Relève-toi d'entre les morts
Édito de Monseigneur Jaeger - Eglise d'Arras n°4
Il est impressionnant d’entrer dans une église le Samedi Saint. L’autel est totalement dépouillé. La réserve eucharistique a été déposée hors du sanctuaire. Aucune messe n’est célébrée. Les cloches se sont tues. Seule la croix rappelle que la mort a fait son œuvre. Le silence et le doute occupent l’espace déserté par les fidèles. Tout semble dire que l’aventure est terminée. Ceux qui criaient : « A mort ! » ont gagné.
La liturgie proclame cependant que si « Dieu s’est endormi dans la chair », « Il a éveillé ceux qui dorment depuis les origines. [1]» Elle ajoute : « Dieu est mort, mais le séjour des morts s’est mis à trembler. » Jésus de Nazareth, Fils de Dieu mort dans la chair n’est pas resté inactif. « Il est descendu aux enfers » affirme notre credo. Il invite l’humanité marquée par la mort, à la vie nouvelle qu’il va lui offrir : « Eveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. »
L’angoissante absence du Samedi Saint s’impose à nos regards, à nos pensées et à nos cœurs. L’œuvre de Dieu se révèlera à nouveau. Les apôtres reconnaîtront dans la chair mystérieusement transformée de celui qu’ils avaient abandonné sur le chemin de la croix, le Seigneur qui les appellera comme au premier jour et les enverra témoigner de sa résurrection.
En cette année 2019, nous sommes invités à vivre plus intensément l’apparent mutisme du Samedi Saint. Beaucoup, autour de nous, auront de bonnes raisons de croire et de proclamer que l’Eglise est définitivement gagnée par le froid de la mort. Son triomphe et sa gloire ont disparu dans le linceul de sa sépulture. Un nombre non négligeable de ses propres enfants ont déjà signé son acte de décès. Un vide angoissant saisit des disciples et des fidèles qui ne comprennent pas. Comme les apôtres apeurés, Ils sont tentés de se barricader et de vivre de leurs souvenirs.
Dieu est présent dans ce Samedi Saint de notre Eglise. Elle entend l’ordre donné à Adam : « Relève-toi d’entre les morts : moi, je suis la vie des morts.» En refermant sur Jésus de Nazareth le tombeau d’emprunt, ses juges et ses bourreaux pensaient qu’ils pourraient saintement célébrer le sabbat et la Pâque. Les malheureux ne savaient pas que par cet acte même, ils abolissait le rite ancien. Le Christ allait devenir la Pâque nouvelle, notre Pâque !
Engendrée par le Christ qui remet l’esprit, jaillie du côté transpercé du Christ, l’Eglise fera à tout jamais l’expérience fondatrice de la mort. Que peuvent contre elle, les renoncements auxquels il lui faut consentir, les dépouillements qui lui sont imposés, les persécutions qui lui sont infligées ? C’est d’abord avec le Christ crucifié que l’Eglise est à sa place. Elle le retrouvera toujours en chaque humain défiguré, abîmé et torturé auquel s’identifie le Seigneur crucifié.
Comme les femmes et les apôtres, aux premières lueurs du premier jour de la semaine, nous sommes bien vite écartés du tombeau. Il est vide. La panique et les interrogations du Samedi Saint appartiennent bien évidemment à notre condition humaine et nous sommes peut-être pressés d’y enfermer notre Eglise. Elles sont dépassées, anéanties.
Nos sécurités s’évanouissent. Nos certitudes s’envolent. Le découragement nous guette. Plus rien ne se passe comme nous l’avons décidé. Qui nous parlera de notre avenir de celui de notre Eglise ? Emportés et tourmentés par ces débats intérieurs, nous sommes enfin prêts à nous laisser saisir par le Christ et à entendre l’appel : « Eveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. »
Greffés sur le Christ ressuscité, ne vivant que de Lui et par Lui, nous pouvons quoi qu’il advienne apporter notre humble concours à l’annonce de la Bonne Nouvelle et à toute la mission de l’Eglise. Si nous cherchons et accueillons en Lui le chemin, la vérité, la vie et la lumière, l’œuvre de Dieu s’accomplira. Cette certitude sera une force pour assumer nos pauvretés, nos faiblesses et nos infidélités. Elle nous disposera à la conversion et au pardon.
Frère, Sœur, jeune, fidèle ou curieux, entends dans ta vie résonner cet appel à la Vie nouvelle : « Eveille-toi ! » Alléluia, Alléluia, Alléluia !
+ Jean-Paul JAEGER