Rien que pour aujourd’hui

Edito de Monseigneur Olivier Leborgne - Eglise d'Arras n°02

messe-installation-mgr-leborgne messe-installation-mgr-leborgne  «Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » (Mc 4,38) Ces mots des disciples à Jésus endormi dans la barque, alors qu’elle est prise dans la tempête, résonnent tout particulièrement depuis quelque temps. Nous sommes bousculés dans notre vie, pour certains jusque dans notre foi. Par la pandémie directement, par les blessures qu’elle réveille, par les fondements personnels ou communautaires que des questions vives semblent remettre en cause, parfois jusqu’à l’expression d’une réelle violence…

Dans ces moments où l’équilibre personnel et social est atteint, où l’incertitude, la distance et la solitude pèsent plus fort, pour toutes les personnes, les familles, les couples, les communautés perdus, je rêverais d’avoir La parole qui relève. Je ne l’ai pas.  

Dans la conviction cependant toujours présente que l’Évangile « est puissance de Dieu » (Rm 1,16) et que sa parole nous travaille au plus intime, ces mots de sainte Thérèse de Lisieux me reviennent : « Tu le sais, ô mon Dieu ! pour t’aimer sur la terre, je n’ai rien qu’aujourd’hui… »  

Nous ne savons rien de nos forces de demain, rien de nos joies, ni de nos épreuves à venir. Mais nous avons cet instant, cet aujourd’hui, à offrir au Seigneur, pour qu’Il l’habite pleinement.

Alors rien que pour aujourd’hui rechoisir ce jour comme un appel à vivre et à aimer. Rien que pour aujourd’hui rechoisir les relations qui nous seront données, et consentir à celles qui nous manqueront. Rien que pour aujourd’hui résister à la tentation de nous confiner en nous-même et demander au Seigneur la grâce de faire un pas vers « l’autre rive » (Mc 4,35).

Rien que pour aujourd’hui reposer cet acte de foi : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche, convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1,14). Même si nous ne sentons rien, rien que pour aujourd’hui, redire avec le psalmiste : « je t’aime, Seigneur, tu es ma force » (Ps 18,1).

Et alors peut-être vivre l’expérience de Zachée qui, un jour de curiosité ou de lassitude, a rencontré le regard de Jésus : « Descends vite, il me faut aujourd’hui demeurer chez toi » (Lc 19,5).

Quand l’aujourd’hui de Jésus s’invite en nous, lorsqu’il y est accueilli, c’est l’éternel aujourd’hui de Dieu qui fait son œuvre en nous, le salut qui recommence à sourdre et à raviver la vie en nous.  L’aujourd’hui laborieux peut devenir alors promesse d’éternité.

Voilà que l’aujourd’hui de la venue de Jésus transforme nos aujourd’hui las, inquiets ou perdus, en terre durable de la promesse, en chemin de vie nouvelle et d’espérance.

Rien que pour aujourd’hui, Seigneur, donne-moi de t’aimer…

« Ton amour me fait danser de joie : tu vois ma misère, tu sais ma détresse. Tu ne m’as pas livré aux mains de l’ennemi ; devant moi tu as ouvert un passage. » (Ps 30,9). Béni sois-tu, Seigneur !

 

+ Olivier Leborgne,

Évêque d’Arras, Boulogne et Saint-Omer