Notre Dame Panetiere 800 ans
Aire-sur-la-Lys
Un peu d'histoire
À la fin du XIIe siècle, pour soulager la misère née des guerres, se constituèrent en Artois des confréries, les charités. À Aire, on prit l'habitude d'appeler les charitables « les panetiers » parce qu?ils portaient du pain au pauvres. Au début du XIIIe siècle Aire est une enclave française en territoire flamand.
Dès le 1er août 1213, la ville est assiégée par les troupes de Ferrand de Portugal, comte de Flandre. Au bout de deux semaines, les habitants sont réduits à la famine et les panetiers sont impuissants à soulager la misère. Alors, chaque matin, les assiégés implorent l'aide de Notre Dame. Au neuvième jour de ces prières, les Airois réussissent une sortie qui coïncide avec l'arrivée d'un charroi de blé que le roi Philippe Auguste leur envoie. Depuis 800 ans, chaque année, les airois commémorent l'événement par une neuvaine à Notre Dame Panetière.
La date de 1213 est généralement admise par les historiens. En réalité, on sait simplement que le charroi de blé est arrivé à l'octave de l'Assomption, donc vers le 22 août. On sait aussi que le siège d?Aire a eu lieu avant la bataille de Bouvines (dimanche 27 juillet 1214).
Depuis 1213, chaque année, sans interruption dit-on, les airois rendent hommage à Notre-Dame Panetière. Habituellement, une neuvaine est organisée autour du 15 août. Pour les événements exceptionnels, les paroissiens n'hésitent pas à bouger la date. C'était le cas en 2004 pour fêter le cinquantenaire de la réouverture de la collégiale après 10 ans de reconstruction due au bombardement du 8 août 1944. C'est encore le cas cette année où le 8ème centenaire de la dévotion à Notre Dame Panetière a été fêté solennellement.
En tout, onze jours de festivités. Onze jours où la fête a été prétexte à rassembler les nombreuses facettes de l'Église locale, à inviter les chrétiens des autres doyennés et à manifester les mains tendues entre les paroisses et la société civile.
Soeur Béatrice
La neuvaine a été précédée d'une son et lumière dans la collégiale. Le comité de sauvegarde a fait appel au talent du metteur en scène Bruno Masquelein. Celui-ci a choisi une pièce de Maurice Maeterlinck rarement jouée : S?ur Béatrice. Bruno Masquelein a légèrement adapté l'histoire pour que la Vierge Marie, très présente dans la pièce, soit Notre Dame Panetière. Les trois représentations ont eu un grand succès. Les spectateurs sont repartis bouleversés par l'histoire. Bouleversés aussi par la mise en scène. Une procession de mendiants était constituée de personnes de tous milieux. L'une d'elles a rassemblé ses forces pour surmonter sa leucémie. Elle a tenu son rôle dignement. Le Secours catholique a recruté quatre femmes parmi ses amis de la Pause Café. Elles ont le sentiment légitime d'avoir été importantes. Sans aucun doute, ce sont elles qui ont le plus regretté de ne plus monter sur scène.
Un imprévu est venu occuper la collégiale le lundi. Les pélerins qui auraient dû se trouver à Lourdes si le Gave n'avait pas débordé, se sont donné rendez-vous à Aire-sur-la-Lys. Faute de pouvoir se recueillir devant Notre Dame de Lourdes, quelque mille fidèles ont prié devant Notre Dame Panetière.
Goûter Solid'Aire
Mardi, c'était la grande fête de la solidarité. L 'apostolat des laïcs avait imaginé un « Goûté Solid'Aire » sur la place Notre Dame. Toutes les associations de solidarité étaient invitées. Le Centre Animation Jeunesse , le CCFD Terre-solidaire, la Conférence Saint-Vincent de Paul, les Équipes Saint Vincent, le Secours catholique, le Secours populaire, Terre d'Errance, etc. Les airois s'accordent pour dire que le Centre socioculturel intergénérationnel d'Aire-sur-la-Lys joue un rôle important dans la cohésion des différents acteurs de la solidarité. Le centre hospitalier d'Aire est venu avec plusieurs malades. Les réfugiés de Norrent-Fontes se sont amusés avec les familles. Les Restos du c?ur avaient beaucoup de travail. Chaque participant était venu avec un fruit. Les bénévoles des Restos en ont fait une salade de fruit géante qui a été distribuée à la fin de la journée.
