FAQ04 Section 4 Jean 6

Multiplication des pains, discours à Capharnaüm

Multiplication des pains et discours du pain de Vie

Le ch. 6 est sans doute le plus compliqué en saint Jean. Les trois parties sont à lire comme une unité où tout se tien (ou plutôt où tout se succède) : le signe; la traversée sans Jésus; le discours explicatif à Capharnaüm. La fiche 5 essaie de rendre compte de quelques aspects du chapitre en vue d'aider à la lecture.

Jean et le temps de Jésus; le temps de la première Eglise; le temps de la rédaction.

Nous croyons toujours atteindre le Jésus des années 30 "tel que cela se serait passé". Or, il y a eu la Cène du jeudi-saint (non racontée par Jean) puis les premiers chrétiens ont pris l'habitude de se réunir autour du pain et du vin corps et sang du Seigneur. Puis, à la fin du siècle, au temps de la rédaction,Le lac de Tibériade Le lac de Tibériade   il y avait des hérésies, c'est-à-dire des gens qui niaient que Jésus, ce soit vraiment Dieu fait homme; certains disaient aussi que Jésus avait fait semblant...Si Jean écrit dans les années 90-100, c'est aussi pour combattre ces hérésies. Il l'avait affirmé dès le premier chapitre: "Et le Verbe s'est fait chair". Dans ce chapitre 6 il insiste: il faut vraiment manger sa chair, boire son sang"Comment comprendre sans prendre le temps d'étudier le contexte de la proclamation de l'Evangile?

 

Pourquoi Jean écrit-il: "Jésus gravit la montagne"?

De nombreux détails différencient Jean et les autres évangiles : ici, on serait sur la montagne.Plus loin Jean parle de pains d'orges, etc. C'est aussi Jésus qui fait remarquer la présence des foules; il ne renvoie pas à la fin. Le long discours à Capharnaüm n'existe pas chez les autres évangélistes. C'est à partir de l'attention aux détails que l'on commence à être attentif à la manière dont Jean parle de Jésus. Faire attention aux détails évite d'aller trop vite dans notre lecture, parce que nous connaissons déjà... est-ce bien vrai?

 

Tabga Tabga  
Mosaïque du 4-5ème siècle
Mosaïque du 4-5ème siècle
Nous connaissons la multiplication dans la plaine (à Tabga, selon la tradition). Or, nous voici transportés sur la montagne... Jean ne donne pas le mode d'emploi pour bien lire, mais nous savons que Jean a beaucoup médité l'Ancien Testament. La montagne est le lieu de la rencontre avec Dieu. Ce ch. 6 est le lieu de la rencontre avec Dieu, le Dieu de Jésus. Avec l'Eglise, l'eucharistie devient le lieu de la rencontre avec Dieu. 

 

Moïse au Sinaï avait rencontré Dieu; puis il y eut la manne venue du ciel, don de Dieu pour tous. Pour Jean, le récit qu'il commence à écrire n'est pas une simple distribution de nourritures matérielles, il annonce dès le début son but: signaler la rencontre des gens avec le Dieu de la Bible. Remarquez que les ch. 5à 9 constituent une propgression où, plus Jésus s'affirme envoyé de Dieu, Fils de Dieu, lus les autorités (les Juifs) s'opposent à Jésus et veulent le lapider (fin du ch. 8 et ch. 9).

Il y a donc pour notre lecture une dimension littérale nécessaire, mais une lecture spirituelle devient nécessaire si nous voulons comprendre saint Jean en profondeur: comment associer le pain partagé et la Vie de Dieu donnée?

 

Jésus prie. Et les apôtres?

La question est juste, mais je n’ai pas de réponse. Les apôtres devaient prier comme on le demande à tout Juif, quand ils y pensent ! La question de la prière était abordée au ch.4, lors de la rencontre avec la Samaritaine: adorer en esprit et en vérité (voir question FAQ 2.). Un autre jour, les apôtres demanderont  à Jésus : apprends-nous à prier ! Pour Jésus, il est clair que Jean signale une attitude de relation à Dieu différente, plus “immédiate” semble-t-il.

