RAPPORT SESSION CHAGALL DU 5 MARS 2013
CHAGALL, SA VIE, SON OEUVRE
Chagall, peintre et poète de la paix
Session d’Arras, le Mardi 5 Mars 2013
Chagall est toujours d’actualité. Depuis de nombreuses années, il tient l’affiche de grandes expositions, comme ce fut le cas à La Piscine de Roubaix, comme c’est le cas cette année à Paris, à Zurich, et à Nice. Aussi n’est-il pas étonnant que la session que le Père Louis Ridez anima à la Maison diocésaine d’Arras le 5 Mars attira cinquante-trois participants, heureux de partager ses découvertes marquées par les recherches complémentaires qui se font sur l’artiste en France et en Allemagne. Le public, très divers, était intéressé soit pour faire partager en catéchèse des images fortes qui font lire des pages essentielles de l’Ancien Testament, que Chagall considère comme mission de faire partager comme Ecriture commune aux juifs et aux chrétiens, soit pour admirer au plan culturel les multiples facettes d’un peintre et d’un poète inspiré, dont l’œuvre abondante suscite sans cesse de nouvelles surprises. Chagall, comme tout vrai artiste, disait de lui-même : « L’art dépasse l’artiste. Ce pas à moi de commenter ».
La session « Chagall, peintre et poète de la paix » amenait en effet à approfondir, grâce à de nombreux tableaux, que la paix biblique, le ‘shalom’, ne se réduit pas à l’absence de guerres et de conflits, mais englobe toute l’existence, au point d’être l’équivalent de ce que nous appelons le bonheur et que la Bible, qui ignore ce terme, désigne par celui de ‘shalom’.
Deux œuvres surtout manifestent clairement la conception de la paix que se faisait Chagall : l’immense vitrail de l’Arbre de vie, dans la chapelle des cordeliers, à Sarrebourg, près de Metz, et le vitrail de La Paix aux Nations-Unies, à New York. Mais la racine profonde de la paix, Chagall, le Juif, marqué par son enfance croyante, la voit dans le fait de la création et des conséquences qu’elle entraîne dans la conception de la vie. Il n’a cessé de reproduire en des peintures toujours plus approfondies l’intuition qu’il avait eue dès le début des années trente en représentant dans une gouache fort simple la création de l’homme par Dieu. Il avait trouvé la manière originale d’accorder les deux récits, apparemment contradictoires, du commencement du livre de la Genèse, en représentant Dieu sous la forme d’un ange, qui apporte l’être humain sur terre, en se tournant vers l’origine qui est en même temps la destinée finale, jusqu’au moment où, pour ainsi dire, pour chacun et pour le cosmos, « la boucle est bouclée ».
Dès lors, l’intérêt passionné que Chagall manifestera dans ses œuvres pour la Bible ne cessera pas durant près de cinquante-cinq ans de son existence (il est mort en 1985, à l’âge de 98 ans). Il le doit en particulier au travail que lui avait confié en 1931 l’éditeur Vollard d’illustrer la Bible, après les succès qu’il avait rencontrés pour l’illustration des Fables de La Fontaine et des Âmes mortes de Gogol. Le voyage en Israël que Chagall et sa famille entreprendront pour remplir cette immense tâche trouvera son expression la mieux réussie dans le Musée national que le ministre de la Culture d’alors, André Malraux, fera construire dans les années 1970 du vivant même de Chagall à Nice. Chagall confiera ses douze tableaux aux coloris magnifiques qui ne cessent d’attirer un public international, comme les cinq tableaux sur Le Cantique des Cantiques, à ce musée français. Ce fut en choix difficile, car l’Etat d’Israël aurait souhaité bâtir ce Musée en Israël. Chagall hésita, mais finalement déclara « Après tout, les Juifs connaissent la Bible, ma mission, c’est de la faire connaître aux ‘goys’ ». C’était reprendre le message de Saint Paul qui distingue, pour les unir Juifs et ‘goys’, c'est-à-dire les juifs et les non-Juifs, les ‘païens’, chrétiens et non-chrétiens.
Un point fort de la session a été d’aborder le fait impressionnant, qui prête aux interprétations les plus contradictoires : comment comprendre que Chagall, le Juif, ait pu représenter plus de trois cents fois le Crucifié, en commençant dès ses premières œuvres. Le Père Ridez a montré de manière plausible qu’on pouvait reconnaître dans cette œuvre des significations très diverses qui ont évolué en sa longue vie : depuis le Crucifié, représentant le martyr du peuple juif sous les traits du Christ juif crucifié, comme un reproche adressé aux chrétiens inconscients, jusqu’au Christ, parfait accomplissement de la Torah de Moïse. On comprend que certains ait pu sérieusement se demander si Chagall était devenu chrétien. Il semble plutôt que Chagall ait eu vivement conscience d’être un pont entre deux religions qui ne peuvent se comprendre, à juste titre, que liées l’une à l’autre. Ainsi si Chagall est bien le peintre heureux des bouquets de fleurs et des fiancés, ce serait méconnaître son message que de distinguer un Chagall profane et un Chagall religieux. Le Chagall des grandes œuvres lie dans l’unité de son enfance religieuse la nature et la Bible. « J’ai rêvé la Bible, disait-il, elle est devenue ma seconde nature ».
Il fut important d’évoquer les rares écrits où Chagall a livré le fond de sa pensée, dans les allocutions émouvantes qu’il a faites à l’inauguration de la Synagogue de Jérusalem, à celle du Musée de Nice et à celle de l’église protestante de Zurich, comme aussi lors des longs échanges que lui et sa seconde femme Vava avaient eues avec le curé de l’église gothique Saint-Etienne de Mayence, qui reste un bâtiment unique au monde, comme grande église entièrement décorée des vitraux de Chagall. Dans une atmosphère qui plonge le visiteur dans le climat spirituel que crée le bleu Chagall, il a laissé là, on peut dire, son testament spirituel.
L’une des surprises de la session fut de découvrir que le peintre Chagall était aussi un poète qui en particulier a laissé les humbles prières tâtonnantes de celui qui n’a cessé d’avoir une âme d’enfant et qui mourrait à 98 ans à son chevalet, où l’une des dernières œuvres qu’il laissait illustrait un de ses poèmes « Vers l’autre clarté ».
Les organisateurs du Service Bible, Art et Paix de Pax Christi et de la Commission d’Art sacré du diocèse d’Arras ont invité à la prochaine session avec le Père Ridez, le 2 Avril. Il propose, de manière inattendue, de montrer dans les 51 enluminures de l’Évangéliaire d’Egbert du Xème siècle, rangé au titre du patrimoine mondial par l’Unesco, un message qui rejoint en profondeur par bien des points celui de Chagall.
Le Service Bible, Art et Paix de Pax Christi et la commision d’Art sacré proposent une session ouverte à tous le Mardi 2 avril de 9h30 à 16h la Maison Saint Vaast – 103, rue d’Amiens – 62000 ARRAS. Session animée par le père Louis Ridez. Tarif : 8€, plus 13€50 pour le repas. Réservation 03 21 21 40 93 ou bible-art-paix@arras.catholique.fr