le Vendredi 06 nov 2009
Dans mes premières années de ministère, j’ai eu l’occasion de rencontrer un jeune retraité, cadre des mines de potasse au Maroc. Parmi ses activités, il lui revenait de rechercher, dans les douars, des hommes de bonne constitution pour les envoyer travailler dans les mines en France.
a l’époque, on n’avait pas trop peur des étrangers, travailleurs infatigables. Aujourd’hui la peur s’installe. Crise de l’Islam, crise d’identités culturelles, crises économiques qui mènent des gens du Darfour, de somalie, de l’Iran, de l’afghanistan ou d’ailleurs à s’exporter en Europe. Construction de moquées, développement des intégrismes ici et ailleurs : ils font peur, ils n’ont pas leur place chez nous laisse-t-on entendre.
Que devient alors la Promesse lue dans les saintes Écritures, au livre d’Isaïe ch.25, “qu’un jour les gens de tous pays et de toutes nations seront rassemblés sur la montagne de Yahvé comme pour un grand festin” ? sans doute Isaïe avait-il des visions plus utopiques que celles de nos économistes malthusiens. La doctrine sociale de l’Église concernant la répartition des biens de la terre entre tous, et non entre quelques-uns, est un choix, une orientation humaine, et cela ne peut être le fruit du hasard, ou le résultat des lois du marché. La prise de conscience d’un autre avenir à préparer prend corps dans les esprits et les coeurs. Mais en même temps la peur de l’autre, de l’étranger, de l’indésirable se fait plus forte. Il ne suffit pas de crier haro sur le baudet pour se rendre familier de lui.
La peur envahit les sociétés, elle envahit aussi le coeur de l’Eglise.
La crise aidant, des critiques, souvent infondées, élargissent les sapes pour faire tomber tout effort d’ouverture ou d’adaptation à un monde qui n’est plus ni le xIIIème, ni le xvIème siècle. Il arrive même aux autorités de se taire, d’esquiver toute ouverture, par peur d’un retour de bâton, car des administrations tatillonnes veillent.
De tous temps, les systèmes religieux ont édifié des barrières qu’il ne fallait pas franchir : ainsi en était-il au sujet des lépreux, des publicains, des femmes et d’autres catégories, qui ne pouvaient franchir certaines barrières érigées par les sommités de la religion, au nom de Dieu.
Jésus a dû se battre contre les exclusions et les règles qui viennent non de Dieu mais des hommes.
À l’occasion de l’exposition sur Galilée au vatican, un cardinal n’a-t-il pas laissé entendre qu’on aurait mal interprété la Parole de Dieu et tiré des conclusions hâtives et injustes envers certaines recherches scientifiques ? Que faut-il penser des restrictions à la lecture et à l’interprétation des saintes Ecritures, aux siècles derniers ? La peur l’avait emporté sur la sagesse. aujourd’hui, la frilosité risque de l’emporter sur le désir d’aller à la rencontre de l’autre, qu’il soit berger à Bethléem ou mage en Orient : Luc pour sa part, Matthieu pour ses destinataires juifs, laissaient entendre que Dieu adressait sa Bonne nouvelle aux lointains et aux derniers de la terre, et qu’il savait adresser sa parole, à chacun, dans sa langue maternelle. Il n’est donc pas trop tard pour mettre en oeuvre les constitutions et les décrets votés par 2500 évêques réunis à Rome entre 1962 et 1965.
En novembre, la fête de Toussaint, la mémoire des grandes guerres ne sont-elles pas là pour inviter à lire et à vivre les paroles de l’Evangile de Jésus-Christ ?
Abbé Emile Hennart