Fiche 15

Fiche Pour lire l'évangile de Jean

Récits d’apparitions et finale de  l’Evangile

Jean  Ch. 20-21. (section 15)

 

Section précédente

Tombeau période Hérode - pélé Tombeau période Hérode - pélé  Dès les origines de la foi chrétienne, les chrétiens ont constitué une unité littéraire autour des récits de Passion-Résurrection. Passion et Résurrection sont indissociables. Il suffit de repérer les affinités entre les quatre Evangiles pour se convaincre d’une origine commune. Notre lecture oublie parfois leurs différences et cherche à les fusionner. Les récits du Jeudi saint en Jean comportent de sérieuses différences d’avec Matthieu, Marc ou Luc. Mais aussitôt l’arrivée au jardin des Oliviers, ils sont proches l’un de l’autre dans le déroulement. Quoique… Chacun rapporte à sa manière les évènements de la Passion et de la crucifixion, mais il est évident que chacun a puisé à une source commune. Ainsi se dessinent des nuances dans les figures du Christ : devant Caïphe, Pilate ou sur la croix.

 

Lors de la précédente section, la fin du récit ch.19 s’achève sur un tombeau qui contient le corps de Jésus. Le lendemain matin (ch. 20), le tombeau est vide. Il faudrait au moins que les Evangiles s’en expliquent. Or ils déterminent un avant et un après. Normalement, le tombeau aurait dû être et rester le lieu du chagrin et du désespoir. Voici les récits d’après Pâques où, chacun à sa manière, avec ses objectifs propres, met en scène des personnages. Il ne s’agit pas seulement de raconter ce qui s’est passé, mais bien plutôt d’aider les premières communautés à croire et à vivre avec le Christ Ressuscité.

 

Lecture d’ensemble

Le chapitre 20 n’est pas un supplément à l’Evangile. Il en fait partie. Il est le moment du passage entre deux modes de présence de Jésus à nous. Ne laissons pas notre mémoire fusionner les quatre Evangiles en un seul récit. Lisons ce qui est écrit, ce qui est dit de Marie de Magdala, de Pierre et du disciple bien-aimé, de Thomas. Même le rôle des anges n’est pas le même en Jean et dans les autres Evangiles. En Jean, seul le Christ ressuscité peut donner signification aux signes aperçus, même pas l’ange qui pose une question à Marie, mais n’explique rien.

La découverte de différences, même minimes, peut nous aider à comprendre ce que chaque évangéliste essaie de dire. Marie tourne le dos au tombeau : alors seulement son regard s’éloigne de la mort qu’elle venait honorer et elle s’ouvre à la vie qu’elle découvre…

Essayons de comprendre comment Jean aide ses lecteurs à faire le deuil de la disparition, passage de la mort, à la rencontre avec Jésus ressuscité. Il le fait avec trois personnages-types : Marie, un groupe de deux apôtres, Thomas. Tout d’abord, cela se passe le premier jour de la semaine (20, 1. 19). Quand Jean écrit, ce jour est devenu jour de l’assemblée de la communauté, que notre dimanche perpétue. Jean cherche-t-il seulement à raconter ce qui s’est passé ?

 

Ne cherche-t-il pas plutôt à présenter comment s’est développée la foi pascale : comment progresse-t-elle, pour Marie, pour Pierre et le bien-aimé, pour Thomas ? Jean signale, tôt le matin, trois évènements : 1) Marie découvre le tombeau vide ; 2) Alertés par Marie, Pierre et le disciple bien-aimé inspectent le tombeau. 3) Le Christ apparaît à Marie restée à proximité du tombeau. Le soir du même jour, le Ressuscité apparaît aux disciples rassemblés dans un lieu fermé. Une semaine plus tard, et toujours dans un lieu fermé, le ressuscité se manifeste à Thomas. En conclusion, v. 29, invitation (heureux) à passer du voir au croire.

 

Reprenons la leçon proposée dans l’Evangile de Jean. Le voir de Marie n’aboutit pas ; à l’appel de son nom elle devient croyante, convertie, et elle devient le premier témoin pascal auprès des disciples (18). Pierre voit les linges. Le bien-aimé voit, non le ressuscité mais un tombeau vide et des linges laissés là en ordre… alors il croit. Sa foi ne s’appuie pas sur la vision du ressuscité, contrairement à ce que nous pensons ! Il est renvoyé aux paroles de Jésus et aux Ecritures. Thomas refuse de donner foi aux dires de Marie et des disciples ; il affirme catégoriquement sa volonté de voir et de toucher, d’avoir des preuves, ce qui ne se fera pas. C’est à la parole de Jésus “Cesse d’être incrédule, deviens croyant” qu’il exprime sa foi : “Mon Seigneur et mon Dieu !”. Lui non plus n’a pas de signes palpables. “Seigneur” est l’expression des communautés pour désigner Jésus. Thomas précise : “et mon Dieu”. C’est un renvoi à la première affirmation de l’Evangile 1,1 : “Le Verbe était Dieu”. Pour les premiers témoins, selon Jean, la foi en la résurrection ne naît pas d’avoir vu ou touché des reliques, des restes, mais en réponse à une parole !