Jean Claude Dissaux, maire d'Aire, a déclaré : « En organisant ce goûter Solid'Aire, en rassemblant toutes les associations caritatives de la ville, vous avez pris une initiative qui rejoint celle de la tradition de Notre-Dame Panetière qui s'appelait au départ la « Charité Notre Dame ». (?) Ce goûter Solid'Aire organié dans le cadre des 800 ans de Notre-Dame Panetière est pour moi un des moments clés de cet événement, acte majeur d'une symbolique de la solidarité qui doit rester l'essentiel du vivre-ensemble. » « Cette journée est un beau signe d'espérance, s'est réjoui Mgr Jaeger. Les médias ne parlent que de ce qui va mal. Ensemble, nous avons fait mentir les infos. L'humanité est capable de se rassembler pour le bien de tous. Ce soir, il n'y avait pas d'un côté ceux qui peinent avec les difficultés de la vie et de l'autre ceux qui souhaitent venir au secours des premiers. Ici, nous sommes tous à égalité. Nous faisons la fête ensemble pour dire que nous travaillons ensemble à une société plus belle, plus grande pour le bonheur de tous. Que ce goûter soit le signe de ce que nous voulons pour que la vie soit plus belle, plus souriante. »
Journée de la santé
Le jeudi était consacré à la santé. La journée a commencé par un forum sur le grand âge et la dépendance. Il s'est tenu dans la chapelle des jésuites Saint-Jacques. On vit de plus en plus vieux, et on vieillit de mieux en mieux. La dépendance intervient donc de plus en plus tard. Contrairement à une idée reçue, la vieillesse n'est ni une maladie, ni un handicap. C'est une étape de la vie qui dure maintenant le tiers d'une vie normale. C'est un phénomène nouveau qui nécessite beaucoup d'adaptations, notamment du point de vue médical. « Pour bien vieillir, il faut bien préparer sa vieillesse, a expliqué Martine Herduin de l'Ehpad d'Helfaut. La dernière étape est de boucler sa vie. Cela explique un besoin de spiritualité. » L'objectif prioritaire des professionnels de la santé est le maintien à domicile. « La difficulté pour les accompagnateurs, confesse Mme Herduin, est qu'ils s'occupent d'une pathologie qu'ils ne peuvent pas avoir vécu eux-même. » La dépendance peut prendre de nombreuses formes. La plus courante est la diminution des fonctions motrices. Les cas les plus délicats sont dûs à l'AVC et à la maladie de Parkinson. Les familles sont démunies quand la dépendance survient. Elles ignorent souvent les aides qu'elles peuvent solliciter.
Passer de chez soi à la maison de retraite est un déchirement. Il faut quitter toute une vie inscrite dans l'agencement des choses, dans son quartier, etc. « Nous assurons une écoute et un accompagnement fraternel auprès des personnes dépendantes en Ehpad, explique Marie-Thérèse de l'aumônerie de Saint-Laurent-Blangy. Elles demandent presque toujours à rentrer chez elles. Nous leur expliquons qu'elles peuvent compter sur notre accompagnement et notre aide. » L?après midi, le sacrement de l?onction des malades a été donné à une soixantaine de personnes. Mgr Jaeger a insisté sur le véritable message de Jésus quand il guérit un paralytique : «L'essentiel de l'enseignement de Jésus c?est quand il s'adresse à l'homme et lui dit : Tes péchés te sont remis. Tu es un homme nouveau. Déjà, tu es complètement transformé parce que ton coeur retrouve toute sa jeunesse, tout son dynamisme, toute sa vitalité, toute sa correspondance à l'amour infini de Dieu. »
Aire de Famille
La neuvaine du 8ème centenaire s'est terminée par un week end mémorable : Aire de Famille. Le doyen Bruno Dubreucq a confié l?orchestration de ce temps fort au père Xavier Lemblé. Celui-ci a choisi d?en faire le premier rassemblement diocésain des familles. La préparation a duré plus d?une année. Ce qui a marqué les participants, ce sont les mille idées, petites ou grandes, qui avaient toutes la même finalité : rendre grâce à Dieu pour les bienfaits dont il est généreux. Les bienfaits de Notre Dame Panetière ne sont qu'une illustration de ce que Dieu offre à ses enfants.
Le samedi a commencé par la marche des familles. Dans la soirée, les participants avaient le choix entre plusieurs animations. Certains sont allés au bal folk de la salle de sports du lycée Sainte-Marie. D'autres sont allés prier et chanter avec Glorious, le groupe de rock chrétien. La collégiale était remplie.
