrase de S.de Beauvoir : « On ne nait pas femme, on le devient ».  Si elle apporte des éléments très intéressants du point de vue social, du point de vue biologique, elle est fausse.  Lise Eliot, une neurobiologiste américaine, a publié il y a 2 ans, un livre « Cerveau bleu, cerveau rose, les neurones ont-ils un sexe ? »   Elle y démontre que la différentiation garçon/fille est déjà à l’œuvre dés les premiers jours de l’embryon (contrairement à une idée reçue qui parle d’indistinction originelle de l’embryon).   Ceci s’explique par le rôle des hormones sexuelles sécrétées pendant le développement intra-utérin, hormones bien distinctes chez le fœtus mâle ou femelle.

Garçons et filles sont influencés dans l’utérus par différents gènes et différentes hormones qui leur sont propres.  Parmi celles-ci, l’hormone sexuelle masculine joue un rôle bien établi : la première poussée de testostérone démarre 6 semaines après la conception !

Autrement dit, chaque fœtus, qui plus est, chaque être humain baigne dans un bain d’hormones masculines ou féminines.      On peut en constater les effets, bien involontaires dans différentes expériences…

En voici une qui a été faite il y a quelques années dans la salle d’attente d’une caisse d’allocations familiales : on avait imprégné de phéromones masculines le dossier de certains sièges (en fait, on prélève de la sueur d’aisselle masculine qui est déposée sur le dossier..)   Eh bien, dans une salle d’attente vide, 80% des femmes arrivant dans ce lieu choisissent le siège sur lequel il y a des phéromones masculines.

Les phéromones sont des substances sécrétées par un tout petit organe, l’organe de Jacobson qui est situé sous la muqueuse de la cloison nasale.  Ces sécrétions sont imperceptibles par la muqueuse olfactive. C’est cet organe qui explique par exemple les phénomènes de synchronisation des cycles,  synchronisation observée dans les communautés de femmes, comme les monastères, les prisons, etc…

Nancy Huston, dans un livre de 2012 : « Reflets dans un œil d’homme »,  relate une autre expérience : des T-shirts masculins imprégnés de la sueur de leur propriétaire sont proposés à des femmes qui choisissent….en grande majorité celui dont les anticorps sont les plus différents des leurs, donc, dit N.Huston, ceux qui seraient pour elles les meilleurs reproducteurs, les meilleurs pères. !!!

Elle évoque aussi une autre étude américaine : Les hommes qui fréquentent des boites de nuit avec lap-dancers, ces jeunes femmes quasi nues qui viennent se trémousser sur leurs genoux, donnent 10 fois plus de pourboires aux filles en période d’ovulation !!

A partir de ces exemples, L’auteur défend l’idée que les êtres humains sont programmés pour procréer, même, bien sûr, s’ils choisissent de ne pas le faire.   Elle ajoute : «  Même si nous recevons la culture en pleine figure dés notre enfance, peut-on dire  que les individus (pour ne nommer ni homme, ni femme) n’auraient aucune nature d’aucune sorte, aucun bain chimique d’hormones par exemple, mais des entités purement culturelles qui se créeraient d’elles mêmes par le seul effort de leur volonté ? ».

Alors, peut-on croire à notre volonté toute puissante, ou accepter l’idée que nous comprenons fort imparfaitement les mobiles de nos propres actes ?

Je le redis : bien sûr, être programmé pour procréer ne veut pas dire qu’on ne choisit pas. En 2012, on a cette chance de pouvoir choisir de le faire ou de ne pas le faire tout en ayant une vie sexuelle active.

Je voudrais évoquer ici un article très récent d’un hebdomadaire (Le Point, du 11/07/2013), qui relatait l’expérience tragique d’un « Gourou de genre », un médecin sexologue néo-zélandais : celui-ci est contacté en 1966 par un couple parent de jumeaux. La circoncision de l’un des deux s’est mal passée, le pénis est brulé, alors ce sexologue propose aux parents d’élever ce jumeau comme une fille. Pour ce faire, il lui administre des hormones féminines, et ses parents l’habillent, l’élèvent comme une fille. Jusque l’age de 6 ans, les jumeaux sont conformes au rôle sexuel attribué, mais peu à peu, les choses changent : à la puberté, Brenda, le jumeau élevé en fille, a la voix qui mue et se sent attiré par les filles, etc..  Ses parents, affolés, avouent alors la vérité. Brenda arrête le traitement, redevient David, et se marie.  Mais les divagations identitaires ont ébranlé le psychisme des 2 frères. En 2002, Brian se suicide, et en 2004, David fait de même.

