Synodalité et écoute

Édito de Mgr Leborgne - Eglise d'Arras n°02

MgrLEBORGNE MgrLEBORGNE  Saint Exupéry a écrit : « aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction ».

Marcher ensemble, vivre un synode, n’est pas prendre un chemin déjà déterminé à l’avance ou suivre un itinéraire que d’autres nous auraient préparé. C’est se mettre à l’écoute d’un chemin sur lequel le Seigneur nous appelle pour marcher ensemble dans la direction de ce qu’il attend de nous.

 

« Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique » déclare le livre du Deutéronome (Dt 6, 2) et saint Paul n’a pas peur de nous appeler à « l’obéissance [étymologiquement : « écouter sous »] de la foi » (Rm 16, 26).

 

Pour le synode, chacun arrive avec ses convictions et son expérience, et c’est bien. Mais tous non seulement acceptent mais désirent — ce n’est pas concession mais désir de vérité — passer tout cela au crible de l’appel du Seigneur et de sa volonté.

 

Un synode se construit donc au creuset de l’écoute :

— De la Parole de Dieu, incontournable et fondamentale — c’est-à-dire fondement de toute la démarche —, elle qui vient réveiller en nous le don de Dieu et purifier tout ce qui a à l’être, à commencer dans nos idées et convictions ; elle qui, toujours nouvelle, nous révèle ce que Dieu attend de nous en nous recentrant sur le don de son amour, Jésus lui-même, dans la grâce du Saint-Esprit. Celui-là donc qui entre en synode ouvrira les Écritures saintes avec ses frères et sœurs, et la méditera personnellement, jour après jour. À l’écoute de son Seigneur.

— Des signes des temps, cette manière dont Dieu parle à travers les événements. Car Dieu travaille l’histoire. « Mon Père est à l’œuvre, dit Jésus, et moi aussi je suis à l’œuvre » (Jn 15, 17). Nous ne savons souvent plus le voir. Il nous faut ainsi invoquer l’Esprit pour qu’Il nous aide à chausser les bonnes lunettes, ou vaincre notre cécité. Le Dieu créateur, Celui qui s’est incarné en Jésus, assume l’histoire et le temps, et s’y révèle. C’est ainsi que l’histoire est toujours une histoire sainte, quelles que soient ses vicissitudes : Dieu s’y engage, s’y révèle et vient nous sauver. Entrer en synode, c’est vouloir ne pas passer à côté de tout cela !

— Des uns des autres. Par le baptême, chacun a reçu la grâce de l’Esprit qui parle à travers Lui. Tout ce qu’il dit n’est pas forcément de l’Esprit Saint, pourtant celui-ci passe les uns par les autres pour s’adresser à nous. Et si un seul baptisé manque, il manque quelque chose de l’Esprit à l’Église.

 

Nous ne savons pas spontanément écouter. Écouter vraiment. Écouter jusqu’au bout. Écouter la parole de l’autre, même maladroite et abimée, comme une parole sacrée. Écouter sans couper la parole. Écouter sans croire savoir ce que la personne va dire, quand bien-même nous la connaîtrions depuis longtemps et elle aurait déjà aborder ce sujet cent fois. Écouter ce que les mots disent et ce qu’ils ne peuvent pas dire et pourtant qu’ils portent. Écouter sans a priori, sans projeter nos propres expériences et nos précompréhensions (surtout celles qui brouillent d’autant plus notre manière d’écouter que nous n’en avons pas conscience). Écouter sans pourtant enfermer dans les mots entendus…

 

« Tu m’as creusé une oreille, dit le psaume (40, 6-7), alors j’ai dit : voici, je viens ». Pour l’homme de la Bible, la personne humaine est d’abord une oreille, une capacité d’écoute. Et c’est toujours l’écoute de l’appel de Dieu et la réponse à cet appel qui met en marche ensemble.

Le synode va nous donner de nous apprendre à nous écouter pour écouter le Seigneur. Qu’il soit béni !

 

+ Olivier Leborgne,

Évêque d’Arras, Boulogne et Saint-Omer