Des bons et des méchants

Edito - EA N°13

Notre imaginaire a été trop marqué par la vision dichotomique des westerns pour qu’il n’en reste pas de traces en nous : d’un côté les bons, de l’autre les méchants. L’actualité récente fourmille de ce genre d’oppositions, parfois inconscientes. Un homme d’envergure internationale se joue d’une femme de chambre et l’on crie haro ; un autre chatouille les pieds de ses employées et l’on se fait discrets. On s’étonnera, avec raison, qu’un ado puisse atomiser une ado, et l’on demeure indifférents devant le déferlement des images de violences à longueur de soirées sur les écrans.

 
Pour le dernier exemple ci-dessus, on verra apparaître une nuée de psys pour canaliser le ressenti de l’évènement hypermédiatisé, et personne ne s’étonnera de l’absence et de la disparition de psy ou tout simplement d’adulte apte à l’écoute quand, au collège ou au lycée, un jeune a besoin de ce dialogue, parce que c’est ce jour-là et pas un mois plus tard… L’éducation, cela commence à la maison, dès le premier jour. Cela se poursuit à la maternelle ; encore faut-il ne pas considérer les institutrices uniquement comme des change-culotte et reconnaître une dimension éducative à leur profession.
A tous les âges de la vie, le dialogue est nécessaire entre les générations, pas seulement le dialogue entre ses pairs. Or, le dialogue ne semble pas toujours porter de bons fruits… mais combien de sirènes ne viennent-elles pas détourner l’attention éducative vers d’autres centres d’intérêts ? Alors on se tournera vers le dressage comme méthode éducative, comme on le fait pour le dressage des animaux du cirque. Education ou dressage ? Derrière ces mots deux conceptions philosophiques de l’homme se profilent.
 
“Indignez-vous”, dira-t-on ; mais on reprochera à cette indignation de servir la cause des révolutionnaires. “Soyez libéral et laissez faire”, mais alors on formera des moutons habitués à ce qu’on leur tonde la laine sur le dos. Que faire ? La vie n’est pas comme un film avec les bons et les méchants. Aujourd’hui on y voit trop souvent les méchants gagner. Le rôle des prix cinématographiques et des festivals est l’occasion de remettre un peu d’ordre dans la maison “culture”. La théorie du genre envahit l’espace, y compris en éducation : “1 + 1, peu importe le masculin ou le féminin !” semblent dire ses défenseurs. Où donc y a-t-il espace pour réfléchir aux fondements des valeurs qui sous-tendent notre agir ? Sans doute ces questions sont-elles trop compliquées pour un 1er juillet.
 
Profitons donc de ce temps de l’été pour nous poser, faire un bilan, discerner dans les bruits du monde l’œuvre de l’Esprit et de notre esprit, tout ce qui a permis à la création et aux créatures de s’épanouir. Nous pourrons alors redire avec le psalmiste : “qu’est-ce que l’homme que tu en prennes souci, le Fils d’Adam que tu viennes le visiter ?” (Ps 8)
 
Il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre les méchants, il y a une société à laquelle nous apportons notre concours avec nos limites certes, mais aussi avec notre aptitude à entrer en conversation, à analyser, à proposer. Et si vivre l’Evangile à la suite des Actes des Apôtres, c’était accepter d’être dans l’arène, de la paroisse, du quartier, de la commune… d’y être des proposants passionnés et passionnants, même si nos propositions sont contestées ? Puisse notre foi donner goût à la vie pour nous, et pour ceux que nous croiserons sur le chemin.
 
Abbé Emile Hennart