Miséricorde !
Edito EA 18-2015
Miséricorde !
Dominique Quinio, ancienne directrice de La Croix, recherchait la photo d’une famille engagée dans la société, qui illustrerait le synode. Ce faisant, elle déplace le regard de bien des chrétiens focalisés à propos du synode, sur les questions de divorce, de remariage et l’accès aux sacrements. L’attente est très forte d’une réponse magistérielle au sujet de ces gens qui n’ont pas respecté les clous canoniques. La photo qui a intéressé Dominique Quinio est celle d’une famille qui ouvre sa table à des colocataires : cela aussi fait partie de l’image d’une famille, mais elle ne nous vient pas spontanément à l’esprit.
Peut-être nos esprits sont-ils électrisés (polarisés) par telle ou telle situation que les médias répètent inlassablement, entraînés qu’ils sont à relayer les thèses de la manif contre le mariage pour tous, oubliant la multiplicité des actions et situations des familles en France, en Océanie, en Afrique et ailleurs. Il est vrai que les représentations traditionnelles de la ‘Sainte Famille’ ont colporté l’image de Marie, Joseph et le jeune Jésus dans l’atelier, oubliant que de nombreux clients sont aussi passés à l’atelier de menuiserie, qu’ils viennent de Nazareth, de Cana ou de Séphoris, dialoguant avec l’artisan au travail… Ce contact de la famille de Nazareth avec son voisinage ne fait pas partie des images pieuses dont nous avons hérité. “Jésus, Marie Joseph”, c’est toujours une image hors contexte, or cela aurait pu rendre plus proche la famille de Jésus de nôtre propre famille.
Il faut attendre la réplique de Jésus à ses disciples, en Marc 3, 32, pour découvrir l’ouverture qu’il propose à la notion de famille : “ ma mère et mes frères… : Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m'est un frère et une sœur et une mère”. Ce faisant, Jésus provoque à entendre la famille en un sens bien plus large que celui où l’on voudrait la circonscrire : “Un papa, une maman et des enfants”. Faut-il laisser nos esprits enfermer la famille dans ce cadre étroit ? Des éditoriaux parlent de dimensions sociétales pour évoquer les questions sur la famille, et cela dépasse de beaucoup les questions juridiques.
Il en est de même pour la miséricorde : nous avons une telle aptitude à évoquer “miséricordieux comme votre père est miséricordieux” que nous oublions d’évoquer envers qui se porte la miséricorde. Au moment où nous sommes sollicités à entrer dans l’année de la miséricorde, il n’est pas inutile de s’interroger sur la miséricorde… miséricorde reçue du Père, mais aussi miséricorde à faire ressortir autour de nous. La bulle d’indiction du jubilé extraordinaire n’oublie pas de rappeler ce que peut être la miséricorde : les œuvres de miséricorde corporelles et les œuvres de miséricorde spirituelles (§15). Nous avons là, de la part du pape de bonnes indications pour la recevoir et la mettre en œuvre.
Quelques paragraphes plus loin, (§20), le pape François rappelle le rapport entre justice et miséricorde. “La justice illustre le comportement de Dieu envers le pécheur”. Voici donc de multiples occasions de méditer au cours de l’année sur l’amour miséricordieux du Père envers chacun de nous, sachant qu’Il nous invite à devenir miséricordieux comme lui-même est miséricordieux. Un souhait : qu’au cours de cette année de nombreux témoignages viennent illustrer les pages d’Eglise d’Arras au sujet de la miséricorde reçue et partagée.
Abbé Emile Hennart