Qu’est-ce que l’homme … ?

Edito Eglise d'Arras n°18

Fête des vivants et des défunts les 1er et 2 novembre, fête des victimes de la grande guerre, le 11 novembre : la première quinzaine de novembre peut orienter une méditation sur la place de chaque être humain sur la terre. Les festivités autour de la grande guerre ne pourront cacher la grande désillusion et la grande détresse de toutes celles et ceux qui en furent les victimes. Bientôt on réintégra aussi dans la mémoire collective ceux que l’on a inutilement condamnés et exécutés “pour l’exemple”. L’honneur et l’horreur ont cohabité hier, et ils continuent de cohabiter dans toutes les guerres y compris celles d’aujourd’hui où des moyens plus perfectionnés continuent de réduire en cendres, c’est-à-dire à rien, des hommes, des femmes et des enfants qui ne demandaient qu’à vivre.
Qu’un kamikaze se suicide, quelle horreur ! Mais qu’il entraîne dans la mort des dizaines d’innocents devient un affront au Créateur et aux créatures. Il n’y aura jamais assez de protestations de la part des autorités civiles et religieuses pour dénoncer tous les idéologues qui arment la raison et le bras des assassins.
 
L’Europe s’est quelques instants sentie bouleversée par les morts noyés par centaines en Méditerranée. Depuis, d’autres sujets, de nouvelles préoccupations ont chassé les précédentes. Il en est de même pour les réfugiés de Calais. Lors des premières vagues d’immigration, des chaines humanitaires s’étaient développées dans toute la région. Aujourd’hui, on désintègre squat après squat dans le silence. Même les Syriens sont vite oubliés : nous ne sommes pas Lampedusa !
 
Cette introduction pessimiste ne cherche pas à casser le moral de chacun. Elle voudrait orienter la réflexion sur le sens que chacun donne à sa vie, à la vie : à la vie de son prochain et à sa propre vie ? Et de quelle manière ce sens donné se manifeste-t-il ? Si l’on peut lire, au le livre de l’Ecclésiaste (Qohélet), que la “vie n’est que vent et poursuite de vent”, il est bien d’autres passages bibliques pour insister sur le regard de Dieu à l’égard de toute créature. Quand Dieu eut fini sa création et invité l’homme et la femme à jouir de son œuvre de création, il est précisé au livre de la Genèse : “Et Dieu vit ; tout cela était très bon”.
 
Le nouveau Testament, en de multiples occasions, insiste sur l’intérêt que Jésus porte à toute créature même la plus pécheresse. Que ne Lui a-t-on reproché de fréquenter les malades, les pécheurs, les exclus et autres catégories qu’aujourd’hui on qualifierait de « les sans… ». Le Nouveau Testament est un hymne à l’amour de Jésus-Christ pour tout homme, même pour ce qui n’est rien, précise saint Paul. Jésus, venu de Dieu, nous a rejoints au fond de notre misère pour qu’à notre tour, comme lui et avec lui nous devenions enfants de Dieu. “Qu’est-ce que l’homme pour que tu t’en soucies, le fils d’homme, pour que tu penses à lui ?” (Psaume 8).
 
Dans la diversité des courants de spiritualité, avec le pape François nous sommes invités à la proximité, à nous intéresser davantage à chacun, à chaque être humain, à nous rendre proche de lui, “Dieu se manifeste dans l’aujourd’hui ; il nous rejoint dans notre humanité”, rappelait-il à Rio de Janeiro. A la suite de Jésus, à notre tour, nous sommes invités à rejoindre notre prochain dans son humanité, dans ce qui fait la quotidienneté de son existence. N’est-ce pas ainsi qu’il faut comprendre la parabole du jugement dernier : j’étais malade, nu, en prison et vous êtes venus jusqu’à moi.
Dans l’histoire de Zachée, Luc insiste sur l’aujourd’hui de la rencontre et l’aujourd’hui du salut. A nous aussi de faire découvrir à notre prochain qu’aujourd’hui le salut est arrivé dans sa maison. A ceux qui seraient tentés de considérer l’actualité et l’aujourd’hui comme éphémères, le pape lui-même rappelle que c’est dans l’aujourd’hui que se joue l’éternité.
 
Abbé Emile Hennart