Le temps

Edito de Monseigneur Jaeger - Eglise d'Arras n°01

jp jaeger jp jaeger  Les Français imaginent mal débuter une année sans recevoir et adresser des vœux. Pour sacrifier à la tradition, je souhaite qu’en 2018, les habitants du Pas-de-Calais et les membres de l’Église de notre diocèse redécouvrent le sens du temps.
Les moyens contemporains de communication privilégient l’immédiateté. Un appel, un clic, un message rejoignent instantanément un interlocuteur où qu’il se trouve. L’agacement n’est pas loin quand la réponse se fait attendre.
Nous faisons, tous et toutes, l’expérience de réunions, de séances de travail, de repas familiaux où la proximité ne se vit plus, ou plus uniquement, avec le voisin ou la voisine de table, mais avec d’invisibles acteurs qui occupent un espace virtuel dont personne ne contrôle l’extension.
Ce fonctionnement façonne les mentalités. L’efficacité et les résultats doivent être immédiats. La rapidité et la spontanéité donnent un sentiment de puissance. A l’égal de Dieu créateur, l’être humain imagine que ce qu’il dit se fait, comme il le veut. Le temps ne compte plus. L’espace se réduit au champ que chacun tisse, tel une toile d’araignée dont il est le centre. Nous ne perdons plus de temps, nous risquons de perdre le temps.
La tradition biblique nous mène au point central de la foi : la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu. L’événement est unique, mais il se déploie dans le temps.
Avec patience et miséricorde, Dieu fait retentir sa Parole au long des siècles et à travers les péripéties d’un peuple. Celui-ci est toujours prêt, dans l’adversité, à répondre à la tendresse de Dieu, mais tout aussi prompt à abandonner « la source d’eau vive pour des citernes lézardées. »1
Plus tard, La Parole du Fils de Dieu lui-même n’est reçue que comme la petite quantité de semence qui tombe dans la bonne terre et porte du fruit.2 Comme il est difficile de reconnaître le Verbe fait chair ! Sa mission d’amour le conduit à la mort avant sa résurrection glorieuse. Il faudra encore du temps, bien du temps pour que l’humanité accueille la vie nouvelle qui lui est offerte en Jésus-Christ.
L’Église, « le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain »3, est elle-même habitée par la nécessité du temps. L’annonce de la Bonne Nouvelle, les sacrements, la charité accordent aux fidèles la plénitude des dons que Dieu prodigue à ses enfants, mais ces trésors sont encore cachés par la pauvreté et la faiblesse d’une création qui gémit dans les douleurs de l’enfantement.4
Sa propre expérience renvoie, de façon permanente, l’Église au temps. Il n’est pas un simple cadre. Il est l’histoire de l’amour que Dieu prodigue à l’homme et de la réponse toujours balbutiante de celui-ci, malgré ses meilleures intentions. Dieu, hors du temps, est entré dans le cours du temps. Il en a pris le risque pour rassembler la famille humaine.
Le pape François rappelle volontiers que le temps est supérieur à l’espace. « Ce principe permet de travailler à long terme, sans être obsédé par les résultats immédiats. Il aide à supporter avec patience les situations difficiles et adverses, ou les changements des plans qu’impose le dynamisme de la réalité. »5
Nous aimerions comme Saint Paul, avoir été saisis par le Christ et recevoir la récompense promise à celles et à ceux qui ont mené le beau combat de la foi et de la fidélité. Dieu nous accordera, s’il le juge opportun, la grâce de ce moment. Il faut aujourd’hui consentir au temps, à en découvrir les limites et les richesses par le discernement à la lumière de l’Esprit de Dieu.
D’une certaine manière, l’Église a touché le but et pourtant, elle est toujours en chemin. Nous ne pouvons pas l’oublier quand nous estimons que l’application universelle et immédiate de règles et de principes feraient instantanément fleurir tous les fruits de la conversion dans tous les cœurs.
Je vous propose de faire de 2018, une année pour respecter, partager et enrichir le temps, le recevoir comme un moment de grâce que le Seigneur nous accorde. Entrons à nouveau dans le temps, comme si nous empruntions le chemin d’un pèlerinage à la suite du Christ, à la rencontre de tous nos frères.


Que cette route vous trouve dans la joie, la paix et la santé !


Bonne année 2018 !


+ Jean-Paul Jaeger


1. Jérémie 2, 13.
2. Voir Matthieu 13, 23
3. Lumen Gentium §1
4. Voir Romains 8, 22.
5. Pape François – Exhortation apostolique Amoris laetitia §223.

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