 

Les chiffres ont-ils une signification?

Dans ce récit on trouve cinq, sept, douze... C'est un sujet intéressant, mais délicat  manier.  Il y a quelques chiffres qui ont pris une dimension symbolique parce qu’ils ont une place  particulière dans l’ordre des chiffres, et dans l’histoire : 3, 5, 7, 12. Les chiffres 5 et 7 ont une dimension d'universalité en monde grec et romain. 12 est symbole de totalité (douze apôtres, douze tribus. Notre horloge garde le signe de la totalité avec ses 12 heures ! On trouvera 153 au ch.21 de Jean. St Jérôme explique que ce pourrait être l'addition de tos les nombres premiers, de 1 à 17. Les anciens avaient des théories, comme la cabale pour donner une signification symbolique à bien des chiffres : 6, 8 etc.  666 est le chiffre de la Bête dans l'Apocalypse. L'étude des chiffres est trés intéressante, mais ce n'est pas par ces études qu'on découvrira quelque chose que la Révélation aurait caché. C'est davantage un jeu en complément à la lecture rigoureuse des Ecritures.

 

Est-ce important de dire "Il y avait beaucoup d'herbe"?

Pour nous, non, car nous considérons ce détail comme sans importance. Mais pour Jean, c'est un clin d’œil qui nous invite à penser au psaume 22 : "le Seigneur est mon berger, sur les prés d’herbe fraiche il me fait reposer…" C’est une manière de dire que le berger d’Israël qui fait paître le troupeau c’est Jésus (cf. chapitre 10). Il arrive de dire que l'expression est symbolique... cela ne veut pas dire que c'est sans importance, mais qu'elle renvoie à autre chose. Beaucoup d'expressions de Jean sont "symboliques" au sens où eles renvoient à autre chose. Parois le double-sens est évident, parfois on passe sur l'expression sans en mesurer la densité !

 

Cinq pains d'orge: pourquoi ce détail propre à saint Jean?

En précisant pains d'orge, cela pourrait faire référence à l'orge des pauvres (à la différence du froment); cela pourrait aussi faire penser aux premières graines récoltées au printemps. Mais toujours dans le souci de relier Jésus et l'Ancien Testament: nous pouvons lire un récit concernant le prophète Elisée, en 2 Rois 4, 42-44 . "Un homme apporta à l'homme de Dieu du pain de prémices, vingt pains d'orge et du grain frais dans son épi. …. Elisée leur servit, ils mangèrent et en eurent de reste, selon la parole de Yahvé". Pour Jean, c'est une manière d relier Jésus avec ce qu'il y a de plus sacré: la Prole contenue dans les Ecritures. Mais cela ne suffira pas à convaincre les opposants à Jésus. 

 

Jésus ne renvoie pas les gens.

Il n'y a pas d'explication convaincante, sauf à supposer que pour l'écrivain, le récit n'est pas terminé. La suite, c'est la rencontre le lendemain avec les gens qui l'ont cherhcé, avec les apôtres qui ont regagné leur village de Capharnaüm. Alors seulement on aura la question de la séparation: "voulez-vous me quitter, vous aussi.. ?", mais ce n'est qu'à la fin du récit.

Une autre raison peut expliquer ce silence: c'est le sous-entendu: "ils voulaient le faire roi...", mais cela n'entre pas dans le projet de Jésus. Alors Jésus se retire dans la montagne.

 

Ils voulaient le faire roi... Pourquoi et comment?

Le contexte politique et religieux de l'époque avait fait grandir l'espoir de mettre dehors les Romains, un peu comme les Maccabées qui, 150 ans auparavant avaient explusé les Grecs hors du Temple. Il leur fallait un chef charismatique qui rassemblerait les foules, un messie. Il y avait déjà eu des tentatives, il y en aura bien d'autres... Pourquoi pas ce Jésus ? Il semble doué. Mais ce n'est pas le projet de Jésus. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles Judas va prendre ses distances avec Jésus: il n'est pas assez révolutionnaire. (On peut lire en Actes 5, 34-42, une présentation par Gamaliel, des ces groupes, guidés par Judas le Galiléen ou Theudas. En Matthieu 23, il y a mise en garde contre ces gens intervnetionnistes).

