Suis-je un veilleur ?

Homélie du 2 novembre 2008 à l'église St Vaast de Béthune

 

Suis-je un veilleur ?
HOMELIE DU 2 NOVEMBRE 2008
Luc 12, 35 et 38-40
 « Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour».
 
Cette parole de Jésus à ses disciples, c’est-à-dire à ceux qui veulent vraiment le suivre, se mettre à son école, nous révèle un Dieu renversant, un Dieu qui renverse les rôles, un Dieu qui prend la tenue de service, un Dieu qui se fait serviteur. Le maître qui devient serviteur.
 
Est-ce à ce Dieu que nous croyons, nous tous réunis ce matin dans cette église, pour partager le Repas du Seigneur, l’Eucharistie ?
 
Dans la liturgie de notre Eglise, beaucoup d’oraisons commencent par l’expression «Dieu éternel et tout puissant». «Omnipotens sempiterne Deus» comme on disait autrefois quand la messe était en latin. Dieu éternel et tout puissant qui se fait serviteur de ses serviteurs. C’est ce Dieu infiniment bon et compatissant, ce Dieu de tendresse pour l’être humain que nous révèle Jésus dans tout l’Evangile. La toute puissance de Dieu c’est l’Amour. Le croyons-nous ? En avons-nous conscience ? Oui. Alors heureux sommes-nous car nous sommes des veilleurs. Heureux les veilleurs, ils seront, ils sont déjà, servis par le Dieu-Amour.
 
C’est une autre béatitude que nous pouvons ajouter aux béatitudes proclamées par Jésus, que nous avons entendues hier dans l’Evangile de la Messe de la Toussaint.
 
Veiller, pour moi qu’est-ce que cela suppose ? C’est ce chacun de nous peut se demander en conscience ce matin : Suis-je un veilleur ? Un veilleur c’est quelqu’un qui voit loin, comme autrefois au sommet du beffroi de Béthune. Un veilleur est quelqu’un d’attentif, quelqu’un qui voit l’essentiel, qui fait voir aux autres, qui montre aux autres l’essentiel. Comme Saint Etienne, le 1er diacre, qui disait «Je vois les cieux ouverts». Un veilleur voit le ciel sur cette terre. Il voit les signes du ciel. Un veilleur sait discerner la souffrance de son frère ou de sa sœur en humanité ; un veilleur sait voir la pauvreté parfois dissimulée derrière un col blanc ; un veilleur sait reconnaître la souffrance humaine noyée dans l’alcool ; un veilleur sait reconnaître la détresse d’un frère ou d‘une sœur perdu dans sa solitude. Il sait comprendre la détresse d’une personne humaine affublée de l’étiquette «sans papiers». Un veilleur, disciple du Christ, sait reconnaître, j’allais dire adorer, le Christ en toute personne humaine.
 
Ils et elles n’étaient pas des veilleurs, ceux et celles qui n’ont pas su, qui n’ont pas osé voir la terrible souffrance du petit Marc à Auby. Ils sont passés à côté du Christ sur le chemin du calvaire sans oser lui éponger le visage. Que c’est triste !
 
Au fin fond des Cévennes, près de Saint Jean du Gard, en ce désert où nos frères protestants ont pris le maquis sous Louis XIV, vit aujourd’hui le Pasteur Daniel Bourguet, responsable de la Communauté des Veilleurs. Avant lui, cette communauté de chrétiens laïcs, venus de divers horizons, était animée depuis sa fondation en 1923 par Théodore Monod. Tous les jours, où qu’ils soient, celles et ceux qui appartiennent à cette Communauté des Veilleurs lisent et méditent l’Evangile des Béatitudes. Rien ne nous empêche de suivre ce bel exemple. Théodore Monod, un grand savant, un grand chercheur, un saint était avant tout un veilleur. On le trouvait toujours à l’avant-garde des combats pour la dignité des personnes, pour la cause des animaux et pour la protection de la nature. C’était un non-violent. Il est passé sur l’autre rive en novembre 2000. L’abbé Pierre, Sœur Emmanuelle et d’autres veilleurs, d’autres témoins moins connus sont passés sur l’autre rive nous laissant tous le témoignage d’une vie sainte et simple. Ils étaient sans bagages pour cheminer vers le Royaume. Les amateurs de randonnée le savent bien : quand on fait une grande randonnée, on ne s’encombre pas de bagages inutiles. Quand on chemine vers le Royaume, il faut délester ses bagages de toutes sortes de possessions qui pèsent trop lourd pour faire une longue route.
 
Le court passage d’Evangile, en fait une parole de Jésus, un enseignement de Jésus, nous invite à beaucoup réfléchir. Par exemple : de quoi dois-je me délester pour cheminer plus allègrement à la suite du Christ (idée à laquelle je m’accroche, par exemple ….)
- A prier aussi, prier pour que les chrétiens soient des veilleurs éveillés. C’est important car un veilleur endormi ne peut pas, de ses yeux lourds, voir plus loin que son clocher. Il ne voit pas par exemple les frères chrétiens d’Irak et d’Orient qui souffrent. Il ne voit pas le monde des hommes, ses frères.
- Prier pour tous ceux dont le métier est de veiller au service des autres : les pompiers, les services de garde, les veilleurs de nuit, les gardiens d’immeubles et d’autres métiers, il y a en beaucoup.
- Prier pour les patrons, les directeurs pour qu’ils soient, en exerçant leur tâche en conscience, des serviteurs de la collectivité humaine, du bien commun et non pas des maîtres tout-puissants.
Nous pouvons prier en confiance car à la fin de notre pèlerinage sur cette terre des Hommes, notre Dieu tout puissant en Amour nous servira à la table du Royaume, il servira tous ceux qui auront suivi la consigne du Christ : «Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées».
 
L’eucharistie, ce repas du Seigneur que nous allons partager maintenant est déjà le festin du Royaume. Mais pour y participer en vérité, il ne faut jamais oublier qu’au soir du jeudi saint, Jésus, le Christ a mis le tablier de service pour laver les pieds de ses amis. L’Eucharistie est le repas du service. On y vient en tenue de service. Sur la porte d’une église il n’y a pas de pancarte «tenue correcte exigée» mais il devrait y avoir toujours une pancarte qui précise «tenue de service exigée».
 
 
Diacre Guy CATOUILLARD

 

 

Article publié par Bruno Boulet - Notre Dame en Béthunois • Publié • 3916 visites