Ordination diaconale et homélie
Hervé Ducroc, Olivier Felix, François Holland
Ordinations diaconale 18 octobre
Sont ordonnés au service du diocèse comme diacres:
Hervé Ducroc et Brigitte, de Frévent.
Il travaille dans le négoce agricole, aliments du bétail. Son épouse n’est pas originaire du Pas-de-Calais.
Elle découvre et grandit dans la foi avec le néocatéchuménat. Elle est active dans la préparation au baptême et la catéchèse.
Olivier Félix et Angélique, de Alincthun.
Il travaille dans une entreprise de réparation de téléphones portables. Elle est enseignante en maternelle et directrice de l’école. Ils partagent des responsabilités dans le mouvement scout.
François Holland et Nathalie. Il a suivi un parcours dans l’enseignement. Pendant 18 ans il a travaillé au sein de la congrégation Jean Bosco, où il a pu découvrir la richesse pédagogique et la spiritualité salésienne et la notion de “compagnon de route“. Il est enseignant à Sainte Marie de Bailleul, puis directeur du lycée de Guines puis de saint Paul de Lens. Il est appelé comme responsable de l’Enseignement catholique du second degré en 2013. Il rejoint la communauté paroissiale de Lumbres. Son cheminement vers le diaconat est fait d’imprévus, d’un temps d’épreuve du doute. Concernant Nathalie son épouse, sa formation initiale et professionnelle l’orientait comme juriste en entreprise. Ne se trouvant plus à l’aise dans le monde des affaires, il avait entrepris une formation, à l’ADF puis au Cipac, avec perspective de mission en catéchèse.
Homélie de Mgr Jaeger
Isaïe, 53, 10-11; Hébreux 4, 14-16; Marc 10, 35-45
Jésus, le Christ, Parole du Père, s’adresse à nous, ici et maintenant comme il le fait à l’égard de toute l’humanité de façon permanente. Le Christ vivant, parlant et agissant est au milieu de nous, notamment par son Église dont notre assemblée de cet après-midi est la manifestation.
Ainsi avertis, nous pouvons nous mettre aux côtés de Jacques et de Jean et interroger le Christ. Les fils de Zébédée incarnent parfaitement un penchant caractéristique de l’appartenance à la famille humaine : la recherche de la bonne place !
Qui d’entre nous ne rêve pas, au moins occasionnellement, d’être le premier, le plus fort, le plus beau, le plus intelligent, le plus riche, le plus puissant, le plus séducteur ? Ces tendances peuvent bien évidemment constituer d’appréciables stimulants. Hélas, elles dégénèrent souvent en rivalités, en domination, en tromperie, en exclusion, en duperie, en trafics.
Ce double mouvement agite nos attentes les plus nobles et les plus grandes. Il pervertit parfois jusqu’à notre action dans l’Église. Il est merveilleux de désirer siéger pour toujours auprès du Christ quand la création et l’humanité auront retrouvé leur splendeur, renouvelées par la Mort et la Résurrection de Jésus.
Cette attente peut aussi cacher la tentation de l’orgueil, de la supériorité, de la combine. Les autres disciples ne s’y trompent pas. Ils n’ont nullement l’intention de se laisser distancer par les deux intrigants.
En quelques mots Jésus remet les pendules à l’heure. Il brise durement les ambitieuses querelles et trace les perspectives d’une nouvelle autorité. « Les Chefs des nations commandent en maîtres … Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. » Après de tels mots, il n’est pas évident que même au prix de lourds sacrifices, Jacques et Jean aient encore envie de siéger à la droite et à la gauche du Christ.
Il n’est pas facile de croire que Jésus est l’envoyé du Père, qu’il a épousé la condition humaine, s’est abaissé comme l’écrit Saint Paul. Il devient totalement inacceptable de le reconnaître dans celui qui renonce à un quasi droit à être servi pour se faire lui-même serviteur. Toutes les limites sont franchies lorsque le Christ lui-même annonce qu’il vient « donner sa vie en rançon pour la multitude. » la suite de l’Evangile nous apprend qu’il n’y a plus personne au pied de la croix pour siéger à la droite et à la gauche de Jésus. Il n’y a que deux condamnés qui n’ont nullement revendiqué la place !
Nous comprenons mieux pourquoi l’Église a choisi à l’occasion du concile Vatican II de rétablir le diaconat en qualité d’ordre permanent. L’héritage des siècles précédents avait insisté, en mettant en relief le ministère des prêtres, sur la mission du Christ tête de l’Église et premier Pasteur. Par une plus grande présence du ministère diaconal, l’Église rappelle que si le Christ est effectivement la Tête et le guide, il le fait en étant totalement serviteur.
Pour des raisons historiques et culturelles, nous n’aimons pas trop entendre parler de chefs dans l’Église. La liturgie ne craint pas d’employer ce terme. Il ne désigne pas alors celui qui commande en maître, mais celui qui est venu pour servir et donner sa vie. Il est bon de revenir souvent, dans l’Église, quelles que soient nos responsabilités, à cette source évangélique. L’accent mis sur le ministère du service dans la personne et le ministère des diacres est particulièrement bienvenu.
