L’Esprit-Saint et nous-mêmes avons décidé

Édito de Monseigneur Jaeger - Eglise d'Arras n°6

Mgr Jaeger3756 Mgr Jaeger3756  « L’Esprit-Saint et nous-mêmes avons décidé. » Dans bien des circonstances, des personnes ou des groupes se réfèrent à cette formule attribuée par le livre des Actes des Apôtres aux apôtres et aux Anciens de l’Eglise de Jérusalem. Elle lie, de manière particulièrement forte et audacieuse, l’action de l’Esprit-Saint au fruit de la délibération institutionnelle. Elle confère l’autorité à un processus qui devient plus que le résultat de tractations humaines. Il est possible de discerner en lui l’œuvre divine.

 

De façon quasi permanente et parfois maladive, nos communautés se heurtent à l’exercice du pouvoir dans l’Eglise. Des ministres ordonnés et des fidèles laïcs se retranchent derrière l’ordination, la lettre de mission ou le statut pour prendre leurs choix ou leurs désirs comme autant de vérités exclusives qu’il importe d’accueillir et de mettre en pratique.

Certes, l’Eglise a prévu le recours à divers conseils pour signifier qu’à aucun niveau de l’Eglise l’exercice du pouvoir solitaire ne peut se confondre avec l’œuvre de l’Esprit-Saint. Une interprétation restrictive de leur caractère consultatif laisse trop souvent place à une conclusion péremptoire du type : « C’est moi qui décide ! » ou « Je fais ce que je veux ! ».

 

Il est instructif et intéressant de parcourir l’itinéraire suivi, lors de l’assemblée de Jérusalem, avant que ne soit prononcée la célèbre conclusion. Rappelons-en l’origine. A Antioche où Paul et Barnabé annoncent l’Evangile, des Juifs convertis, venus de Judée entendent imposer aux convertis du paganisme les coutumes juives, notamment la circoncision.

Aussitôt Paul et Barnabé ainsi qu’une délégation montent à Jérusalem. Ils sont accueillis par l’Eglise, les apôtres présents et les anciens. Les débats sont vifs. Pierre situe ses propos dans sa première expérience auprès des païens. Tous se taisent et écoutent la Parole de Paul, puis celle de Jacques. Les interventions mettent en lumière ce que Dieu a accompli et l’enseignement des prophètes.

 

Une décision est prise par les Apôtres et les Anciens « avec toute l’Eglise. [1]» Les hommes qui seront envoyés à Antioche sont choisis « à l’unanimité.[2] » Ils confirmeront de vive voix le contenu d’une lettre. Au terme de cette démarche, les rédacteurs de ce message peuvent écrire : « L’Esprit-Saint et nous-mêmes avons décidé. »

 

 

Cet extrait souligne l’harmonie des rôles et des responsabilités. L’autorité bien réelle des apôtres et des Anciens se situe en parfaite harmonie et communion avec toute l’Eglise. L’unanimité est le garant de l’authenticité et de l’enracinement de la décision. Les propos et les exposés des apôtres ont été décisifs, mais ils ne sont pas imposés au-dessus, en dehors ou à côté de toute l’Eglise.

 

L’Eglise dans le diocèse, les paroisses, les groupes, les mouvements, ne sont pas quotidiennement confrontés aux graves divisions qui auraient pu être fatales à l’Eglise naissante.  

 

Dans une période où la mission de gouvernement est souvent remise an question dans l’Eglise, l’épreuve traversée et surmontée aux premières heures de l’Eglise est riche d’enseignements sur la finalité et la méthode du discernement sous la mouvance de l’Esprit-Saint.

L’Eglise se serait fracassée sur les récifs des divisions si les apôtres et les premiers fidèles avaient été sommés de se ranger dans un camp ou dans l’autre, d’approuver les uns et exclure les autres. Il a fallu sortir du conflit et remonter à la source de l’Ecriture et de la tradition naissante pour s’en remettre à la volonté divine qui ne se laisserait pas enfermer dans le jugement des uns et des autres.

 

La méthode de l’Assemblée de Jérusalem sert souvent de modèle pour le fonctionnement des synodes dans l’Eglise. Elle a fait ses preuves lors du Concile provincial de Lille-Arras-Cambrai. La nécessité et la joie d’annoncer l’Evangile font, aujourd’hui, sentir leur urgence. Les pasteurs et les fidèles trouveront dans les Actes des Apôtres un élan et un encouragement pour surmonter tous les obstacles qui obstruent les chemins de la foi. Ceux-ci ne manquent pas, non plus, de surgir à l’intérieur des communautés elles-mêmes. Sans l’Esprit-Saint, leurs efforts sont voués à l’échec. Avec lui, l’impossible advient et accomplit la Parole de Dieu !

Loin d’engendrer l’orgueil et la témérité, l’affirmation : « L’Esprit-Saint et nous avons décidé » nait de l’humilité et de la disponibilité. Dans la prière, laissons-la résonner en tous les lieux et les moments où s’exercent des responsabilités pour le bien de toute l’Eglise !

 

 

 

 

                                                                       + Jean-Paul JAEGER 

 

[1]Actes 12, 22.

[2]Actes 15, 25.