 

La rencontre avec celui qui est Parole est en même temps un envoi, une mission. A Marie (17) “Ne me retiens pas, va” ; aux Onze “à mon tour, je vous envoie”, (21-22). Un nouveau type de relation s’établit entre Marie et Jésus, entre les Onze et Jésus. Sans doute Marie espère-t-elle une relation ‘comme avant’. “Ne me retiens pas” l’en dissuade et l’interpellation “Va trouver mes frères et dis-leur…” inaugure cette autre relation, que tout croyant est appelé à réaliser : une relation d’annonce. Pour la première fois, les apôtres sont appelés par Jésus “frères” ; son Dieu est aussi ‘leur Dieu’.

 

Marie de Magdala est la première à venir au tombeau, puis la première à avoir vu le ressuscité, à avoir reçu mission d’aller annoncer la nouvelle. Il faudra un jour s’expliquer pourquoi cette primauté de la révélation de la Résurrection et de la mission à une femme a été transférée comme révélation et mission à des hommes, les apôtres !

 

Le cycle pascal du ch. 20 est à relire à la lumière des discours d’adieu, à mettre en relation avec 14, 18-26 et sa relecture, 16, 16-22. La lecture de ces passages en parallèle permet de comprendre la proximité de ces paragraphes. Pour Jean, l’avant (la Passion) et l’après (Résurrection) s’éclairent.

 

Zoom. 20, 1-10

Marie, seule, va au tombeau les mains vides. Les autres Evangiles parlent de plusieurs femmes en route avec des aromates. Le zoom ne prend en compte que les récits de découverte du tombeau vide, par Marie, puis par Pierre et le bien-aimé. C’est seulement aux v. 11-18 et 19-23 qu’on trouve les récits d’apparition. Efforçons-nous d’être le plus objectif possible dans la lecture de ce tout début du chapitre.

 

D’après Jean, sur quoi, à partir de quel moment naît la foi des uns et des autres ? Pour Marie, il faut attendre qu’elle soit appelée par son nom (v.16). Dans la course au tombeau, la victoire du disciple bien-aimé dit symboliquement sa consécration absolue à Jésus. Mais il laisse Pierre pénétrer le premier, reconnaissant ainsi sa préséance. Pierre voit et rien de plus. Le bienaimé discerne un renvoi aux Ecritures et aux enseignements de Jésus, ce que doit faire tout croyant. Le récit renvoie au début de l’Evangile où était déjà affirmé : alors ils crurent à l’Ecriture et à la parole que Jésus avait dite (2,22). Le fait que tout soit bien en ordre signifiait que le corps n’a été ni volé, ni déplacé : il s’agit d’autre chose. Jean interprète l’absence : il vit et il crut. L’Evangile précise donc l’importance des paroles de Jésus et celles de l’Ecriture pour devenir croyant. Il n’y a pas d’apparition de Jésus à ce moment du récit, ni pour l’une ni pour les autres.

 

Il faut attendre le v. 14 pour que Jésus se manifeste à Marie et lui confie la mission auprès des disciples. Un peu plus tard Jésus se tient devant les disciples (19) et leur donne la Paix. Ils sont alors envoyés et reçoivent le Paraclet. La rencontre du ressuscité est source de la joie, de l’envoi et du don de l’Esprit. Tout est dit, et l’on pourrait passer à la finale. Or voici une troisième figure, Thomas.

 

Pour aller plus loin

 

A partir du tombeau vide, Jean développe trois figures de croyants : Marie, les deux disciples, Thomas. Rien qui relie l’ensevelissement du vendredi au matin de Pâques, excepté Marie, qui était au tombeau avant, qui est la première après. Elle s’ouvre à la foi en Christ ressuscité quand elle s’entend appelée ‘Marie’ par le maître (Rabbouni), et le reconnaît.

 

Thomas : Nous en avons fait un individu parmi d’autres. Or il est la figure des générations suivantes, celles qui n’étaient pas présentes au jour de Pâques, tout comme Thomas. Il n’est pas présent le soir de Pâques. Jean le présente qui demande à avoir les preuves, car il ne veut pas se contenter de l’affirmation d’une femme ni des autres apôtres concernant Jésus ressuscité.

