La diaconie auprès des migrants

S'arrêter, pour relire dans la durée

Alors que les délégués à Diaconia préparent activement avec les doyennés leur pèlerinage à Lourdes, les activités de diaconie continuent. La journée du réfugié et du migrant a été l’occasion de temps forts ici et là. Une petite équipe a pris le temps de relire son action dans la durée. Ils ont rédigé et partagé leur méditation, accompagnée d’un refrain : « Tu es un homme … et je te nomme “ mon frère…” donnons nous la main !!! » La société les nomme : sans papiers… exilés politiques… demandeurs d’asile… : les “sans”.


Originaires de Sallaumines

Chaque mois, notre petite équipe du Secours Catholique (Pierre, Ghislaine, Sylvie, André, Gaëtan, Christiane) part de Sallaumines tôt le matin pour Calais. Nous sommes engagés au service des douches, sur un terrain vague à 5 km de Calais. Nous nous savons soutenus toute la journée, par la prière de la communauté (des Petites sœurs de l’Ouvrier de Sallaumines), qui a décidé de vivre cette journée, en communion avec nous, et aussi de la porter dans la prière.

 

Aller à la rencontre.

Arrivés à Calais nous partons, avec l’estafette du Secours Catholique, à la recherche de ces hommes qui ont bien souvent passé leurs nuits dans le froid, sans dormir, par peur d’un ramassage de la police. Quand ils sont arrêtés puis relâchés quelques heures après toutes leurs affaires (tentes, couvertures, affaires personnelles) partent à la benne. Et il faut maintes démarches pour récupérer le minimum dont ils ont besoin pour survivre…. Souvent regroupés dans le coin d’une rue, ils nous attendent et c’est la bousculade afin d’entrer les premiers dans l’estafette.
Certains osent faire à pieds les 5 kilomètres pour pouvoir se laver. Nous découvrons, et nous communions à la réalité d’hommes, de femmes, (très jeunes souvent), habités d’une histoire, de coutumes, d’un combat pour la vie ….. C’est un trésor de vie à accueillir.

 

Des conditions spartiates

Ils viennent avec leur soif de vivre, une soif de dignité, d’un avenir meilleur pour eux, leur famille…. d’un lendemain qui déplace les frontières. Ils logent dans des situations inhumaines, « cachés » dans des squats à peine à l’abri du vent, ou dans des tentes pas très loin de la mer. Et nous sommes en hiver !!!!

La Mairie de Calais nous a attribué 3 bungalows : 2 pour les douches (7au total), et un petit bungalow pour la distribution du linge de corps. Petit accueil où quelques chaises (5), une table, permettent de reprendre souffle, et de boire une tasse de thé ou de café, d’échanger quand la langue le permet. L’emplacement est perdu dans la nature. Nous ne dérangeons personnes et pourtant les carreaux de notre bungalow sont marqués de trous de balles faits avec une arme. Qui ne peut supporter à un tel point notre présence ????

 

  • Nous voyons arriver ces hommes, 7 par 7, tête basse, honteux de croiser notre regard, parce qu’ils n’ont pas pu se laver depuis plusieurs jours, honteux parce qu’ils n’ont plus visages d’hommes.
  • Nous les voyons retrouver vie une fois lavés, rasés, changés, parfumés, réchauffés…
  • Nous les voyons vivre entre eux, des gestes de partage et de solidarité, soucieux du dialogue entre eux et avec nous.

Nous partageons leur vie, leur rêve d’un avenir meilleur quand ils sillonnent la carte du monde accrochée au mur de notre local. C’est toujours un moment plein d’espérance… Nous découvrons des pays : l’Afghanistan, la Palestine, l’Egypte, la Tunisie, le Nigeria, La Lybie, le Soudan, l’Irak, l’Iran, le Congo, … Nous partageons un peu de leur histoire, leur métier, mais aussi leur combat. Nous communions à leur espoir d’arriver à trouver un pays où ils pourront travailler, vivre, nourrir leur famille, retrouver un statut d’hommes- citoyens et non plus d’assistés.