 

La rencontre sur le lac, sans tempête

pélé Israel 2013 pélé Israel 2013  
Méditation sur le lac
Méditation sur le lac
Les apôtres sont seuls à ramer. Jésus est dans la montagne (auprès de son Père). Comme pour les autres évangiles, on peut interpréter cette étape comme symbole de l'Eglise, celle de la première communauté avec les apôtres qui mènent la barque (de Pierre?) en attendant le retour de Jésus à la fin des temps. De fait, Jésus les rejoint au moment où ils arrivent à destination. (Il n'est pas question de tempête à donner la peur, mais d'une forte houle, qui gêne les rameurs).

C'est alors que Jésus révèle qui il est. A la samaritaine il avait dit qu'il était le Messie. Jésus précise pour la première fois: "Je suis" que l'on traduit c'est moi, traduction agréable à lire mais qui ne rend pas compte de la signification "Je suis", en grec "ego, eimi" c'est la première fois que Jésus révèle son identité, avec le même nom qui fut révélé à Moïse (Exode 3, 14). Pour l'instant c'est la révélation de l'iodentité de Jésus à quelques initiés... Lorsque Jésus dira cette même affirmation devant les foules, fin du ch. 8, alors ce sera considéré comme un blasphème de plus et cela entrainera les velléité de le lapider.

 

Jésus sur les eaux

On a très peu de détails sur “ce qui s’est passé”. Au milieu de récit, il y a la parole de Jésus traduite par “C’est moi”. La traduction plus juste de l’original en grec est “Je suis”, comme pour Dieu à Moïse au Sinaï (Exode, 3,14). C’est la première fois que Jésus se fait connaître, se révèle aux apôtres, avec ce nom (Plus tard il essaiera de se faire reconnaître par les Juifs, comme venue de Dieu mais ils le qui le rejetteront comme blasphémateur).  Ici Jésus, se révèle aux disciples comme celui qui fait les mêmes œuvres que Dieu (penser à l’affirmation au cours du discours : “ce n’est pas Moïse, c’est mon père qui vous a donné le pain du ciel“…. Et la suite : c’est moi le pain…. Certains font un rapprochement avec l’histoire de Moïse : il passe à travers la mer à pied sec, puis il donne la manne au désert. Ici Jésus passe sur l’eau après avoir donné le pain qui fait vivre. Dans la suite du discours à Capharnaüm, les auditeurs renvoient à Moïse. Mais Jésus leur fait comprendre qu'il y a au-desus de Moïse. 

 

Amen! Amen! ou en vérité, en vérité...

Nous avons déjà rencontré l'expression En vérité, en vérité... Plutôt que d'en chercher une définition philosophico-religieuse, il vaut mieux prendre en considération l'écriture et l'oralité dans l'antiquité : les textes anciens n'avaient pas de retour à la ligne, de caractre gras et autres artifices modernes pour signifier l'importance d'une expression. De même un orateur qui veut secouer ses auditeurs n'avait pas beaucoup de moyens. L'expression redoublée 'amen, amen' est un de ces trucs qui réveillent l'attention. On retrouve cette expression quatre fois dans le discours, un peu comme si Jean ponctuait la progression de  son discours en 4 étapes. Or le moyen de marquer chaque paragraphe est de reprendre son truc "Amen! Amen!". L'intérêt pour nous est, une fois repérés les 4 Amen du chapitre, de voir quelle est la progression de la pensée, dans une discoussion Jésus-foule qui mènera finalement à la rupture: "c'est trop compliqué, disent les gens et ils s'en vont!

 

La fin du discours est imbuvable !

Déjà aux premiers temps de l'Eglise, et autour de Jésus, le discours n'est pas reçu. Tout d'abord Jésus fait remarquer aux Juifs présents qu'ils attribuent à tort à Moïse la manne qui vient de Dieu... Puis Jésus affirme la vraie  nourriture qui vient de Dieu c'est lui-même. Pris au sens symbolique, cela peut se comprendre. Mais quand il développe "manger (croquer) ma chair", alors cela ne passe pas: on n'est pas des anthropophages.

