Le Ciel et la terre
L'actualité et la théologie de l'incarnation
EditoEA21
Les grands des nations se penchent sur la terre. Ils sont en quelque sorte nos délégués au berceau de l’humanité, la terre…, enfant malade à en croire bien des spécialistes. Une terre malade de nos exubérances et aussi de nos inconsciences, et aussi de nos méconnaissances des réalités.
Qui sait encore la disproportion entre le geste d’appuyer sur un bouton et ses conséquences sur des millions d’hommes, nos frères ? Nous comprenons que chaque geste compte pour la vie (survie) de millions d’hommes, qui risquent de fuir leurs contrées sinistrées pour d’autres contrées ; mais là, ils rencontreront le cynisme des gens déjà installés. Rien n’est simple ! et alors ?
La terre, comme un berceau, est l’objet de mille soins attentionnés, et l’on aimerait que les bonnes intentions se transforment en intentions fermes. Beaucoup d’hommes de bonne volonté sont aujourd’hui ébranlés par trop de bonnes intentions, de bonnes paroles non suivies d’effet. Et puis voici Noël et l’on a déjà oublié les promesses de consommer moins d’énergie, de mieux les répartir. A quoi sert-il de gagner plus, si c’est pour le garder pour soi ? Fera-t-on cadeau de ce que nous avons emmagasiné ?
Nous connaissons des témoins, d’hier et d’aujourd’hui qui ont choisi l’ouverture plutôt que le repli, et nous citons très vite les grandes figures comme Sœur Emmanuelle , mère Térèsa ou l’abbé Pierre. Mais ils sont des milliers, dans la vie associative, syndicale ou politique à vouloir un autre monde, à le mettre en œuvre avec leurs moyens propres, leur intelligence et leur cœur. Des visages de la solidarité, il en existe beaucoup, mais ils sont souvent plutôt discrets. Mgr Harlé a été de ceux-là, discret accompagnateur de bien des chrétiens en monde rural. On pourrait citer les membres de la Cimade qui depuis 70 ans ont soutenu les déplacés et les immigrés sur notre sol : qu’importe leur identité, c’était des humains en grande détresse.
Voici donc Noël où le Ciel s’unit à la terre dans le secret espoir que l’homme entende l’appel à aimer, à se réconcilier, l’appel à la Paix : Gloire à Dieu et paix aux hommes que Dieu aime. Alors, on sortira cadeaux, photos et vidéos. On sera admiratifs devant la prise de vue, de nuit, d’une terre bleutée d’où émergent des halos de lumière :
les pays du Nord, et quelques tâches dans l’extrême sud-asiatique. Le reste ne serait-il que déserts ? Dans leur prière du cœur, certains reprendront le psaume 8 : “Mon Dieu tu es grand, tu es beau ; qu’est-ce que l’homme, que tu te soucies de lui ?”. Voici donc la magie de la lumière revenir au cœur de notre hiver, hiver climatique et hiver spirituel. Au cœur de la nuit jaillit la Parole, le Verbe ou, plus évocateur, le souffle de Dieu comme celui d’un petit enfant.
Nous aimerions tant que le feu du Ciel tombe sur les grands de la terre et leurs complices, qui refusent de s’ouvrir à la Parole et à la Vie, tout comme l’avaient demandé certains disciples de Jésus, éconduits par des samaritains. Mais depuis la rencontre du prophète Elie à l’Horeb, nous savons que les pas de Dieu sur notre terre sont comme le bruit d’une brise légère. Alors saurons-nous l’entendre au milieu de nos bruits médiatiques ?
Il est venu sans bruit, loin des palais ; de pauvres gens l’ont accueilli et des bergers ont entendu “Paix aux hommes que Dieu aime”. La terre peut-elle s’unir au Ciel pour chanter le Dieu qui vient chaque jour ? Ouvrons les yeux, ouvrons les oreilles, ouvrons les mains, alors nous verrons Dieu venu chez nous, au milieu de nous, comme un enfant fragile, comme un souffle fragile. “Debout, réveille-toi !” Luc 7,14.
Abbé Emile Hennart