Entre dogmatique et casuistique, le discernement

Edito Eglise d'Arras n° 9-2016

Entre dogmatisme et casuistique : le discernement.

Beaucoup d’encre a déjà été versée au sujet de la dernière exhortation post synodale Amoris Laetitia. Pourtant le pape François est resté fidèle à l’adage scolastique, qui trouve ses racines dans l’antiquité classique : “in medio stat virtus” : la vertu se tient au milieu.

 

On savait difficile pour le pape d’oser une parole qui ne soit pas convenue, à l’issue des deux synodes sur la famille (octobre 2014 et 2015). Des lions dévorants circulaient dans les salons feutrés du Vatican, cherchant à dévorer quiconque ne correspondait pas aux expressions dogmatiques depuis longtemps enchâssée sous le sceau de l’immuabilité.  Chacun savait que la parole du pape restait libre, après l’expression du vote cardinalice à une voix de majorité, après les nombreuses joutes oratoires, la première étant entre le cardinal Kasper et le cardinal Müller. Comme le rappelait Mgr Jaeger dans le précédent numéro, “ L’Eglise n’indique pas seulement du doigt le terme de la route, elle emprunte le chemin avec chaque famille”. C’est ce qu’ont remarqué la plupart des commentateurs, qu’ils soient ou non d’Eglise. 

 

“Le pape veut une Eglise attentive à l’inévitable fragilité humaine qui affecte les relations, l’affectivité, la capacité d’aimer et de faire confiance, l’exercice d’une liberté responsable… Une Eglise qui, par l’expression de sa compassion et de sa sollicitude, témoigne que Dieu ne laisse personne sur le bord du chemin… Une Eglise qui garde les pieds sur terre en prenant en considération la situation actuelle des familles. D’où l’invitation lancée aux communautés locales pour qu’elles poursuivent leur effort de créativité missionnaire pour imaginer comment accompagner au mieux leurs contemporains dans leur désir d’aimer, surtout dans les moments d’épreuves que la vie ne manque pas de réserver aux familles.”

Le pape ne demande pas qu’on lise d’un seul trait ce document. Il espère voir grandir le souci d’être présent aux familles et de les accompagner. Il invite à une pastorale du discernement : “invitation à la miséricorde et au discernement pastoral face à des situations qui ne répondent pas pleinement à ce que le Seigneur nous propose” AL §6. “On ne peut pérenniser sans discernement des formes et des modèles du passé” AL §32. Souhaitons que cet appel soit entendu.

 

La visite du pape à Lesbos, accompagné de deux patriarches orthodoxes n’est pas passé inaperçue, ni des chrétiens, ni de la société civile en général. Les organes de presse ont rapporté de manière élogieuse cette visite dans la continuité de celle de Lampedusa, mais aussi de celle au Conseil de l’Europe à Strasbourg. Il y parlait déjà d’accueillir avec dignité les migrants. Un qualificatif est désormais accolé au nom du pape François : un pape social. Quelques-uns ont rappelé qu’il dit et qu’il fait… s’il parle de miséricorde, c’est une miséricorde qu’il met en œuvre. On peut donc souhaiter que les chrétiens sortent de leurs églises, comme le pape du Vatican pour mettre en œuvre la miséricorde…que ce soit envers les pauvres, les chômeurs ou les déshérités de la société, sans oublier les populations jeunes en Europe et dans le reste du monde. Mais il est rare qu’on entende la voix des plus jeunes à ce sujet et encore moins les chrétiens les accompagner. “Nous ne pouvons pas ignorer le contexte culturel et économique dans lequel les jeunes sont plongés“, écrivait Mgr Jaeger dans ses orientations en février 2000.

 

Bien d’autres sujets méritent notre attention : la journée des communications sociales, les célébrations de la vie religieuse, l’Eglise du Brésil et l’effort missionnaire du père Candas (voir le prochain numéro). Enfin, dans la multiplicité des choses à faire et à croire, quelques lignes, dans la continuité de Vatican II, invitent à mettre un peu d’ordre dans notre hiérarchie des valeurs et dans leur mise en œuvre. Tout ne se vaut pas et cela demande du discernement.

Abbé Emile Hennart.