En Jésus, le Christ
Édito de Monseigneur Jaeger - Eglise d'Arras n°2 - Février 2020
Les moyens de communication modernes ouvrent des perspectives extraordinaires. Ils favorisent la diffusion large et rapide des informations. Ils sont au service d’un confort de vie appréciable et partagé. Savoir et dire en un instant et à toute la planète : il ne faut pas réfléchir bien longtemps pour percevoir immédiatement les avantages et les bénéfices d’une telle capacité. Elle éveille un sentiment de puissance et de domination. J’existe parce que mes messages me valent un nombre
croissant de « likes ». À y regarder de plus près, la médaille a son revers. L’existence ne se ramène pas à une succession d’instants. Elle se déploie dans la continuité, son rythme est variable. À la course succède le repos. La réflexion accompagne l’action. Les mots et les formules
s’adressent à des personnes. Le cerveau et le coeur humain s ne seront jamais réductibles à la super-puissance des machines et des ordinateurs.
Nous nous leurrons quand nous imaginons que la faiblesse et l’inachèvement de l’être humain sont une tare et qu’ils seront corrigés par la perfection et la performance des instruments auxquelles une fatale tentation nous conduit à nous abandonner.
Il est étonnant de constater un e recrudescence de la violence dans les rapports quotidiens. Je n’évoque pas ici les grands conflits qui ont marqué l’histoire de notre pays et qui nous sont
aujourd’hui épargnés. Je ne scrute pas davantage les statistiques des actes délictueux ou criminels.
Je pense à cette violence qui n’est pas susceptible d’être poursuivie par la justice, mais ronge cependant le tissu du bien-être ou du mieux-être commun. J’évoque ces invectives, ces injures,
ces moqueries qui ont l’inconvénient d’être massivement répercutées et le désavantage de se substituer à la réflexion, à l’échange, au débat, au dialogue, à la compréhension.
Nous savons par expérience que ces comportements conduisent parfois à l’agression sur les biens et les personnes. Il ne faudrait pas que l’autre, le différent, le contradicteur devienne un adversaire à combattre et à éliminer.
Pour exister, il est aujourd’hui indispensable d’aller vite et loin. L’être humain, l’humanité entière se forgent dans le temps. Ils ne seront jamais les fruits d’une accumulation d’instants, mais d’une histoire qui ne craint pas les limites, les faiblesses, les erreurs, les reculs.
Sur un tel chemin, les semblables ne sont pas des ennemis à abattre, mais les indispensables compagnons de route avec lesquels et par lesquels, il devient possible de donner à la famille humaine son visage et sa grandeur.
Lorsque l’Église remet à un enfant catéchisé, à un catéchumène, le livre des Évangiles, elle ne se contente pas de lui permettre de prendre connaissance de textes. Elle l’invite à suivre le Christ, à se laisser guider et transformer par lui. Elle lui permet d’entrer déjà, pas à pas, jour après jour, halte après halte, dans le Royaume où la création, avec l’homme à son sommet, est renouvelée par l’Amour vainqueur du Christ, passé de la mort à la vie nouvelle et éternelle. La
violence est anéantie. Cette initiation libère des appétits toujours plus nombreux et fous puisque la science et la technique leur donnent satisfaction et que le droit s’adapte à eux.
Les enfants de naguère étaient bien naïfs quand les adultes leur faisaient croire que les garçons naissaient dans les choux et les filles dans les roses ou qu’ils étaient livrés par les cigognes. Ils savaient cependant que le bébé qui allait être accueilli était un don à qui il faudrait joyeusement faire place dans le cercle familial.
Aujourd’hui, les grands sont sérieux. Les enfants sont les fruits de projets parentaux qui peuvent mûrir dans toutes les têtes. Peu importe les manipulations et les artifices qui s’ensuivront peut-être.
Elles se justifient puisqu’elles concourent à l’accomplissement d’un désir ou de désirs qu’il serait impensable et inhumain de frustrer. Le droit et la loi suivront !
Demandons-nous quand même où sont les vrais naïfs !
+ Jean-Paul Jaeger