 

  • Joie aussi quand ils ouvrent leur portable qu’ils ont pu remettre en charge pour quelques jours. Et là, ce sont des nouvelles de la famille. Des yeux scintillent, des lèvres se décrispent … un rire ose éclater…
  • Joie d’écouter quelques instants de la musique de leur pays, de nous partager des photos de leurs parents, de leurs enfants, de leur épouse. C’est toujours accompagné d’un regard plein d’amour pour nous dire : « elle est belle » !


Il y a des moments plus durs, surtout lors des fêtes, où la rage de la séparation, de la misère, prend le dessus. La communication devient plus difficile, et nous devons être attentifs à ne pas blesser par un mot qui serait mal interprété. En même temps, nous rappelons que la dignité est quelque chose de commun, et nous les interpellons quand les cheveux, les poils, envahissent les douches après la toilette, quand le linge sale reste à terre et qu’il n’est pas mis dans les bacs prévus à cet effet. Nous rappelons aussi le geste de la fraternité, de la solidarité, quand certains se servent un peu trop, sans tenir compte des autres, ou qu’une parole injurieuse est adressée à l’un ou l’autre.


La misère, la souffrance, amènent quelques fois à la révolte, voire même la violence, et la peur nous envahit quand la tension monte… Des paroles dures, et quelques fois des gestes, nous heurtent de plein fouet.
De part et d’autre, blessés, nous sommes touchés, travaillés… nous essayons de nous expliquer, de comprendre. Des oreilles et des cœurs s’ouvrent, des langues se délient pour dire notre soif de dignité, de fraternité.

 

 

  • Joie de vivre entre nous un geste de pardon, un geste de soutien.
  • Joie d’apprendre que Kaédir, Mourad, Ali, Fiori, Hanane, Djamel, Youssef, Djamel, Ilham… ont pu passer en Angleterre, et qu’un avenir se dessine pour eux.
  • Joie de partager une Galette fabriquée par leur soin à l’accueil du Secours Catholique.
  • Joie aussi d’accueillir de leur part une aide pour nettoyer les bungalows, pour porter les corbeilles de linge sale dans la voiture.
  • Joie pour nous aussi de pouvoir nous retrouver en équipe, entre bénévoles, pour relire régulièrement toutes ces étincelles de vie. C’est un moment important pour nous soutenir, trouver les moyens pour recréer cette fraternité, chaque fois que nous allons au service des douches. « Aimer, c’est pardonner », mais c’est aussi, de poser les exigences de la fraternité, du partage et de la solidarité.
  • Joie à chaque voyage en partant à Calais, le matin dans la voiture, de nous disposer ensemble à cette rencontre, rencontre de ces hommes de ces femmes, mais aussi avec eux, rencontre du Christ qui prend visage d’hommes. Le soir dans la voiture, en rentrant sur Sallaumines, la joie éclate, nos langues se délient et nous sommes heureux de relire notre journée un peu sur le tas, sûrs d’y accueillir la braise, bien vivante, qui crépite sous les cendres.

Oui, Kaédir, Mourad, Ali, Fiori, Hanane, Djamel, Youssef, Ilham, et bien d’autres encore ... « Tu es un homme… ». Cette parole a besoin de nos yeux, de notre cœur, de nos mains, et de nos pieds, pour prendre corps.


La solidarité internationale, c’est par nos petits gestes au quotidien dans nos milieux de vie, qu’elle se fait et se défait et qu’elle peut se déployer.
Nous sommes heureux d’essayer, à chaque permanence, à Calais d’être les ouvriers de cette fraternité, de cette solidarité, possible pour tous.
 

 

Vers diaconia 2013 

En mai 2013, nous participerons à « Diaconia » et c’est en ayant au cœur la vie de tous ces frères du monde que nous partirons à Lourdes pour témoigner que cette vie a du prix aux yeux de Dieu.
L’équipe de bénévoles à Calais
Pierre, Ghislaine, Sylvie, André, Gaëtan, Christiane

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 5399 visites