Je profite de cette évocation journalistique récente pour en évoquer une autre : c’est un éditorial de J.Cl. Guillebaud, qui est venu ici même il y a peu si mes informations sont exactes ; Il évoquait dans un éditorial de « La Vie » du 1er août dernier, la « folle polémique » sur le genre, en rappelant en particulier que Judith Butler, la philosophe pionnière des «  gender studies », était revenue elle-même sur ses positions, les jugeant aujourd’hui nettement exagérées, et évoquant même ce qu’elle nomme «  le nationalisme Gay ».

Alors la question se pose : que poursuivent comme idée les tenants de la théorie du genre ?

Nous évoquons l’hypothèse que pour eux, comme le genre masculin ou féminin est le résultat d’une construction sociale à travers des rôles et des fonctions, il s’agirait de déconstruire cette construction, pour parvenir à la parité homme/femme, qui plus est :  pour qu’il n’y ait plus ni homme ni femme, mais des être humains égaux !!!    Mais ce faisant, les tenants de cette théorie ne font-ils pas le jeu, volontairement ou non,  des groupes de pression homosexuels qui, n’ayant par définition, aucun pouvoir de procréation entre eux, désirent faire abstraction du corps sexué, désirent également redéfinir la famille en dehors de toute altérité sexuelle, et désirent enfin justifier leur droit à l’enfant en le désarticulant de la chair ?

Ces militants ont intérêt à s’appuyer sur la théorie du genre qui, elle, opère une distinction entre corps sexué/procréation/orientation sexuelle, sachant que la possibilité technique de recourir au don de gamètes, aux mères porteuses, offre une assise inédite à leurs revendications. Ce militantisme est bien connu : le pape François y a fait allusion aux JMJ récentes au Brésil. Et puis, il n’y a qu’à se souvenir du merveilleux film de Denys Arcand « Les invasions barbares », où l’un des protagonistes, homosexuel, évoque son poste de fonctionnaire à Rome, alors qu’il est canadien, obtenu grâce à son orientation sexuelle !!!

  Se libérer du carcan de la nature ( contraception, avortement, techniques de reproduction artificielle) , c’est dissocier féminité et maternité…Ne risque-t-on pas alors de réduire l’enfant à un ennemi à éliminer, ou à un simple objet affectif pour soi ?

Dans cette optique, quid de la famille ? vous savez, cet « ensemble de personnes formé par le père, la mère et les enfants et vivant sous le même toit  »  selon la définition du dictionnaire…

Le père et la mère, donc les parents.   Devenir parents, n’est ce pas être capable d’enfanter, de concevoir un enfant et d’être en mesure d’assumer le fait d’être à l’origine d’une nouvelle génération ?

Ce qu’on appelle la parenté, c’est la relation des enfants à leurs parents. C’est différent de la parentalité, mot dérivé de parentèle (famille élargie), qui, elle, renvoie à des personnes qui ne sont pas les géniteurs des enfants.  Ils font fonction de…..

Les parents, c’est ce qui me renvoie à ce qui était avant moi, avant que je ne devienne parent à mon tour.   Cela veut dire que, arrivant au monde, je ne construis pas tout moi-même, il y a de la précédence, ce qui s’appelle la Filiation. De même que ce n’est pas moi qui me nomme homme ou femme ; souvenons-nous de la première parole prononcée à notre arrivée au monde : c’est un garçon ou  c’est une fille.  J’ai été nommé ainsi, et ceux qui l’ont fait, l’ont été eux-mêmes par d’autres avant eux.

On peut dire que c’est du culturel, mais c’est du « déjà-là », comme le nomme V.Margron.

Quelle relation y a-t-il entre ce « déjà-là », et ce que je construis ?

Et entre ce « déjà-là » et ce que la culture met en scène ?

Du côté de la question homme/femme, il y a la réalité du biologique.

Du côté de la filiation culturelle, il est difficile de nier que nos corps sont habités d’une mémoire langagière, culturelle, inconsciente, familiale…

Ceci étant dit, il est assez évident que la relation à la génération  n’est pas la même chez l’homme et chez la femme.  Naître, c’est sortir du corps d’une femme qui a été fécondée par un homme au travers d’une relation de parole et d’amour avec cette femme .

Etre né d’une relation, d’une union de désir, de parole, et de fécondation, tout cela est constitutif de notre identité et de notre conscience de soi comme tiers, comme différent, comme autre, comme sujet.

Et l’enfant qui va naître de cette relation se réfère, non pas à des individus disjoints, mais à un homme et à une femme, un homme tourné vers cette femme, le féminin, la personne de la mère !!!

Ne peut-on pas penser alors l’incarnation comme l’union de l’affectif, du charnel, et du symbolique ?

