Faites la paix !
Edito de Monseigneur Jaeger - Eglise d'Arras n°05
MESSE INTERNATIONALE DE « FAITES LA PAIX ! »
Actes 4, 8-12
1ère Jean 3, 1-2
Jean 10, 11-18
Voici que s’achève un magnifique rendez-vous de la mémoire, de la reconnaissance et de l’engagement. Àl’approche du centième anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918, nous étions redevables de cette démarche aux morts de nombreuses nationalités qui ont péri sur notre sol et y sont inhumés.
Le pèlerinage dans plusieurs cimetières militaires, le chant des enfants, l’intercession des représentants des cultes, l’apport des historiens et des chercheurs, le partage de nos entreprises les plus modestes comme les plus organisées nous ont fait crier : « Faites la paix ! »
La chaine humaine qui a uni les nécropoles où reposent des frères naguère ennemis nous a fait reprendre conscience d’une réalité souvent oubliée. Les principes, les philosophies, l’action politique sont indispensables à l’établissement, au rétablissement, au maintien de la paix. Ils ne remplaceront jamais les mains qui se joignent et se serrent au-dessus de toutes les frontières et les barrières qu’avec une funeste constance les individus, les groupes et les nations construisent alors qu’il leur faut ensuite dépenser tant d’énergie et de temps pour les abattre.
Nous voulons rendre grâce pour le service de la paix qui a marqué les décennies écoulées dans de nombreux pays d’Europe. La construction est encore fragile. Les démons de l’hégémonie, de l’égoïsme, de la peur, du particularisme, de la fermeture, du rejet nous guettent toujours.
Nos efforts ont besoin d’être soutenus et amplifiés. Nous voulons ici et maintenant, au cours de cette Eucharistie, les confier au Prince-de-la-Paix. Il a pour nous et, nous le souhaitons pour le monde, le nom et le visage du Bon Pasteur. Jésus, le Fils de Dieu est venu d’auprès du Père. Il a annoncé la Bonne Nouvelle, porteuse de paix pour chaque être humain et pour toutes les nations, pour nos familles, nos communautés humaines et sociales, nos instances et institutions de toute nature.
Le Fils de Dieu n’a pas seulement parlé de paix. Il est la Paix quand il offre librement sa vie par Amour pour son Père et pour toute l’Humanité. Il ne donne pas seulement la paix. Il est la paix à l’intérieur de celui ou de celle qui le reçoit, marche à sa suite et devient son disciple. Ce chemin ouvre des perspectives à toutes les bonnes volontés disponibles pour choisir et vivre la paix quand tant de sirènes contemporaines nous jetteraient si facilement sur les récifs de la division, de la discorde, de l’autosuffisance et de l’indifférence. Le Christ nous rassemble pour qu’il n’y ait réellement qu’une seule humanité, une seule famille, de toutes langues, de toutes nations, de toutes cultures.
Dans les conflits, le don de la vie est souvent imposé ou arraché, même si l’attachement à un pays, à une cause peut être réel et sincère. Aucun intérêt n’imposait au Christ de perdre sa vie. Selon ses propres paroles, il la donne pour la recevoir de nouveau. Seul l’Amour l’a conduit à tout donner, à se donner. Au nom de ce don, de la parfaite fidélité à son Père et à ses frères humains, Il peut être l’unique Pasteur des bénéficiaires et des artisans de la paix, en tous les lieux et en tous les temps.
La page d’Évangile que nous méditions aujourd’hui constitue en quelque sorte la garantie de la paix. Elle n’a, cependant, pas empêché et n’empêche pas une partie, au moins, de celles et de ceux qui l’ont accueillie ou s’en nourrissent encore de se déchirer et de s’entretuer.
Laissons le Christ nous rappeler que l’enclos où il nous rassemble ne sera jamais réservé aux uns et fermés aux autres. La mission du Christ ne sera vraiment achevée que lorsque toutes les brebis seront rassemblées en un unique troupeau par le seul et unique pasteur.
L’histoire nous a appris qu’il n’est pas trop difficile de s’unir pour faire la guerre. Il est plus exigeant d’être ensemble, avec un seul cœur, une seule âme et un seul esprit pour laisser la paix grandir en nos vies quotidiennes et autour de nous. Ce projet semble nous dépasser. Il est à la mesure du Christ.
La folie de la croix du Christ est seule capable de vaincre pleinement la folie de la guerre. Nous osons le dire et le croire en ces temps qui nous mobilisent pour d’autres combats que ceux dont nous faisons mémoire.
L’aspiration des peuples à la liberté, la reconnaissance des cultures, l’éradication du terrorisme, l’affranchissement à l’égard des oppressions politiques, le rejet de la dictature financière, la sauvegarde de la planète, le partage de l’eau ont une dimension planétaire.
Plus près de nous, la lutte contre les inégalités, l’accès aux formations, les mesures pour l’emploi des plus jeunes, le respect des plus faibles et des plus fragiles, l’accueil de l’étranger, l’insertion sociale s’apparentent à de véritables batailles.
Ces grandes causes humaines ne peuvent pas en 2018 être traversées par les lignes de fracture qui installeraient dans deux camps opposés et rivaux les perdants et les gagnants. Elles ont besoin de la volonté, de l’enthousiasme et du cœur des membres de l’Église, de tous les hommes et les femmes qui écouteront la voix de l’unique pasteur.
Le quatrième dimanche de Pâques, l’Église prie dans le monde entier pour que le Seigneur lui donne, les pasteurs qui seront signes et instruments, ministres du Christ, le Bon Pasteur. L’Église et le monde ont besoin de cette réalité divine qui nous est donnée par l’Esprit-Saint à travers la fragilité et l’humilité de la réalité humaine.
Le pauvre don d’eux-mêmes que le Christ demande aux ministres ordonnés et aux consacrés communique à tous les fidèles et à l’humanité la vie plus forte que la mort et la guerre. Cette vie du Christ vainqueur fait des êtres humains bien mieux que les brebis d’un troupeau. Elle leur donne la grandeur et la dignité d’enfants de Dieu. Cette grandeur et cette dignité reçue, respectée et partagée sont en Jésus mort et ressuscité, la source et la garantie de la paix.
+ Jean-Paul Jaeger