 

Il est probable que saint Jean en a rajouté aux paroles de Jésus, il en a rajouté contre ceux qui nient que Dieu se soit fait homme, que Dieu en Jésus ait pui mourir sur la Croix. Il insiste au-delà du raisonnable, pour nous, oubliant qu'en régime païen il existait des sacrifices de communion par lesquels les gens participaient en quelque sort au divin, en mangeant une partie des sacrifices offerts aux dieux. L'expression était moins incompréhensible en ce temps-là qu'aujourd'hui. Dans les affirmations de saint Jean, peut-être maladroites pour nous aujourd'hui, il y a la défense de ce que les théologiens appellent "le mystère de l'incarnation".

 

Sur la signification du geste de Jésus, il faudrait méditer en même temps le choix du berger de donner sa vie pour ses brebis, Jean ch.10, 17-20,  au poitn de mettre sa main dans la gueule du loup pour retirer les restes de ses brebis attaquées par le loup.

 

Les Douze,

Saint Jean n'emploie pas beaucoup l'expression "les Douze". Or, on trouve l'expression "les Douze", par trois fois ici, au moment où Jésus annonce qu'il en manquera un! Les derniers versts, 66 à 70 concentre à la fois la profession de foi de Pierre au nom de tous, l'affirmation qu'ils ont été choisis par Jésus, et pourtant que l'un d'entre eux est un diable (un diviseur, l'adversaire). Notre attention risque d'être émoussée à la fin d'un trés long chapitre. Or ces quelques versets condensent la mission des Douze... Pierre vient d'affirmer qu'ils ont fait le choix de suivre Jésus.

 

Pourquoi il s'est laissé tuer sur la croix ?

croix croix  Emma, 8ans1/2 demandait : « Puisque Jésus a fait des miracles, a ressuscité des morts,  pourquoi il s'est laissé tuer sur la croix ? » 

Jésus a lui-même commencé à répondre à cette question, quand Pierre a utilisé une épée pour le défendre. Jésus lui a dit : “Ne crois-tu pas que je peux faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ des milliers d'anges ? Mais comment alors s'accompliraient les Ecritures d'après lesquelles il doit en être ainsi ? (Matthieu 26, 53). Cependant Jésus ne répond pas complètement…. Pourquoi accepte-il de mourir, pourquoi ne s’est-il pas défendu ?

 

Ce qui nous dérange, ce sont nos idées sur les guérisons. D’autres gens faisaient aussi des guérisons incompréhensibles, et au temps de Jésus cela ne dérangeait pas. Ce qui dérange vraiment chez Jésus, c’est tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait. Il dérange, par exemple quand il dit “Dieu vous aime, vous les pauvres” ou “malheur à vous les riches, vous avez déjà votre récompense”, ou quand il demande de pardonner même à ses ennemis, ou quand il touche un lépreux, quand il guérit un paralysé les jours où c’est défendu ; quand il va manger chez des gens peu fréquentables (pécheurs, publicains…).

 

Jésus meurt en croix Jésus meurt en croix  Jésus dérangeait aussi les gens qui croient tout savoir sur Dieu et la religion. Ces gens lui tendaient des pièges par leurs questions, et Jésus savait leur répondre. Mais cela ne changeait pas leur cœur, ils avaient décidé de le faire mourir. Jésus espérait que ses ennemis se convertiraient, qu’ils accepteraient sa parole. Ces gens là ne se sont pas convertis et ils voulaient toujours la mort de Jésus… Jésus aurait pu faire un miracle de plus… mais alors, on lui reprocherait de ne pas nous avoir aimé jusqu’au bout, de ne pas avoir donné sa vie pour nous… Pour nous, il a accepté d’aller jusqu’au bout de sa vie, c’est-à-dire la mort. Et nous croyons que Dieu ne l’a pas abandonné….

On peut relire Jean 10, 11-18 : “le berger n’abandonne pas ses brebis devant les voleurs et les brigands et même les loups. C’est un peu comme çà: devant la mort, Jésus n’abandonne pas son troupeau, ne change pas de direction, quitte à y laisser sa vie.