« Homme et Femme il les créa »

Evidemment, il se dit que la parenté symbolique, ou affective n’est pas la parenté biologique, mais on peut reconnaître tout ce que le charnel apporte au symbolique et à l’affectif.   Le charnel est plus que le biologique qui  n’est qu’un ensemble de processus et de lois objectifs, donc…anonymes, alors que le charnel est lieu de donation de la vie, de l’affection et de la sensibilité. Le charnel est éminemment personnel, et dans ce sens, la parenté adoptive qui n’est pas biologique, a une dimension charnelle.   « Tu es sûre, vraiment sûre, que je ne suis pas sorti de ton ventre ? », demandait un enfant de 4/5 ans à sa mère adoptive ?

C’est cette relation qui nous inscrit dans une filiation qui elle-même nous situe dans la chaine des générations.

 Dés la naissance,  on est inscrit dans cette filiation, et ce grâce à  la parole. Denis Vasse, jésuite et psychanalyste le dit à sa manière : « Ce qui fait l’homme, dit-il, depuis toujours, et pour toujours, c’est une parole dans un corps sexué et dans une généalogie. »

Filiation, famille, paternité et maternité, tout cela nous renvoie à la notion de lien (père et mère sont en relation et  liés)  de lien et de différence. La différence est écart, partage, lieu de rencontre.

La théorie du genre veut se débarrasser de la différence, comme moteur d’appel à l’altérité.  Mais on peut penser aujourd’hui une différence qui ne soit pas une inégalité mais un lieu où le masculin et le féminin s’appellent sans s’exclure, sous le signe d’une altérité qui ne soit pas écrasante.

Nous avons toujours à recevoir de l’autre sexe une façon originale, nouvelle, de regarder la vie, de comprendre une question, de se situer face à l’autre, d’entrer en relation… Il y a une manière féminine d’être dans l’ humain qui échappera toujours  à un homme, et vice versa.

Cette différence sexuelle est un enrichissement. Alors, dire que la différence entre un homme et une femme n’est produite que par la culture, par des conventions, des habitudes, nous  empêche de comprendre la complémentarité et la coopération entre les sexes, là où père et mère sont reconnus à leur place.

Est-ce raisonnable de penser l’homosexualité comme une alternative à l’hétérosexualité alors qu’il s’agit d’économies sexuelles incompatibles ? Une orientation sexuelle retenue pour elle-même en contradiction avec son identité sexuelle de fait ne peut-elle pas favoriser des confusions….dont les enfants risquent de faire les frais ?

Et la position de l’église est claire à ce sujet : « Homme et femme, il les créa », voilà ce que dit la genèse, mettant la dualité du genre humain  à la base de notre histoire. Cette dualité, cette différence est, dit V.Margron, « source  et reflet du Créateur. La création n’est possible que dans la reconnaissance de la différenciation essentielle, indubitable du destin biologique de l’homme et de la femme » .

 

Reste, pour moi, la question de l’Amour, cœur du message évangélique.  Ceux qui sont homosexuels n’ont pas choisi de l’être…Pour celles et ceux que je suis amené à écouter dans le cadre de mon métier, c’est souvent une souffrance. Ils préfèreraient pour la plupart être hétéros, ce serait tellement plus simple, mais ils ne peuvent pas ; ils peuvent juste tenter d’assumer au mieux leurs inclinations. «  Si une personne est Gay, et cherche le Seigneur, qui serais-je pour la juger », disait le Papa François au Brésil cet été…

Quant aux transsexuels, ils sont habités par un désir d’être de l’autre sexe tellement puissant qu’ils n’hésiteront pas à faire des démarches douloureuses et coûteuses, ainsi qu’à déployer des trésors de patience face aux quolibets, pour parvenir à être ce qu’ils sont persuadés d’être.

Faut-il, au nom d’une norme hétérosexuelle, aller jusqu’à stériliser les transsexuels, à poursuivre d’une haine incompréhensible les homosexuels, ce qui peut en pousser certains au suicide, ou alors accepter leurs différences dans le cadre d’une humanité bienveillante et aimante envers ceux qui souffrent ?

 

On voit là qu’il y a une marge importante entre les théories et ceux qui s’en servent dans des buts plus ou moins reconnus de manipulation,   et la réalité quotidienne, ce que nous pouvons constater chaque jour, la réalité de celui ou de celle que je côtoie et qui est mal dans sa peau d’homosexuel, ou de transsexuel.   Il nous reste, en dehors de cette querelle idéologique, à l’accueillir comme notre frère..ou comme notre sœur, c’est selon. "                               Merci .

Wissant, le 21 Août 2013

Marc  Guffroy

Article publié par Michèle Leclercq • Publié • 4246 visites