Fiche 13

La prière de Jésus. Fiche de lecture

Jean Ch. 16, 16 à ch.17.

 Rectificatif

à apporter dans la fiche PDF13 imprimée et distribuée dans Eglise d'Arras n°18 :

Pour l’intertitre, en page 3, il faut remplacer « Zoom l’amour fondement de la communauté, 15, 1-17 »  par :  « Zoom : Croire et connaître, 17, 20-26 »

 

Fin du discours d’adieu et prière de Jésus.

 

Section précédente

Jésus au bord du Lac Nazareth - Bronze Engeignement à la foule  
Jésus au bord du Lac
Jésus au bord du Lac
Il est fort probable que la toute première communauté de Jean a ajouté un second discours d’adieu (ch 15-1, 16) à la suite du premier (ch. 13-14. Voir début fiche précédente). La métaphore de la vigne et des sarments insistait sur l’attachement vital de la communauté à Jésus, cep de vigne. En annonçant la venue du Paraclet, Jésus ne laisse pas ses disciples orphelins. Les traits de la mission sont définis : que les disciples glorifient le Père, qu’ils témoignent que l’amour a vaincu la haine du monde… Une haine que pourtant les disciples auront encore à subir : “En ce monde vous êtes dans la détresse, mais prenez courage, j’ai vaincu le monde” 16, 33.

 

Lecture d’ensemble

Même réflexion préalable ici qu’en début de section 12 : devant la multiplicité des débats d’interprétation, commençons par repérer les personnages et les relations entre eux exprimées par Jean : Jésus, le Père, les premiers disciples, les futurs disciples, le monde (plusieurs sens). On pourrait même prendre ces personnages nommés un par un, écrire un paragraphe sur chacun où seraient exprimées les relations. Par exemple, décortiquer la dernière phrase : “Je leur ferai connaître ton nom, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et moi en eux” (C’est un moyen pour repérer les interconnexions du texte, voulues par Jean pour exprimer la relation à Dieu, aux frères, au monde !)

 

La condition du croyant après Pâques : de la tristesse à la joie. Le début de la section correspond à la dernière partie du discours d’adieu (16, 16-33) où est évoquée la situation de l’Eglise primitive dans le monde, soutenue par le Paraclet, mais perturbée par le départ de Jésus. Ce départ ne devrait pas entraîner la tristesse. Les questions du dialogue des disciples avec Jésus laissent entendre leur désarroi. Ce sont des dialogues recomposés par Jean pour favoriser la compréhension des premiers lecteurs. Ces versets, comme les précédents, sont une méditation sur les paroles de Jésus accompagnée d’un travail rédactionnel. Un travail comparatif permettrait de repérer les thèmes déjà abordés aux ch. 13-14 et repris en 16-17. Le moment de la Passion est évoqué : “Vous allez pleurer tandis que le monde se réjouira”.

 

16, 16-24. Quel enseignement tirer de l’expression redoublée : “Encore un peu de temps, vous ne me verrez plus… encore un peu, vous me verrez…” ? Jésus s’en était expliqué au ch. 14, dans le dialogue avec Thomas, avec Philippe puis Jude et quand il annonce la venue du Paraclet… Paroles de Jésus qui n’ont pas été assimilées d’où, à nouveau, les mêmes interrogations reprises au ch. 16, sur la présence-absence, le départ, la disparition. Le tout début de l’ère post-pascale fut, pour les disciples, un temps de turbulence et non un temps lumineux (en un clic !) comme nous l’imaginons (Matthieu signalait, lui aussi, les doutes de certains au moment du départ, Mt 28, 17). L’expression “encore un peu de temps… puis encore un peu de temps” peut être comprise ainsi : d’une part le court laps de temps entre le discours du jeudi-saint et l’exécution de Jésus, d’autre part le bref intervalle entre la croix du Vendredi et Pâques, espace de vision du Ressuscité. [D’autres interprètent autrement : le second ‘un peu de temps’ exprimerait le temps de l’attente de la vision éternelle au dernier jour.]

