Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés
Edito de Mgr Leborgne - Eglise d'Arras n°10
«Heureux ceux qui pleurent ils seront consolés » (Mt 5, 4). Le jour de la Toussaint nous entendions cette béatitude. Comment ne pas être troublé, qu’est-ce que cela peut signifier ? Comment les victimes des agressions sexuelles dans l’Église peuvent-elles recevoir cette parole ? Comment les personnes exilées qui sont comme les déchets de notre société post moderne peuvent-elles les accueillir ?
Mais nous avons continué la lecture des béatitudes. Et nous avons entendu Jésus : « heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés ! » (Mt 5, 6) Pas d’ambiguïté : la béatitude des pleurs et de la consolation n’est pas un appel à la résignation, elle exige en même temps la béatitude de la soif de la justice et de la vérité. Il n’y a pas de consolation authentique qui ne fasse l’économie de la justice et de la vérité.
Mais affirmer cela ne nous éclaire pas beaucoup plus sur la béatitude des pleurs.
Il me semble que j’en ai appris quelque chose en apprenant à écouter. Je pensais savoir un peu écouter. La rencontre des victimes me permet de comprendre que je ne sais en fait qu’un tout petit peu écouter. Quitter la sidération, quitter les réflexions a priori et les projections, écouter librement, cela demande du temps. Accueillir, sinon comme une terre vierge que nous ne sommes pas, mais comme un frère qui croit la parole prononcée et qui l’accueille au rythme où elle se donne, dans ses hésitations, dans ses colères, dans sa force et sa vulnérabilité. Sans prétendre la clôturer. La laisser advenir. Et alors peut-être, avec Jésus qui rejoint toute personne dans ses blessures et ses pleurs, rejoindre ceux qui sont en face de nous. Et marcher humblement avec eux, pour autant qu’ils nous y invitent.
La sainteté est la seule réponse à la crise que nous traversons. Elle est l’appel qui résonne au cœur du concile Vatican II : « l’appel universel à la sainteté ». La nouveauté était bien plus grande qu’il n’y paraissait. Se décentrer de soi, se déplacer, se dépouiller même, pour accueillir la puissance en acte du Christ mort et ressuscité. Dans la grâce de l’Esprit, apprendre à écouter comme il écoute, à aimer comme il aime, à s’engager comme il s’engage, oser la justice comme il a osé la justice, et alors peut-être refléter la consolation de Dieu, l’unique consolation qui peut nous combler.
Tous des saints. Pour un catholique, ce n’est pas une hypothèse. C’est une vocation ouverte le jour de son baptême. C’est une disponibilité chaque jour rechoisie à l’œuvre de la grâce et au travail d’humanisation de l’Esprit, jusque dans la plénitude de la filiation et de la divinisation.
Je demande au Seigneur la grâce que nous réalisions tous la vocation à laquelle il nous appelle. Et pour laquelle Jésus ne cesse de se donner et l’Esprit de travailler. La médiocrité à laquelle nous nous sommes résignés a fait trop de dégâts. Ne tergiversons plus.
+ Olivier Leborgne,
Évêque d’Arras, Boulogne et Saint-Omer