Le service se déploie largement dans l’Église comme dans la société. Il n’a pas de frontières. Il n’est pas réservé à des catégories spécifiques. Pour nous fidèles du Christ, le service ne s’enferme pas dans les limites de l’Église. Le ministère diaconal atteste que le Fils de Dieu prend soin de son Église, comme de son Epouse, mais le même Christ qui s’est fait homme va loin, très loin, à la rencontre de tous ses frères humains. Il va affronter les pauvretés, les souffrances, les haines, les infidélités, les doutes. Il offre selon les termes de la lettre aux hébreux, la « miséricorde » et « la grâce de son secours. »
S’il va jusqu’aux extrémités de la terre, le service reste aussi tout proche. Les détresses et les drames ont une extension géographique, l’actualité en témoigne tous les jours, notamment sur nos rivages du Pas-de-Calais où convergent tant de victimes de tragédies humaines. Ces détresses, ces drames se cachent aussi dans la vie et le cœur de tant hommes et de femmes, de jeunes qui habitent près de nous, au milieu de nous dans les périphéries existentielles dont parle le pape François.
Le Christ serviteur s’invite dans le quotidien de l’existence. La lettre aux hébreux précise qu’il a traversé les cieux pour nous rejoindre. Il n’est pas incapable de compatir à nos faiblesses.
Hervé, Olivier, François, tel est le Christ dont vous allez devenir ministres et dont vous serez le signe efficace. Loin de vous arracher aux réalités de votre vie, le ministère diaconal leur donne une dimension nouvelle. C’est là que vous proclamerez et montrerez à vos frères et sœurs humains que le Christ remet sa vie en sacrifice de réparation, selon la formule d’Isaïe. Vous savez à quel point l’aventure humaine a besoin de stations de réparation !
Vos épouses, vos enfants, vos familles, vos activités professionnelles, votre voisinage, vos engagements associatifs ne sont pas extérieurs à votre ministère. Ils en sont la chair. Nourris par l’accueil de la Parole de Dieu, la prière, la participation aux sacrements, une charité inventive, ils seront terrains de rencontre où le Fils de Dieu viendra encore et toujours servir. Le ministère que vous remplirez dans la célébration des baptêmes, des mariages, des funérailles, de l’Eucharistie, de la prédication, de l’enseignement exprimera de façon lumineuse la mission du grand prêtre par excellence qui se fait serviteur. Nous reviendrons en fin de célébration sur les champs plus particuliers de la mission de l’Église qui bénéficieront de votre ministère.
Membres de cette assemblée, vous êtes venus entourer Hervé, Olivier et François, leurs épouses ainsi que tous nos diacres. Vous les admirez à juste titre, vous réjouissant de qui ils sont, de ce qu’ils font et feront. Vous serez toujours ravis de bénéficier de leur ministère. Vous ne pouvez quand même pas être quittes à si bon compte !
Tout ministère dans l’Église est confié à des personnes, mais il engage toute l’Église. Ensemble, il nous appartient d’être le cœur, la bouche et les bras du Christ serviteur dans le monde d’aujourd’hui. C’est parce que nous ne sommes pas plus malins que Jacques et Jean, tout en étant aussi ambitieux qu’eux, que nous avons besoin du ministère ordonné, notamment celui des diacres. Aucun membre de l’Église, Corps du Christ n’échappe à la conversion qui transforme celui qui commande en maître en serviteur qui donne sa vie.
Notre diocèse avec ceux de Lille et de Cambrai entre dans la phase de mise en œuvre d’orientations retenues après un magnifique travail d’assemblée que nous appelons dans notre vocabulaire un concile provincial ou un synode.
L’ordination d’aujourd’hui illustre magnifiquement les démarches auxquelles sont appelées nos communautés. Toutes les observations nous apprennent que nous sommes sortis de la période où il semblait normal et presque naturel d’être chrétiens dans notre pays ou notre région. Une multitude d’hommes et de femmes, se reconnaissaient plus ou moins explicitement membres de l’Église.
Nous n’en sommes plus là. Nos contemporains ne viennent plus massivement au Christ, à l’Evangile, à l’Église. Il est urgent aller vers eux. Nous n’avons nullement l’intention de leur reprocher une quelconque désertion et de les enrôler dans des bataillons de nouveaux conquérants. Nous avons soif de partager avec eux un trésor que nous avons reçu sans aucun mérite de notre part. Nous désirons ardemment accueillir avec eux le Christ pasteur, serviteur et marcher à sa suite.
Les chemins divers et nombreux de cette rencontre sont plats ou escarpés, droits ou sinueux, larges ou étroits. Ils ne ressemblent plus aux longs cortèges où des fidèles bien encadrés marchaient en longues files uniformes. L’Église, ses fidèles, ses ministres, ses consacrés ne peuvent qu’élargir les tentes de la mission. Cette mission a besoin de la participation de tous car L’Evangile ne se propage que dans une proximité de chaque instant. La mission n’est pas un effet de notre bonté. Elle est celle du Christ qui parcourt les routes de Galilée, de Samarie, de Judée. L’Église en proclamant l’Evangile, en célébrant les sacrements, en priant, en servant, est invitée à promouvoir une indispensable communion qui donne l’unité. L’Esprit de Dieu la fait jaillir sous les innombrables formes toujours surprenantes de sa présence, là où nous sommes assurés de le rencontrer, mais aussi là où ne nous l’attendions pas.
Non, mes amis, vous n’êtes pas venus simplement assister à une ordination. Vous recevez trois nouveaux diacres qui se feront une joie avec tant d’autres ministres ordonnés d’éveiller ou de réveiller, de soutenir, de nourrir, d’orienter votre propre foi, votre mission commune. Elles sont celles de l’Église. Cette Église nous redit sans complexe : « Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous. »
+ Jean-Paul JAEGER