Fiche 11, Jean ch. 13-14

Jésus lave les pieds des disciples; discours d'adieu

Lavement des pieds.

Premier discours d’adieu

 

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Avec le chapitre 13 commence la seconde partie de l’Evangile de Jean. Dans la première partie, ch. 1 à 12, Jean a manifesté le dialogue que Jésus recherche  avec tous, avec “les Juifs” en particulier, pour faire comprendre qu’il est la Parole qui vient de Dieu. Mais il n’est pas reçu, ainsi qu’en témoignent les chapitres 5-8 puis 9-12.

 

Lecture d’ensemble

A partir de ce chapitre 13, les interlocuteurs de Jésus sont le petit groupe de ceux qui ont accueilli sa parole de révélation… ce qui ne signifie pas qu’ils ont tout compris ! Mais le climat est serein. Viendront ensuite les échanges de parole avec les officiels (Caïphe, Pilate) et le récit de la Passion

Les chapitres 13-17 donnent le sens de l’évènement : le dévoilement de la gloire du Fils.

On ne trouve pas de parallèle à cette partie dans les synoptiques.

 

lavement des pieds.jpg lavement des pieds.jpg  Efforçons-nous encore de repérer les différents intervenants dans ces textes, les dialogues en forme de question/réponse entre chacun et Jésus… Le dernier repas est l’occasion d’un geste où Jésus lave les pieds des disciples. C’est aussi le temps des discours, que l’on appelle discours d’adieu. C’est un genre littéraire biblique connu, par exemple : Jacob et la bénédiction de ses fils (Genèse 49) ; les paroles de Moïse avant sa mort (Deutéronome 33) ; le discours d’adieu de Paul à Milet (Actes 20). Caractéristiques des discours d’adieu : à l’approche de la fin de sa vie, le personnage convoque ses proches ; au cours d’un repas, il leur rappelle ce que Dieu a fait pour lui et il leur transmet, sous forme de testament et d’exhortation, ce qu’il a de plus cher.

 

Au ch. 13, on trouvera des mots répétés, parce que le texte d’origine se transmettait sous forme orale, et les répétitions désignent les insistances, par exemple “aimer”.

Le lavement des pieds n’est pas simplement un geste d’hospitalité, et il ne faisait pas partie du rite pascal. L’interprétation que Jésus en donne lui confère une nouvelle signification. Geste réalisé au moment du passage vers le Père, il devient appel à tout disciple pour qu’il vive du même amour que Jésus (voir prière ci-dessous).

 

Au cours du repas (que Jean ne décrit pas) est annoncée la trahison de Judas. Sitôt Judas sorti, la parole de Jésus se développe en forme d’entretien (31-38) où Jésus donne lui-même l’interprétation des évènements qui vont suivre. La crucifixion est présentée comme glorification (13, 31-32) ; puis la croix comme “aller vers le Père” 14, 33 ; ensuite, la mort de Jésus est présentée comme signe de son amour pour les siens (34-35) ; enfin une réflexion sur le “suivre Jésus” qui suppose de passer par l’épreuve (passage par la mort vers la résurrection) 36-38. La foi n’est pas une question de connaissance, mais de suivance.

 

Le chapitre 14

Faut-il parler de “dernières recommandations” pour ce chapitre ? Sans doute. Après le geste du lavement des pieds, il est question de la relation des disciples avec Jésus mais aussi de la suite après son départ. Une promesse vient réconforter les disciples, la promesse que viendrait un autre comme Jésus, qui enseigne et fait se souvenir… Matthieu écrit quelque chose de semblable, en 10, 17-20 : dans le temps des épreuves et des persécutions quelqu’un, l’Esprit, viendrait pour soutenir leur parole.

Le ch. 14 se termine avec la phrase “Levons-nous et partons” v.31. C’est la conclusion du discours d’adieu. La suite logique se trouve au ch.18 (l’arrestation). Or, un deuxième discours d’adieu prend place aux chapitres 15 à 17. Ces chapitres en forme de discours continuent et explicitent le ch. 14. Ils  ont probablement été insérés postérieurement et doivent être compris comme un approfondissement du premier discours. On y trouve la vigne et les sarments, la haine du monde et la victoire sur le monde, enfin la prière d’adieu.

 

Zoom : 14, 1-14 (+ 15-18). La relation des apôtres à Jésus

L’ensemble du discours est construit sur le thème du voyage : partir, aller, revenir, chemin... Le départ de Jésus est proche, d’où l’appel à ne pas être troublé par les évènements (14,1 et 27). Le chapitre 14 est une exhortation à la fidélité, à la confiance en Jésus et dans la promesse de la venue de l’Esprit. “Ne soyez pas bouleversés… je reviendrai vous prendre avec moi… Le Père vous donnera un autre Paraclet” (15-18). L’appel à croire est donc à entendre comme un appel à faire confiance en Jésus.

