Prêtres pour ouvrir les cœurs

Edito de Monseigneur Jaeger - Eglise d'Arras n°9

Monseigneur Jaeger Monseigneur Jaeger  Dans le courant du mois de septembre, j’ai présidé un certain nombre de cérémonies d’installation de curé. Le mot est sans doute mal venu lorsqu’il s’applique à un ministre du Christ qui n’avait pas, selon ses propres termes, de pierre où reposer la tête. L’installation fait allusion au rite qui conduisait le nouveau curé à la stalle qu’il occuperait pour la prière dans le chœur de l’église, la plus proche de l’autel, du côté où était proclamé l’Evangile.

            Je préfère de beaucoup dire que je confie à un curé sa nouvelle charge. Dans la plupart des cas, une assemblée nombreuse participe à cette cérémonie. Les fidèles n’ont d’yeux que pour leur nouveau pasteur. Aux paroissiens du lieu se mêle habituellement un groupe de ceux que le prêtre quitte et il n’est pas rare de voir quelques larmes sur les visages.

            Nous ne dirons jamais assez que les fidèles aiment leurs prêtres. En dépit de graves manquements minoritaires qu’il ne faut pas occulter, l’immense majorité des prêtres mérite largement cette estime et cette affection. Leur petit nombre, l’érosion criante du socle des croyants, l’évolution des mentalités font peser une lourde charge sur leurs épaules. Malgré leur intense investissement, ils redoutent de ne pas pouvoir répondre à toutes les attentes.

            Je ne confie plus aux communautés des curés qui menaient leurs paroissiens à la baguette usant de leurs prérogatives spirituelles pour régenter, parfois avec de réelles compétences, la vie personnelle et collective de leurs ouailles. Dans une lettre qu’il adresse au peuple de Dieu et datée du 20 août 2018, le pape François invite notamment à une réflexion générale sur l’exercice de l’autorité dans l’Eglise. Celle-ci se situe dans la droite ligne des orientations données par le concile Vatican II. 

Le pape met sévèrement en cause « le cléricalisme, cette attitude qui ‘annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple 1. Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme. 2»

            La Saint Père précise :« Il est nécessaire que chaque baptisé se sente engagé dans la transformation ecclésiale et sociale dont nous avons tant besoin. Une telle transformation nécessite la conversion personnelle et communautaire et nous pousse à regarder dans la même direction que celle indiquée par le Seigneur. 3»

            

 

 

Le pape n’entend nullement amoindrir ou dévaloriser la responsabilité des ministres ordonnés dans la constitution et la mission de l’Eglise. Il rappelle cependant que certains modes de fonctionnement entrainent des dérives dont les conséquences peuvent être lourdes et dramatiques pour les personnes et pour l’ensemble de la communauté ecclésiale.

L’ordination sacerdotale ne confère pas instantanément toute la foi, tout le savoir, tout le pouvoir. Le même Esprit Saint qui fait d’un baptisé un prêtre, habite et travaille le cœur des fidèles et l’ensemble du Peuple de Dieu. Des responsabilités particulières incombent aux ministres ordonnées. Elles doivent être connues et respectées. Elles ne peuvent, cependant, être exercées qu’en pleine harmonie avec l’œuvre de Dieu au sein de l’Eglise et dans le monde. « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. 4», dit Saint Paul. 

Cette certitude ferme la porte à toutes les tentations d’hégémonie dans l’Eglise. Le lent travail de discernement conduit à rechercher de façon permanente lavolonté de Dieu qui propose sa vie, son amour et sa joie à l’humanité entière.

Les prêtres ne sont pas appelés à verrouiller un système qui leur ferait la part belle. Ils donnent leur vie à la suite de Jésus et rendent sensibles l’infinie bonté de Dieu qui, en son Fils Jésus, libère, relève et pardonne. C’est pour ce don que les prêtres méritent respect, estime et affection.

Ils nous aideront eux-mêmes à méditer et travailler l’invitation du pape et lui donner une suite positive heureuse et féconde.

 

 

 

 + Jean-Paul JAEGER

 

1. Lettre au Cardinal Marc Ouellet, Président de la Commission Pontificale pour l’Amérique Latine, 19 mars 2016.

2. Lettre du pape François au Peuple de Dieu – 20 août 2018.

3. Lettre du pape François au Peuple de Dieu – 20 août 2018.

4. 1ère Corinthiens 12, 4.