 

Les versets 16, 16-33 ne cherchent plus à expliquer ce qu’il en est de Jésus, comme au ch. 14, mais à faire comprendre aux disciples leur propre situation nouvelle de communauté après-Pâques ; la situation avant/après de la femme qui accouche devrait leur faire découvrir le changement avant/après qu’ils sont appelés à vivre. Telle devrait être leur joie. Les disciples semblent avoir compris que Jésus est venu de Dieu (v.30). Ce qui était déjà affirmé aux ch.5 à 9 : Jésus et le Père ne font qu’un ! Les disciples ont-ils réellement compris ? Jésus en doute et s’en étonne : “Vous croyez maintenant !” Qu’en sera-t-il dans les difficultés à venir ? Les v. 32-33 évoquent la Passion et la situation de l’Eglise dans le monde : “Dans le monde vous aurez à souffrir, mais gardez courage : moi, j’ai vaincu le monde”. Le disciple n’est pas retiré du monde, il reste exposé à l’hostilité. Au sein de l’épreuve, il bénéficie de la paix du Christ, fondée sur la victoire du crucifié sur le monde, au sens où Jésus a restauré le lien avec Dieu par la force d’aimer. (Cf. Prologue 1,1-18)

 

Ch. 17. On change de registre. Alors que, précédemment, Jésus s’adressait aux disciples, ici il s’adresse à Dieu son Père avec le mot affectueux de ‘Abba’. Il est possible que Jean réutilise un poème, un hymne, comme pour le prologue. Jean conclut les discours d’adieux par la prière de Jésus pour les siens (ch.17).

Le thème principal est celui de révélation : révélation du Père par le Fils, rôle des disciples envoyés, puis de ceux qui croiront… afin de faire connaître et de vivre de l’amour donné par Dieu. Cette prière ressemble fort à une conversation de Jésus avec son Père au moment de quitter les siens. Cette prière est divisée en trois temps. Dans le premier temps, Jésus demande au Père de le glorifier dans sa mission : faire connaître et glorifier le Père. Le second temps est prière pour les disciples, enfin, dans le troisième temps, la prière s’ouvre à tous les croyants, à ceux qui ont reçu la Parole, le témoignage.

 

Séparés du monde ? Cette prière évoque encore la séparation d’avec le monde (cf. ch. 14). Une fois encore, il nous faut être prudents pour ne pas tomber dans un dualisme absolu : dans le monde/hors du monde, au risque de mettre les chrétiens hors du monde. Au long du ch. 17, selon la phrase où il est présent, le monde peut revêtir trois significations : soit il désigne le monde créé (v.5, 24), soit il désigne l’humanité (v.6, 11, 13, 18), ou encore il représente la puissance hostile, ceux qui ont refusé la Parole (14-16, 25). Ainsi “Ils ne sont pas du monde” signifie qu’ils ne partagent pas (plus) les valeurs qui déterminent le comportement du monde, qui a rejeté le Fils de Dieu. Pourtant ils sont envoyés dans le monde qui est encore et toujours appelé à croire Jésus.

 

S’il est vrai que Jésus, le Verbe, n’a pas été reçu, ni Lui, ni ses disciples, la mission reste bien précise : “Je ne te demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du mauvais” v.15. “Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde”. Ce serait donc un contresens total que de recevoir la mission comme une rupture d’avec le monde, invitation de vivre en dehors. D’autres passages précisent que Dieu a tant aimé le monde (3,16) : il est impensable désormais qu’il se désintéresse du monde. Ce monde qui rejette Jésus reste appelé à croire. C’est la mission de Jésus et de ceux qui continuent après Lui.

 

La fin de la prière garde l’espérance d’être entendu : “…pour que le monde croie”. La mission confiée aux disciples ne les exclut pas du monde, bien au contraire. Le pape François insiste avec ses propres mots pour que l’Eglise ne soit pas étrangère au monde : accepter d’aller aux frontières, préférant une Eglise accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort (Evangelii Gaudium 49). Voir aussi fiche 12, le rapport au monde.

 

Zoom. Croire et connaître. 17, 20-26

 

Le zoom reprend la troisième et dernière partie de la prière de Jésus (ch.17). “Désormais je ne suis plus dans le monde”. Après la prière pour lui-même (1-8) où Jésus rend grâce pour l’œuvre de glorification du Père qu’il a eu à accomplir, voici la prière (9-19). Il prie alors pour ses disciples : “Eux restent dans le monde… Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde”. Cette prière d’intercession ne demande pas le retrait du monde, mais rappelle qu’ils ont été envoyés. Consacrés (ou sanctifiés), c’est l’œuvre de l’Esprit : qu’ils soient entièrement donnés à Dieu et envoyés. Dans la troisième partie, 20-27, Jésus prie pour les disciples à venir, ceux qui ne l’ont pas connu directement, ceux qui auront entendu la Parole et répondu.