 

Thomas et Philippe interviennent, puis Jude au v. 22. Pour eux ce langage est obscur.

A Thomas, Jésus affirme : “Je suis le chemin, la vérité, la vie”, c’est-à-dire que, par sa mort, Jésus ouvre une voie, (un chemin) qui permet d’accéder à la réalité divine (la vérité) et, par là-même à la vie en plénitude. Le crucifié est le passage obligé qui mène à Dieu. Pour Jésus, la croix n’est pas la fin du chemin commun, mais l’ouverture d’un nouveau chemin, accompagné par un autre paraclet. Encore faut-il accepter de passer par Jésus. Pour Pierre, au ch. 13, cela commence par le refus que Jésus se fasse le dernier, le serviteur de tous.

 

A Philippe. Jésus rappelle l’enseignement des chapitres 5 à 9 sur sa relation avec le Père : “Celui qui m’a vu a vu le Père”… On peut supposer que l’attente de Philippe de “voir le Père” est d’ordre matériel, physique. La réponse de Jésus oriente vers une autre relation, non visible : “Je suis dans le Père et le Père est en moi”.

Les deux versets sur la prière (13-14) sont parfois mal interprétés, comme prière pour ‘n’importe quoi’. Or il faut rattacher notre prière au désir que Dieu soit glorifié en Jésus ; ce n’est donc pas demander n’importe quoi ! Que peut-on demander au Père “au nom de Jésus”, sinon de continuer son œuvre ? Le croyant intercède afin que la réalité de Dieu soit manifestée dans le monde (glorifiée). C’est encore notre mission aujourd’hui.

 

Pour aller plus loin

La suite, non retenue pour le zoom, fait intervenir plusieurs fois le mot aimer comme caractéristique des relations du disciple au Fils et au Père, à l’image des relations entre Jésus et son Père : “de la sorte, le monde saura que j’aime le Père…” v.31).

A Jude, Jésus répond (22-26) par la certitude des relations Père, Fils, Esprit et nous, relations exprimées par le don de la paix et l’importance d’aimer. Cet amour différencie la communauté autour de Jésus du monde qui ne peut pas le connaître, puisqu’il n’aime pas Jésus. (Voir ch. 17)

 

L’amour dans l’Evangile de Jean

L’amour, souvent cité par Jean, est-ce un amour réservé aux membres de la communauté, ou éveille-t-il à l’amour universel ? Dans la première partie de l’Evangile, Jean a rappelé l’universalité de l’amour du Père : “Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique” 3,16. “Vous aimer les uns les autres”, v.34 peut apparaître comme restriction de l’amour à la communauté. De fait, la communauté johannique n’honorait pas chez elle le commandement de l’amour, d’où l’insistance de Jean sur ce qui n’était pas vécu… Restreindre l’amour théologal au frère de sa communauté, à l’exclusion du reste de l’humanité, est un repli frileux en contradiction avec l’amour du Christ pour tout homme. “Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres”. Ce n’est pas une comparaison, c’est le rappel de l’enracinement, du fondement de tout amour. Cet amour est révélateur de Jésus qui continue à agir. C’est le commandement “nouveau”. On aurait pu attendre “aimez-moi comme je vous ai aimés” ! Mais c’est “aimez comme je vous ai aimés”. Cela oriente l’appel de Jésus non en un amour en retour vers Lui, mais en un amour ouvert au monde.

 

Quand Pierre s’exprime. Est-ce en son nom propre ? Peut-être ! Mais il parle aussi au nom du groupe des Douze. Pierre porte l’expression commune, comme pour la foi proclamée à Césarée (Marc, 8, 29) ou au soir de la multiplication des pains (Jean 6,68-69). Parole “personnelle” mais aussi expression au nom du groupe… L’attitude où il refuse d’être lavé par Jésus peut aussi exprimer une certaine difficulté de Pierre et du groupe à reconnaître “Dieu incarné en Jésus” : toi me laver les pieds, jamais ! Pierre n’est pas prêt à accepter que Jésus se fasse le serviteur de tous C’est comme à Césarée (Marc 8,33) où Pierre refuse un Messie souffrant. Pierre n’est pas encore prêt à passer avec Jésus par la mort. Plus tard, l’absence de Pierre et des autres au pied de la croix laisse entendre qu’ils n’ont pas encore, à ce moment-là, compris l’heure de la mort comme heure de la glorification.