Tout le monde s'est retrouvé au lycée pour une veillée de prière et d'adoration. C'était une veillée ambulatoire en petits groupes. Le calme, la pénombre tout était propice à une prière profonde. Comme les familles étaient invitées à planter leur tente dans la pâture du lycée agricole, elles ont savouré d'avoir tout leur temps pour méditer.
Le dimanche, les associations et mouvements en rapport avec la famille ont investi la salle de sports et la pâture du lycée. Pendant ce temps-là, du théâtre était joué dans le bastion Vauban et une conférence sur la famille était donnée dans la collégiale. Ce genre de manifestation est une occasion formidable pour constater la diversité et la vie des mouvements, l'ouverture de l'Église à tous: les fiancés, les divorcés, les homosexuels. C'est aussi l'occasion d'échanger. Certains mouvements sont parfois méconnus, ou ils ne se connaissent peut-être pas entre eux? Parmi les activités spectaculaires, il y avait la confection d?une icone géante à partir de rubans de tissus, un mot fléché géant, le puits de la rencontre, etc.
Mgr Bernard Podevin , porte-parole des évêques de France, a pris le temps de visiter les stands et ateliers. Il a déclaré que les festivités qui ont entouré le huitième centenaire resteront un exemple pour l'Église de France : Depuis 800 ans, Notre Dame Panetière ne donne pas à Aire du pain tout cuit. Elle vous donne le désire de réaliser le pain chaque jour, le pain de votre vie. Elle vous invite à partager la farine de votre expérience, la farine de vos joies, de vos peines. Elle vous invite à partager l'eau de votre convivialité. Elle vous invite à partager le sel de votre témoignage. Et elle vous invite à partager la levure de votre espérance. Cette farine, cette eau, ce sel et cette levure, Notre Dame vous donne de les rassembler dans cette fraternité, dans cette mélodie du Bonheur.? Un grande procession à travers la ville a conduit les pélerins jusqu?au parvis de la collégiale Saint-Pierre. Rue Saint-Pierre, ils ont été bénis par Mgr?Jaeger en passant sous le manteau de Notre Dame, une immence pièce de laine constituée de 2000 carrés tricotés un peu partout dans le diocèse. Ce manteau aurait dû être hissé contre la façade de la collégiale, mais les bourrasques de vent en on décidé autrement.
Messe de clôture
Le maire de la ville, M. Dissaux, a accueilli personnellement les pélerins pour la messe en plein air: En ce jour de 800ème anniversaire, et j'utiliserai le futur infaillible de la béatitude éternelle, je suis intimement persuadé que, pour le millénaire de 2213, la tour de la collégiale Saint-Pierre et le beffroi de l'hôtel de ville seront toujours les deux éléments incontournables de l'identité de notre ville, et que Notre Dame Panetière, patronne de la cité, sera toujours le symbole de cette vie spirituelle renaissante et bienfaitrice de notre chère et vieille ville d'Aire-sur-la-Lys, le symbole d'espérance de notre patrie airoise. Lors de son homélie, Mgr Jaeger a souligné le message hélas d?actualité que nous délivre Notre Dame Panetière : ?Sur le logo qui a annoncé cette neuvaine exceptionnelle, Marie tient en ses mains un pain, comme habituellement elle porte son fils. Elle le serre sur elle-même, comme une maman serre son enfant. C'est sans doute une manière un peu nouvelle de la représenter tant il est vrai qu'aujourd'hui encore, le pain demeure le symbole de la fragilité et de la force de la vie. Celui ou celle qui n'a même plus de pain à manger est sans doute dans la déchéance humaine la plus profonde. Et celui ou celle qui peut partager avec un frère humain un peu de pain, a déjà accompli un grand pas sur le chemin de l'humanisation et de la fraternité. Il est impossible de relater tout ce qui a été vécu pendant cette neuvaine, tant les initiatives étaient nombreuses. S'il y a une seule chose à retenir de ce 800ème anniversaire, c'est un grand désir de fraternité entre les chrétiens eux-mêmes, entre l'Église et la société civile, entre les associations caritatives catholiques ou non, entre les mileux sociaux, entre les générations. Il n'a échappé à personne que l'âge moyen des participants à la messe de clôture était inhabituellement bas.
Jean Capelain