 

Le verbe connaître revient de nombreuses fois : “Je leur ai fait connaître ton nom et je le ferai connaître encore, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et moi en eux.” Le mot connaître peut être un piège pour nous, occidentaux du XXIème siècle, pour qui la connaissance est de l’ordre de l’intellectuel alors que dans la littérature biblique, la connaissance est avant tout expérience, rencontre de l’intime et non de l’intellect, ce que sous-entend l’affirmation “afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux”. La finale 17, 26 associe connaître et aimer. Ces deux mots ne font qu’un pour Jean, et c’est la volonté de Jésus selon Jean, au moment d’ouvrir un nouveau chapitre. La connaissance, à la mode biblique, exprime une communion profonde, une intimité permanente exprimée aussi par le verbe ‘demeurer’ (la vigne et les sarments). ‘Qu’ils soient en communion’, ‘qu’ils soient un’, ‘comme le Père et moi’ appartiennent au même registre de langage. Dans cette ultime prière, Jésus pense aux communautés chrétiennes au-delà de son départ et c’est de nous-mêmes qu’il est question : que nous puissions voir Dieu face à face et vivre de son amour illimité.

 

Au terme de la lecture du ch. 17, nous pourrions nous demander : de quel Christ sommes-nous les témoins ? A quelle mission dans le monde sommes-nous convoqués ? Le Christ, envoyé de Dieu-Père, envoie des disciples. A leur suite, des gens du monde pourront connaître le Père et recevront de lui la force d’aimer, pour vivre dans la communion à laquelle tous sont appelés.

 

Pour aller plus loin

 

Cenacle Jérusalem Cenacle Jérusalem  Il faudrait prendre un temps de lecture pour repérer dans le ch.17 les allusions au contexte de vie difficile de la primitive Eglise. D’abord l’absence du Christ : je ne suis plus dans le monde, eux restent dans le monde. Constat simple, mais qui sous-entend la nécessité pour les chrétiens de garder la joie, de ne pas se laisser désabuser par la haine du monde. Ils sont dans le monde et y sont envoyés. La prière comme appel à l’unité sous-entend qu’en fin de siècle un certain nombre de tensions existaient. Par exemple les difficultés d’aimer en vérité au sein de la communauté (comme le rappelle la première lettre de Jean), les difficultés doctrinales (gnose et arianisme), les rejets, et les départs, évoqués au cours de notre lecture, les infidélités à la mission et à l’enseignement de Jésus. Plus que prière pour l’unité, le mot qui convient est celui de communion.

 

“Je veux que là où je suis, ils soient aussi” 17,24. Si nous sommes habitués à une lecture aseptisée et sans relief, le ‘Je veux´n’aura pas retenu notre attention. A cet instant de la prière, Jésus n’exprime pas seulement un vœu, un souhait, mais bien sa volonté. Il nous faut repenser aux premiers lecteurs et à leur condition d’existence dans un monde hostile, avec les difficultés de la mission et les persécutions. Ces paroles, c’est la conviction même de Jésus qui s’inscrit en eux, parole d’espérance qui retentissait déjà avec “courage, j’ai vaincu le monde”.

 

Le titre “prière de Jésus pour les siens” est préférable à ‘prière sacerdotale’, ceci pour éviter une interprétation restrictive que n’a pas cette prière. Cyrille d’Alexandrie disait ‘prière sacerdotale’ pour signifier que la prière de Jésus est offrande à Dieu, de sa vie, de celle des disciples et de celle des croyants, présents et à venir.

 

La vie éternelle v.3 : il est rare que nous ayons une définition. “La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent” ! Il n’est pas question de vie après la mort mais d’autre chose, qui ressemble à ce que nous avons pu apercevoir à propos du jugement dernier, au présent et non à la fin des temps. La vie éternelle, c’est être avec Dieu, maintenant (9,39).

 

Glorification. Dieu est glorifié, c’est-à-dire rendu présent et reconnu dans le monde par la vie du Christ, puis de ses disciples, et de nous à leur suite.

 

Prière : En route à ta suite

 

Seigneur, renouvelle en nous l'appel

Qui nous met en route à ta suite,

Pour que le monde te connaisse

Et reçoive l’amour dont tu nous as aimés.

 

Envoie-nous

Au milieu de ce monde sans cesse en mouvement

Pour donner à ton Evangile le visage d'aujourd'hui.

 

A la croisée des chemins,

A l'heure d'un choix qui engage toute leur vie,

Brûle le cœur des jeunes: qu'ils entendent ta voix

Et se laissent saisir par ton amour.

 

Donne l'audace du « oui» à celles et à ceux

Que tu appelles à tout quitter pour te suivre.

Qu'ils mettent leur vie au service du Royaume

Dans la joie du don total.

 

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Dossier des évangiles : http://arras.catholique.fr/jean

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