 

‘Thomas, huit jours après’, représente les premières générations de chrétiens qui n’ont pas vécu la proximité de Jésus et des premiers témoins. Appelés à croire sans avoir vu, certains mettent en doute la parole qu’ils ont reçue ; ils demandent des signes, tout comme Thomas. De même que Thomas finit par croire sans vérifier empiriquement, de même ces premiers chrétiens croient sans pouvoir vérifier empiriquement. C’est à eux (pas seulement à Thomas) que s’adresse la dernière béatitude : “heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru !”. Telle est notre situation.

 

L’enfermement et la peur des disciples à cause des Juifs est un détail propre à Jean (v.19 et 26). C’est sans doute une trace de la situation des communautés johanniques exclues de la Synagogue, après 70. Vivant encore dans la sphère des pharisiens, ils subissent vexations et peut-être persécutions.

 

La finale 20, 30-31. Dans ces deux versets, Jean exprime le but poursuivi quand il rédige cet Evangile : pour que les destinataires croient que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’ainsi ils aient la Vie (cf. 1,4 : “en lui était la Vie” ; ch.6). Jean se justifie de n’avoir pas tout dit, d’avoir fait des choix dans son récit… Jésus, Christ et Fils de Dieu, cela correspond aux chapitres 5-9 qui furent de discussion et de refus de la part des Juifs. Après ces versets, un dernier rédacteur écrira un “post-scriptum”.

 

Jérusalem soleil levant Jérusalem soleil levant  Le ch. 21. Il a été rajouté après coup par l’ultime rédacteur-éditeur, après la mort de Jean. L’objet de ce chapitre n’est plus d’apporter quelque chose à la révélation christologique, mais de placer le quatrième Evangile dans l’Eglise, de préciser les rôles respectifs de Pierre et Jean dans l’Eglise. Pierre a la préséance par rapport à Jean qui, lui, discerne la présence de Jésus.

La barque et le filet représentent l’Eglise et sa mission. L’affirmation “Toi, suis-moi” rappelle la suivance de Jésus évoquée de nombreuses fois dans l’Evangile.

Le rôle de Pierre est développé dans sa dimension pastorale tandis que le bien-aimé est confirmé dans son rôle de veilleur, celui qui reconnaît le Ressuscité. (Invitation à ne pas opposer autorité et charisme)

 

Au bord du Lac Au bord du Lac  L’apparition à Tibériade et la pêche miraculeuse rappellent le ch. 6 où Jésus donne la vie en abondance. La pêche, d’abord infructueuse, pourrait évoquer les temps difficiles de la première Eglise dans sa prédication, invitée à s’en remettre à la parole du Seigneur pour continuer la pêche. Par le filet qui ne se déchire pas, Jean évoque l’unité de l’Eglise, objet de doutes au moment de la disparition de la première génération de témoins.

Enfin, le repas sur la rive avec Jésus évoque le repas des communautés, lieu où désormais le Christ est présent avec son Eglise rassemblée.

 

L’avenir des deux disciples est esquissé : l’un comme l’autre passeront par la mort, mais ce n’est pas l’objet de la conclusion. La triple question à Pierre est bâtie de manière à faire se souvenir du triple reniement de Pierre dans la cour chez Caïphe. Désormais, c’est le temps de l’Eglise.

 

Prière : Toi qui fais toutes choses nouvelles

 

Seigneur, toi qui fais toutes choses nouvelles,

Quand passe le vent de l'Esprit,

Viens encore accomplir tes merveilles aujourd'hui.

 

Donne-nous la grâce d'une écoute libre,

Sans préjugés, sans interprétations hâtives et sans crainte.

Donne-nous de discerner dans la parole des autres

Ce qui pourrait être une invitation

à inventer, à oser, à créer.

 

Donne-nous la grâce d'un regard libre et renouvelé,

Qui ne s'arrête pas à la surface des choses,

À l'image que nous avons des autres,

Ni au souci de notre propre image.

 

Donne-nous la grâce d'une intelligence libre,

Ouverte, aventureuse,

Capable de replacer toutes choses

Dans un contexte plus large,

Sans esprit de système, sans désir de puissance.

 

Donne-nous la grâce d'une parole libre

Toujours respectueuse des autres;

Donne-nous d'offrir aux autres

Une présence qui délivre.

 

Donne-nous l'audace des projets ambitieux

Et la patience de la mise à l'œuvre.

Délivre-nous de l'instinct du propriétaire

Sur les projets que nous formons

 

Cela nous ne pouvons le recevoir que de toi.

Françoise Le Corre

 

Cette fiche, n° 15 est la dernière qui accompagne notre lecture de saint Jean. Depuis sept ans, les maisons d’Evangile nous ont aidés à lire les quatre Evangiles et les Actes des apôtres.

 

Faites parvenir vos questions, découvertes et souhaits à :

Lire l’Evangile   Maison diocésaine CS 61016 – 62008 Arras cedex

ou à hennart-eh@orange.fr

Dossier des Evangiles : http://arras.catholique.fr/maisonsdevangile

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