Bruits du monde.

Edito Eglise d'Arras 3-2010


L’actualité de ces dernières semaines a fait se tourner les regards et les cœurs vers Haïti. Quand une catastrophe atteint une telle intensité, la générosité se fait débordante, comme un coup de cœur, pour tenter d’éponger un raz-de-marée ou de relever les ruines et les hommes qui y habitent.

 

Cette actualité fut aussi l’occasion de lever un coin du voile, un coin de l’histoire des relations entre les nations civilisées et ces pays, appelés colonies, trop souvent mésestimés et exploités. Le transport de bois d’ébène (esclaves noirs) par les négriers à partir de la France est resté florissant jusqu’en 1831 hélas !. Il a fallu plus de cinquante années de luttes politiques et économiques pour inventer et faire respecter des lois d’humanité, celle des Droits de l’Homme votée en 1789.

 

Aux racines de notre identité il y eut des femmes et des hommes, parmi eux des prêtres et des religieuses, qui voulurent l’abolition de la traite des nègres et agirent en ce sens. Ainsi Anne-Marie Javouhey, fondatrice des sœurs Saint Joseph de Cluny. Dans le Cahier de doléances du petit village de Champagney (70), pour 1789, se trouve cette phrase, sans doute inspirée de Jacques Antoine Priqueler, pour “supplier très humblement Sa Majesté de concerter les moyens pour faire (des nègres) des sujets utiles au royaume et à la patrie".

 

L’histoire ne se répète pas, quoique… ! On pourrait s’interroger sur l’accueil fait aux étrangers indélicatement débarqués sur une plage de l’Ile de beauté. Qu’en est-il aussi de ceux qui, plus proches de chez nous, survivent, pourchassés chaque jour par la force publique pendant que chaque jour et chaque nuit, quelques bénévoles tentent de leur venir en aide ? La charité, la générosité et le don ont besoin d’être relayés par la création et la mise en œuvre de législations qui puissent redonner sa dignité à chaque homme. Paul VI, après Jean XXIII, en appelait “à l’établissement d’une organisation juridico-politique de la communauté mondiale”, et Jean-Paul II affirmait le 5 décembre 1983. “Il y a nécessité de reconnaître la promotion de tous les hommes et d’y travailler”. Il appartient à chaque génération de reprendre et poursuivre le chantier, afin que tout homme devienne mon frère.


La revue diocésaine se fait l’écho des Assises de la confirmation, avec le souhait de notre évêque que nous soyons toujours animés du souffle de l’Esprit. Philippe Barras concluait fort justement son intervention par un appel “au discernement, ressourcement et approfondissement de notre relation au Christ et aux frères”. De cela, Mgr Leuliet en a donné un magnifique témoignage par sa vie d’évêque au feu du Concile, au feu de l’Esprit, reconnaissant d’avoir pu (su) discerner le mystère pascal dans la vie de l’Eglise et du monde, avoir su discerner les signes d’une présence du Christ dans la vie de l’Eglise et du monde.

 

Au cours des mois à venir nous aurons à revisiter nos vies d’hommes et de croyants, attentifs aux bruits du monde, et soucieux de mettre en œuvre des initiatives pour accueillir, rejoindre, proposer, accompagner.

Abbé Emile Hennart