 

Question d’hier et d’aujourd’hui : peut-il y avoir un salut dans l’abaissement du Fils ? Le lavement des pieds exprime pour hier comme pour aujourd’hui, la nécessité pour nous, de poser ce même geste aujourd’hui devant le frère. C’est donc bien plus qu’une morale, c’est un ‘suivre Jésus’ à vivre. (Cf. Bartimée suit Jésus, en Marc 10, ou la place de celui qui sert, en Luc 22, 24-27). Le service du frère s’enracine dans l’imitation de Jésus. Mais il y a d’abord le bain indispensable (laver les pieds), c’est-à-dire accueillir la Parole, signifié désormais par le baptême.

 

Trahison de Judas. Jésus est troublé à l’annonce de la trahison : cette trahison révèle le pouvoir du démon (13, 2 et 27). Judas a choisi le parti de Satan, il entre dans le monde des ténèbres (double sens du mot nuit, v.30). L’insistance de Jean à préciser ‘l’un des Douze’, comme l’annonce de la trahison en 6, 71 exprime la liberté de chacun à tout moment.

 

“Le disciple que Jésus aimait”. Au-delà de l’individu dont on ne connaitra jamais le nom, Jean qualifie la condition du vrai disciple : non ‘celui qui aime Jésus’, mais ‘celui qui est aimé par Jésus’. C’est bien la relation à Jésus qui est première et elle vient de Jésus. N’est-ce pas une invitation à nous reconnaître à notre tour comme d’abord aimé par Jésus.

On peut se demander pourquoi Pierre passe par le disciple que Jésus aimait pour poser sa question v.25). La réponse n’est pas donnée.

 

Le Père plus grand que moi… 14, 28 et 13, 16. L’expression ‘plus grand que moi’ a fait l’objet de nombreux débats théologiques autour de la Trinité. Retenons l’autre phrase : le messager n’est pas plus grand que celui qui l’envoie ! Cela ne signifie pas qu’il est plus petit. Dans la diplomatie antique, l’envoyé était considéré avec les mêmes égards que celui qu’il représentait.

 

Le Défenseur ou Paraclet

Certaines traductions écrivent Paraclet. C’est un décalque du grec paraclétos, Défenseur, pour ne pas avoir à traduire. Le mot est propre à Jean. Paraclet signifie envoyé, appelé pour “souffler la Parole” d’où le sens d’avocat, de défenseur. En Jean, le Paraclet ou Esprit a une fonction d’enseignant (et non de charismatique guérisseur). Dans les Actes, l’Esprit est aussi celui qui provoque les chrétiens à parler, à annoncer. En Jean 14, le Paraclet continue l’œuvre de Jésus, avec un rôle d’enseignement, (de mémoire), d’interprétation, d’actualisation. Il n’est pas interdit de le prier en ce sens.

 

La section 11 : section des objections. Après l’objection de Pierre, ch.13, on trouve trois autres objections et réponses, Philippe, Thomas, Jude. Elles sont signes de l’incompréhension concernant le départ de Jésus : l’objection de Thomas concerne le chemin à prendre, celle de Philippe montre qu’il n’a pas encore compris le rapport de Jésus au Père ; enfin celle de Jude sur la non-manifestation au monde (v. 22-24), c’est l’occasion de préciser les conditions de la venue de Jésus avec le Père et de leur présence commune aux disciples. Plusieurs fois l’Evangile a signalé ‘plus tard vous comprendrez’, ou : ‘ils n’avaient pas compris que…’, parce qu’il faut attendre le temps de la Résurrection et du Paraclet pour comprendre.

 

Prier la Parole

Aimer comme tu aimes

Seigneur,

Je viens avec hardiesse te demander

Un don qui dépasse toute chose.

Apprends-nous à aimer comme tu aimes.

 

Ce n’est pas facile pour nous, êtres humains.

Nous sommes tellement traversés

Par le désir, la peur, l’agressivité...

 

Apprends-nous cet Amour

Qui sait prendre des risques pour les plus petits

Et qui ne craint pas les puissants et les sages de ce monde.

 

Apprends-nous cet Amour

Qui cherche inlassablement la justice,

Surtout lorsque cela dérange

Notre quiétude et notre confort.

 

Apprends-nous cet Amour

Qui respecte passionnément tous les hommes

Et d’abord ceux qui ne savent pas respecter les autres.

 

Apprends-nous cet Amour

Qui sait regarder chaque être humain

Dans son chemin d’imperfection

Avec le projet de Dieu en lui.

 

Apprends-nous cet Amour

Capable d’un pardon sans retour

Pour les offenses les plus lourdes à porter

et les blessures les plus vives.

 

Apprends-nous à aimer comme tu aimes.

Alors nos vies seront transfigurées.

La paix se répandra dans nos groupes,

Dans nos cités et entre les peuples.

Aimer comme tu aimes :

Il n’y a que toi qui peux faire cela en nous.

Michel Serin

 

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